Violences : la réponse sécuritaire du gouvernement

Violences : la réponse sécuritaire du gouvernement

Face aux dernières violences dans le cadre de la manifestation des gilets jaunes, Edouard Philippe annonce la possibilité d’interdire les manifestations sur les Champs-Elysées. Les drones et produits marquants renforceront l’attirail des forces de l’ordre. Le préfet de police de Paris, Michel Delpuech, joue les fusibles.
Public Sénat

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

Mis en cause après les nouvelles violences, samedi, lors de la dernière journée de mobilisation des gilets jaunes, le gouvernement met sur la table ses nouvelles mesures. L’exécutif a mis 48 heures pour donner ses réponses. Une première réunion de crise s’est déroulée dimanche, à Matignon, puis une autre ce lundi à l’Elysée autour d’Emmanuel Macron.

« Renforcer la fermeté »

Pour le pouvoir, il s’agit de montrer sa fermeté, alors que l’opposition de droite accuse Emmanuel Macron de laxisme. Entouré notamment de son ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, dont certains dénoncent la gestion des événements, et de la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, Edouard Philippe a annoncé sa volonté de « renforcer la fermeté de notre doctrine de maintien de l’ordre ».

Il a de nouveau reconnu des « dysfonctionnements » dans la conduite des opérations. Alors que de nombreuses blessures ont été dénoncées depuis des semaines chez les manifestants, en raison de l’usage des lanceurs de balles de défense (« flashball »), Edouard Philippe a regretté la retenue des forces de l’ordre samedi :

« Les polémiques sur le LBD ont conduit à ce que des consignes inappropriées soient données pour réduire leur usage ».

Lire aussi sur le sujet notre article « LBD : pourquoi les forces de l’ordre ont rectifié le tir ? »

Les manifestations sur « les Champs-Elysées à Paris, Pey-Berland à Bordeaux et la Place du Capitole à Toulouse » pourront être interdites

Comme certains le demandaient, le premier ministre sort de son chapeau des interdictions de manifester localisées. Si rien ne change « quand une manifestation sera déclarée et pacifique », « en revanche, nous mettrons en œuvre une stratégie renforcée de lutte contre les manifestants des mouvances ultras ».

« Chaque fois qu’il le faudra, nous interdirons les manifestations se revendiquant des gilets jaunes, (…) dès lors que nous aurons connaissance de présence d’éléments ultras » annonce le premier ministre, évoquant les zones des « Champs-Elysées à Paris, de Pey-Berland à Bordeaux, de la Place du Capitole à Toulouse ». Des mesures qui seront prises « en concertation avec les maires concernés ».

« Plus grande autonomie donnée aux forces de l’ordre »

Pour une plus grande « efficacité », il demande que « le maintien de l’ordre soit réorganisé, en donnant une plus grande autonomie aux forces de l’ordre », « placées sous un commandement unifié et dotées de larges capacités d’initiatives ». Les détachements d’action rapide vont être transformés en « unités anticasseurs ». Des moyens nouveaux seront mis à disposition : « Les drones, les produits marquants, l’utilisation des moyens vidéos à des fins de manœuvre et judiciarisation ».

Demandé déjà après les dégradations de l’Arc de Triomphe, l’exécutif a décidé du limogeage du préfet de police de Paris, Michel Delpuech. Il est remplacé par Didier Lallement, ancien secrétaire général du ministère de l’Intérieur et ancien préfet de la région Aquitaine.

Les mesures du texte anticasseurs « mises en œuvre dès l’entrée en vigueur de la loi »

Sur le plan législatif, il était difficile pour le gouvernement de faire dans la surenchère. Et pour cause : une loi anticasseurs vient d’être adoptée par le Parlement. Initié à l’origine par le président du groupe LR du Sénat, Bruno Retailleau, le texte a été repris par l’exécutif. « J’ai demandé à ce qu’elle soit immédiatement mise en œuvre dès l’entrée en vigueur de la loi » a expliqué Edouard Philippe. Elle doit encore passer par le filtre du Conseil constitutionnel, saisi par Emmanuel Macron lui-même.  Le chef de l’Etat s’est retrouvé sur le sujet pris en étau entre une partie de sa majorité, qui s’est abstenue face à un texte jugé trop sécuritaire ses yeux, et la droite qui dénonce son « laxisme ».

La loi anticasseurs doit notamment permettre de renforcer les contrôles aux abords des manifestations, de prononcer des interdictions administratives de manifester « pour les éléments les plus violents » – point le plus polémique du texte – et de poursuivre les personnes qui dissimulent leur visage pour manifester. Une disposition qui vise les black blocs.

Les « personnalités (qui) ont encouragé et légitimé les violences et continuent à le faire sans vergogne » pourront être mises en causes

« Je ne confonds pas les casseurs et la très grande majorité des gilets jaunes » a assuré Edouard Philippe. Mais le gouvernement entend mettre en cause ceux qui encourageront « sur les réseaux sociaux » à participer aux manifestations interdites. Ils se « rendent complices » et « devront prendre leurs responsabilités » prévient le locataire de Matignon. Face aux « personnalités (qui) ont encouragé et légitimé les violences et continuent à le faire sans vergogne », Edouard Philippe demande « au ministre de l’Intérieur de saisir systématiquement la justice à leur encontre » via l’article 40 du code de procédure pénale. Quant aux commerces qui subissent les dégradations, le plan de soutien va être « renforcé ».

Si l’exécutif décide aujourd’hui de faire tomber l’homme à la tête de la préfecture de police de Paris, certains posent la question des responsabilités politiques. Le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, et celui de l’Economie, Bruno Le Maire, sont auditionnés ce mardi par le Sénat. Le premier sera, à n’en pas douter, mis sur le grill par les sénateurs.

Dans la même thématique

Paris : Speech of Emmanuel Macron at La Sorbonne
6min

Politique

Discours d’Emmanuel Macron sur l’Europe : « Il se pose en sauveur de sa propre majorité, mais aussi en sauveur de l’Europe »

Le chef de l'Etat a prononcé jeudi 25 avril à la Sorbonne un long discours pour appeler les 27 à bâtir une « Europe puissance ». À l’approche des élections européennes, son intervention apparait aussi comme une manière de dynamiser une campagne électorale dans laquelle la majorité présidentielle peine à percer. Interrogés par Public Sénat, les communicants Philippe Moreau-Chevrolet et Emilie Zapalski décryptent la stratégie du chef de l’Etat.

Le

Paris : Speech of Emmanuel Macron at La Sorbonne
11min

Politique

Discours d’Emmanuel Macron sur l’Europe : on vous résume les principales annonces

Sept ans après une allocution au même endroit, le président de la République était de retour à La Sorbonne, où il a prononcé ce jeudi 25 avril, un discours long d’1h45 sur l’Europe. Se faisant le garant d’une « Europe puissance et prospérité », le chef de l’Etat a également alerté sur le « risque immense » que le vieux continent soit « fragilisé, voire relégué », au regard de la situation internationale, marquée notamment par la guerre en Ukraine et la politique commerciale agressive des Etats-Unis et de la Chine.

Le

Police Aux Frontieres controle sur Autoroute
5min

Politique

Immigration : la Défenseure des droits alerte sur le non-respect du droit des étrangers à la frontière franco-italienne

Après la Cour de Justice de l’Union européenne et le Conseil d’Etat, c’est au tour de la Défenseure des droits d’appeler le gouvernement à faire cesser « les procédures et pratiques » qui contreviennent au droit européen et au droit national lors du contrôle et l’interpellation des étrangers en situation irrégulière à la frontière franco-italienne.

Le

Objets
4min

Politique

Elections européennes : quelles sont les règles en matière de temps de parole ?

Alors que le président de la République prononce un discours sur l’Europe à La Sorbonne, cinq ans après celui prononcé au même endroit lors de la campagne présidentielle de 2017, les oppositions ont fait feu de tout bois, pour que le propos du chef de l’Etat soit décompté du temps de parole de la campagne de Renaissance. Mais au fait, quelles sont les règles qui régissent la campagne européenne, en la matière ?

Le