“Violation du secret”: un an de prison avec sursis requis contre l’ex-ministre Urvoas

“Violation du secret”: un an de prison avec sursis requis contre l’ex-ministre Urvoas

"Une trahison" et une faute pénale à l'origine d'un "trouble institutionnel important": l'accusation a requis jeudi un an de...
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Par Sofia BOUDERBALA

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"Une trahison" et une faute pénale à l'origine d'un "trouble institutionnel important": l'accusation a requis jeudi un an de prison avec sursis contre l'ancien garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas, jugé devant la Cour de justice de la République (CJR) pour "violation du secret professionnel".

"La responsabilité d'un ministre ne le place pas au dessus des lois. Le ministre de la Justice était soumis à un secret professionnel du fait de ses fonctions", en tant que "dépositaire" d'informations qu'il ne recevait que du fait de sa position de supérieur hiérarchique du parquet, au "sommet de la chaîne" du secret, a déclaré le procureur général François Molins à la Cour.

L'ancien ministre socialiste (janvier 2016-mai 2017) est jugé pour avoir transmis les 4 et 5 mai 2017 au député (alors LR) Thierry Solère des éléments de l'enquête qui le visait pour fraude fiscale et trafic d'influence, via la messagerie cryptée Telegram.

"Une pratique sans précédent", qui fait de M. Urvoas le huitième ministre à comparaître depuis 1999 devant la CJR, une juridiction controversée, seule habilitée à juger des actes commis par des membres du gouvernement dans l'exercice de leurs fonctions.

L'ancien ministre ne nie pas la matérialité des faits, mais conteste que les documents transmis soient couverts par un quelconque secret. Il a expliqué que les fiches que lui transmettait la Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG), département qui fait l'interface entre chancellerie et procureurs, étaient "filtrées" par ses services et donc délivrées du secret.

"Si on me donne un document, c'est pour que je m'en serve!", a-t-il répété jeudi, arguant de sa mission publique de "défense de l'institution judiciaire".

- "Effets systémiques majeurs" -

"Défense étonnante. Que dirait-on si le ministre du Budget venait expliquer qu'il n'est pas soumis au secret fiscal?", a interrogé François Molins.

"Si on va au bout de ce raisonnement, pourquoi ne pas transmettre des informations à des mis en cause dans des affaires de stupéfiants ou même de terrorisme?", a demandé l'ancien procureur de Paris qui fut, pendant des années, le visage de l'antiterrorisme français au fil de ses conférences de presse sur les attentats jihadistes.

Le procureur, a-t-il rappelé, est "le seul habilité à communiquer publiquement" sur des affaires en cours.

Contrant par avance les arguments de la défense, qui affirme qu'aucun texte de loi ne dit que le garde des Sceaux est tenu au secret, le magistrat a expliqué qu'il existait "peu de désignations (par la loi) de personnes soumises au secret", à part pour les professions médicales et le secteur de la défense.

Mais il n'y a pas pour autant de "vide juridique", puisque la question du secret est abordée dans l'article 226-13 du code pénal, qui, rappelle-t-il, punit d'un an d'emprisonnement "la révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire".

"Ce dossier présente une gravité certaine, puisqu'un garde des Sceaux (...), supérieur hiérarchique ultime des magistrats du parquet, a trahi la confiance de ceux qui lui sont subordonnés. C'est aussi un dossier emblématique qui pose la question de notre système de remontée d'informations (des parquets) dans les affaires particulières", estime le magistrat.

"Une relaxe aurait des effets systémiques majeurs" et "signerait la fin du ministère public à la française", a-t-il prévenu, car "s'il n'y a plus de secret partagé, il n'y plus de confiance", comme l'ont dit tous les magistrats venus témoigner au procès.

Ce procès, a-t-il estimé, est "sans précédent dans vos annales judiciaires".

Il se tient dans "un contexte doublement polémique" alors que "certains dénoncent injustement (...) une politisation de la justice", a-t-il relevé, dans une allusion aux déclarations de Jean-Luc Mélenchon sur les "procès politiques"; mais aussi du fait des "critiques" formulées contre la CJR, 12 des 15 juges de la cour étant des parlementaires.

Eu égard à la gravité du "trouble institutionnel" causé, mais tenant compte du risque presque "inexistant" de récidive, le procureur général a demandé la peine maximale, entièrement assortie du sursis.

La défense plaidera vendredi.

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