Après Champigny-sur-Marne, les sénateurs dénoncent les «fermetures de commissariats» en Île-de-France

Après Champigny-sur-Marne, les sénateurs dénoncent les «fermetures de commissariats» en Île-de-France

Le président LR de la commission des lois du Sénat, François-Noël Buffet, pointe un « défi permanent à l’autorité de l’État », après l’attaque contre le commissariat de Champigny-sur-Marne, et souhaite des « sanctions immédiates ». Les sénateurs demandent une plus forte présence de l’État localement et plus de moyens pour la police.
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Des images impressionnantes qui ont marqué l’actualité du week-end. Dans la nuit de samedi à dimanche, le commissariat de la cité du Bois l’Abbé, à Champigny-sur-Marne, dans le Val-de-Marne, a été l’objet d’une attaque aux tirs de mortier d’artifice. Ces derniers mois, les forces de l’ordre ont été à plusieurs reprises visées par ces feux d’artifice, notamment en juillet contre trois commissariats des Yvelines, aux Mureaux, à Fontenay-le-Fleury et à Plaisir. La semaine dernière, c’est par balles que deux fonctionnaires ont été agressés et blessés dans le Val d'Oise, à Herblay.

Alors que la droite attaque depuis plusieurs semaines le gouvernement sur la question de la sécurité, dimanche, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a parlé « d’une guerre de territoire sur le sol de la République » qui vise à « casser les symboles de la République » et à « casser du flic ». Le ministre a annoncé sa volonté d’interdire la vente au public de ces mortiers d’artifice, en les qualifiant d’« armes par destination ». Gérald Darmanin profitera de la proposition de loi LREM sur le continuum de sécurité, examinée le 17 novembre par les députés, pour déposer un amendement en ce sens.

De son côté, Emmanuel Macron – signe que l’exécutif entend montrer sa présence sur le sujet – recevra jeudi matin les syndicats de policiers. Le ministre de l’Intérieur les aura préalablement vus mardi.

« C’est très grave ce qui se passe »

L’opposition de droite, comme de gauche, dénonce bien sûr ces événements, tout comme l’action du gouvernement. Le président du groupe LR, Bruno Retailleau, a demandé la création d’« un régime juridique d’exception pour ces quartiers devenus incontrôlables ». Il veut « y envoyer des brigades républicaines (policiers, magistrats, éducateurs) dotés des moyens pour boucler et sécuriser ces zones de non-droit ».

Pour le nouveau président LR de la commission des lois du Sénat, François-Noël Buffet, « c’est très grave ce qui se passe. C’est une forme de défi permanent à l’autorité et singulièrement celle de l’État » affirme le sénateur du Rhône à publicsenat.fr. Au sujet de l’interdiction des mortiers, François-Noël Buffet dit « très bien ». Mais il s’interroge : « Dans ce cas, on fera pareil avec les boules de pétanque, qui sont balancées sur les policiers ? Si ce n’est pas une arme à destination, c’est quoi ? » Et en poussant le raisonnement à l’absurde, pourquoi pas « une imprimante » ? Selon le sénateur, « il vaut mieux que l’infraction ait un caractère générique. Il vaut peut-être mieux réfléchir sur la qualification du comportement et l’usage qui est fait de tel objet ». Alors que Nicolas Sarkozy nous avait habitué au diptyque un fait divers/une loi, le président de la commission des lois note que, globalement, « nous avons les outils juridiques. Il faut surtout que le gouvernement reconsidère la philosophie d’intervention des forces de l’ordre. Force doit rester à la loi ».

« On entretient l’idée d’une impunité latente » selon François-Noël Buffet

Du côté des élus locaux, les tensions du week-end n’étonnent pas. « Hélas ce n’est pas la première fois. Le quartier de Bois l’Abbé a toujours été un quartier difficile » réagit Catherine Procaccia, sénatrice LR du Val-de-Marne, département de Champigny-sur-Marne. Elle dénonce surtout une forme de laxisme des magistrats. « Derrière, il y a la réponse de la justice. Tous les policiers vous diront qu’ils arrêtent des jeunes et le lendemain matin, les mêmes sont libérés et viennent les narguer. Il y a un souci » pointe la sénatrice LR, selon qui « les flics sont complètement démoralisés. Et il faut arrêter aussi avec la culture de l’excuse ».

« C’est la question fondamentale de l’exécution de la peine et de la sanction avec une application immédiate » confirme François-Noël Buffet, « tant que vous aurez des personnes qui pensent que passer devant un tribunal, ce n’est pas grave, si vous n’avez pas immédiatement une sanction, c’est comme si on ne faisait rien. On entretient l’idée d’une impunité latente ». Le sénateur LR évoque, pour les petits délits, la nécessité de peines rapides comme le passage quelques jours « dans un centre fermé » ou des peines de « remise en état ». François-Noël Buffet n’oublie pas pour autant que sur le long terme, « il y a aussi un problème d’éducation », qui vient de « l’école » mais aussi « des familles », ou encore la question de l’accès à « l’emploi » dans ces quartiers.

« Qui a voulu fermer les commissariats ? Christophe Castaner »

Catherine Procaccia dénonce par ailleurs les mutualisations mises en place en Île-de-France. « Qui a voulu fermer les commissariats ? Christophe Castaner (ex-ministre de l’Intérieur, ndlr), qui a voulu en fermer pour les mutualiser, alors que la police est nécessaire ». Elle continue : « Les forces de police ont été réorganisées dans tous les commissariats de la région parisienne, avec un seul qui fonctionne pour plusieurs communes, notamment pendant les week-ends. Le combat contre leur fermeture avait marqué l’année 2019 dans le Val-de-Marne ».

Un point sur lequel le sénateur PS du Val-d’Oise, Rachid Temal, rejoint sa collègue de droite. « Le gouvernement a fait le choix de supprimer des commissariats. Il y a des circonscriptions de police où il n’y a quasiment plus de commissariats ouverts, ni moyens, et parfois une voiture par circonscription ». Le socialiste ajoute :

Il faut arrêter cette paupérisation de l’outil de sécurité, c’est-à-dire de la police et de la gendarmerie.

« Il y a un mouvement engagé depuis plusieurs années de réduction ou de rationalisation des services publics sur les territoires » rappelle aussi François-Noël Buffet, « mais il y a des services publics fondamentaux, ce sont ceux qui touchent aux affaires régaliennes ». Alors que sa famille politique a souvent prôné le moins d’État, il ajoute :

La présence du service public, c’est utile au bon fonctionnement de la société.

Plusieurs rapports sénatoriaux sur la sécurité

Cette question des moyens, les sénateurs la pointent depuis un moment. Le sénateur (apparenté LR) de Paris, Philippe Dominati, demandait en 2018 de meilleurs équipements, notamment le remplacement de véhicules vétustes, après un rapport de la Cour des comptes. En 2019, comme en 2018, le Sénat avait rejeté le budget sécurité, jugé « pas à la hauteur » par le sénateur, rapporteur spécial sur le sujet pour le budget. Philippe Dominati regrettait « l’augmentation constante de la part des dépenses de personnel », au détriment des crédits « très insuffisants » pour le renouvellement des véhicules. C’est dans ce contexte qu’un rapport de l’ex-sénateur LR, François Grosdidier, avait pointé « le malaise extrêmement profond » dans la police.

Alors que certaines villes, comme Paris, veulent une police municipale, un rapport sénatorial de Corinne Féret, sénatrice PS, et de Rémy Pointereau, sénateur LR, souligne l’importance de « l’ancrage territorial » de la sécurité. Le rapport insiste sur la « nécessité de nouer des relations privilégiées avec la population et les élus locaux ».

« Que le Président entende les élus locaux d’Île-de-France qui réclament depuis des années des moyens supplémentaires »

« Il y a un problème d’effectifs et de moyens sur le territoire » confirme Rachid Temal, qui demande « que le Président et le premier ministre entendent les élus locaux d’Île-de-France qui réclament depuis des années des moyens supplémentaires ». « Je suis de gauche, et la première des libertés pour tout le monde, c’est la sécurité. Il faut un dispositif global de prévention et de répression » continue Rachid Temal, prêt à voter l’interdiction de la vente de mortiers au grand public.

Mais le socialiste du Val-d’Oise souligne que les manques de moyens ne se limitent pas à la police. « Les magistrats doivent faire leur travail » dit-il au sujet de l’application des peines, « mais c’est trop facile de parler de laxisme. La droite ne peut pas dire constamment que c’est la faute des magistrats, sans aller plus loin » souligne le socialiste, « or la justice est aussi dans un état de saturation de ses moyens. À un moment donné, c’est la question des services publics ». On y revient.

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