Vidéosurveillance au Stade de France : l’opposition charge l’exécutif après la destruction de « pièces à conviction compromettantes »

Vidéosurveillance au Stade de France : l’opposition charge l’exécutif après la destruction de « pièces à conviction compromettantes »

Les vidéos captées par les caméras de surveillance du Stade de France, susceptibles d’apporter un éclairage important sur les violences survenues lors de la finale Liverpool-Real Madrid le 28 mai, n’ont pas été conservées, a-t-on appris jeudi. Dans les médias et sur les réseaux, de nombreux responsables de l’opposition s’interrogent désormais sur le caractère fortuit de cette disparition.
Romain David

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Des images effacées et des sénateurs qui demandent des comptes. C’est peu dire que l’audition au Sénat de différents responsables de la Fédération française de football, jeudi après-midi, a déclenché un véritable tollé lorsque les élus ont appris que les images de vidéosurveillance du Stade de France, susceptibles d’apporter un éclairage primordial sur les débordements qui sont venus entacher la finale de la Ligue des Champions, ont été automatiquement effacées. « Les images de vidéosurveillance sont disponibles pendant sept jours, puis elles sont automatiquement détruites », dans le cadre de la réglementation sur la protection des données personnelles, a expliqué Erwan Le Prévost, directeur des relations institutionnelles pour la FFF.

Une saisie de justice aurait pu empêcher la destruction de ces images. Mais le parquet de Bobigny, qui a ouvert une enquête pour une « fraude massive » présumée aux faux billets, ne semble pas être intervenu. Selon une information du Monde, ce n’est que jeudi soir, soit 12 jours après le match Liverpool-Real Madrid, et dans la foulée des révélations de la FFF, que la justice a formulé une demande auprès du consortium qui gère le Stade de France. « Evidement, le procureur de la République se réveille quand le scandale arrive. Mais c’est trop tard ! », s’est agacé auprès de Public Sénat le sénateur LR du Rhône François-Noël Buffet, président de la commission des lois qui copilote, avec la commission de la culture, les investigations du Sénat. « Cette situation est grand guignolesque. S’il s’avère que l’on a sciemment laissé filer les choses pour que ces vidéos disparaissent, on toucherait à un vrai scandale d’Etat, avec une manipulation de l’opinion et des carambouillages », avertit l’élu.

Une simple négligence ?

Depuis jeudi, une large part de l’opposition s’interroge effectivement sur la disparition programmée de ces images. D’autant que plusieurs commentateurs remettent en cause les chiffres évoqués par le ministère de l’Intérieur et la préfecture de police de Paris, faisant état de 35 000 à 40 000 supporters sans billets ou munis de faux billets à l’intérieur et autour de l’enceinte sportive. « Tout porte à croire qu’on a sciemment laissé détruire des pièces à conviction compromettantes », accuse Bruno Retailleau, le président du groupe LR au Sénat, dans un communiqué diffusé jeudi soir. « Pire encore, les autorités publiques n’ont même pas pris soin de réquisitionner les images de vidéo surveillance alors que le Sénat en avait fait la demande expresse au ministre de l’Intérieur lors de son audition au Sénat », pointe-t-il.

Même stupeur du côté du LR Michel Savin, spécialiste des questions sportives à la Chambre Haute : « Je suis extrêmement choqué qu’aucun signalement n’ait été réalisé sur les graves agressions qui se sont déroulées autour du stade, et que les images de vidéoprotection n’aient pas été réquisitionnées, alors que le ministre Darmanin s’était pourtant engagé à nous [les] fournir la semaine dernière », écrit-il, également dans un communiqué de presse. Effectivement, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, lors de son audition devant la Chambre Haute le 1er juin, a évoqué des images captées sur les quais du RER en marge du match, et pouvant être mises à la disposition des élus, mais il semble que le ministre faisait plutôt référence aux vidéos des systèmes de surveillance de la SNCF et de la RATP. Pour l’heure, les sénateurs n’ont pas encore pu avoir accès à ces images.

« Je n’ose pas imaginer que nos dirigeants soient incompétents au point de ne pas avoir immédiatement […] demandé que leur soient transmises les images de vidéosurveillance », a ironisé Marine Le Pen vendredi matin, au micro de BFMTV, parlant d’une « destruction de preuve par inaction ». Et d’ajouter : « Je ne parle pas des organisateurs. Moi, je parle de nos dirigeants, je parle de M. Darmanin, je parle de M. Dupond-Moretti. Je parle de gens qui auraient pu, sur un simple coup de téléphone, se faire transmettre la preuve. » Sur Twitter, la sénatrice socialiste Marie-Pierre de la Gontrie s’est gardée de glisser dans le procès d’intention, se risquant tout de même à rappeler une citation, fort à propos, de l’ancien Premier ministre Michel Rocard : « Toujours préférer l’hypothèse de la connerie à celle du complot. La connerie est courante. Le complot exige un esprit rare. »

« Les commissions d’enquête parlementaires ne sont pas là pour doublonner les enquêtes judiciaires »

Inversement, les commentaires de la majorité présidentielle sur les évènements du Stade de France se font plus rares à deux jours du premier tour des élections législatives, ce qui trahit également l’embarras soulevé par cette affaire deux ans avant l’organisation des Jeux olympiques de Paris. Sur RMC, la députée sortante Aurore Bergé a rappelé que la loi prévoit, au-delà d’un certain délai (un mois pour un établissement recevant du public) la suppression obligatoire des images de vidéosurveillance. « Je ne peux pas répondre sur l’enquête et ce que la justice aurait pu conduire ou pas », a-t-elle tenté de botter en touche. Avant un petit rappel à l’intention des sénateurs : « Les commissions d’enquête parlementaire ne sont pas là pour doublonner les enquêtes judiciaires en cours, mais pour dire si des éléments de la législation doivent évoluer. »

Sur franceinfo, Gabriel Attal, le nouveau ministre délégué aux Comptes publics, ancien porte-parole du gouvernement, a insisté sur le fait que d’autres images de la soirée avaient été captées, notamment par la préfecture de Police. « Ce que me dit le ministère de la Justice, c’est qu’ils sont en train d’établir les faits, de regarder quelles images ont été supprimées et qu’ils communiqueront sur ce sujet-là prochainement. » Avant de concéder : « Je comprends que cela interpelle. »

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