Audiovisuel : le Sénat va auditionner les représentants de M6 et TF1, après l’annonce du projet de fusion

Audiovisuel : le Sénat va auditionner les représentants de M6 et TF1, après l’annonce du projet de fusion

Au lendemain de la fusion annoncée entre M6 et TF1, la commission de la culture et de la communication du Sénat annonce qu’elle auditionnera les principaux acteurs de cette opération pour mesurer les conséquences de la création d’un futur groupe privé dominant dans le paysage audiovisuel français.
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« Economiquement, le rapprochement de ces deux structures se comprend. Ça participe à un phénomène de concentration des médias qu’on observe partout dans le monde. Maintenant, il faut arriver à en mesurer les conséquences dans l’audiovisuel français et c’est ce qu’on fera en lançant une série d’auditions », annonce Laurent Lafon, président centriste de la commission de la culture et de la communication du Sénat.

Lundi, TF1 et M6 ont annoncé leur projet de fusion. L’opération qui ne devrait pas aboutir avant la fin 2022 en raison des règles contre la concentration des médias, les deux groupes possédant dix chaînes hertziennes à eux deux aujourd’hui. Or, en France, seules sept autorisations pour diffuser sur les ondes hertziennes peuvent être accordées à un même groupe de télévision. Le groupe M6 détient déjà cinq fréquences (sa chaîne éponyme, W9, 6ter, Gulli et Paris Première). TF1 est propriétaire de cinq canaux (TF1, TMC, LCI, TFX, TF1 Cinéma Séries). La fusion impliquerait donc la cession de trois chaînes.

Le rachat de M6 par Bouygues, maison mère de TF1, n’est pas vraiment une surprise. M6, qui possède aussi des stations de radio dont RTL, était à vendre depuis plusieurs mois. Son actionnaire principal le groupe allemand Bertelsmann (48 %), via sa filiale RTL Group, avait reçu fin mars plusieurs offres, dont celles de Vivendi (Canal +), Xavier Niel, ou encore de l’entrepreneur tchèque Daniel Kretinsky.

C’est finalement Bouygues, maison mère de TF1, qui l’a emporté et qui prendra le contrôle du futur groupe avec 30 % des parts si la fusion est autorisée par l’autorité de la concurrence.

M6 a choisi la solution « la plus complexe mais la « plus efficace »

« TF1, M6, Bouygues et RTL Group annoncent aujourd’hui (lundi) qu’elles ont conclu des protocoles d’accord d’entrée en négociations exclusives pour fusionner les activités de TF1 et M6 et créer un groupe de médias français d’envergure », ont annoncé les groupes dans un communiqué. Ils disent tabler sur une finalisation de la transaction d’ici à la fin de 2022.

Le patron emblématique de M6, Nicolas de Tavernost, deviendrait alors PDG de la nouvelle entité, ont annoncé les chaînes. L’actuel PDG de TF1, Gilles Pélisson deviendra directeur général adjoint de Bouygues en charge des médias.

Auditionné au Sénat le mois dernier, Nicolas de Tavernost reconnaissait que la cession des parts de Bertelsmann « à des partenaires industriels qui sont déjà sur le marché » était la solution la plus « complexe ». « Plus ils sont importants, plus la contrainte est lourde. Mais peut-être que l’efficacité est plus grande aussi », ajoutait-il.

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En effet, d’un point de vue boursier, la loi empêche un actionnaire de détenir plus de 49 % d’un groupe de télévision. RTL Group garderait alors 16 % du capital et agirait de concert avec Bouygues, les deux partenaires contrôlant 46 % de la future entité fusionnée. Bouygues devrait débourser 641 millions d’euros pour sceller l’opération.

« Cette entité va concentrer 70 % des recettes publicitaires »

La fusion vise à réaliser un maximum de synergies, estimées entre 250 et 350 millions d’euros, en permettant, notamment de ne conserver qu’une seule régie publicitaire. Les promoteurs du projet n’ont en revanche pas évoqué ses éventuelles conséquences en termes d’emplois. « Cette nouvelle entité va concentrer 70 % des recettes publicitaires Il faudra en mesurer les conséquences. Cette opération va indirectement changer le paysage audiovisuel. Elle produira des effets dans les négociations entre les chaînes et les opérateurs de télécoms (pour les fréquences de la TNT). De même que pour la plateforme SALTO qui est jusqu’à présent équilibrée entre France télévision, M6 et TF1 », observe Laurent Lafon.

TF1 et M6 disent aussi vouloir créer une plateforme commune de rattrapage et de streaming, et un service de VOD par abonnement (SVOD).

Cette fusion intervient au moment où le Sénat examine (jeudi), le projet de loi « œuvres culturelles à l’ère numérique ». Une version minimaliste, pour les élus, du projet de réforme de l’audiovisuel, qui n’a pu arriver à son terme en raison de la crise sanitaire. « Ça fait d’autant plus regretter l’abandon de la réforme de la gouvernance et du financement de l’audiovisuel public », note le président de la commission de la culture. Le mariage de la première et de la troisième chaîne du PAF ferait en effet émerger un acteur géant de la télévision dépassant France TV avec plus de 30 % de part d’audience.

Un amendement du rapporteur LR du texte, Jean-Raymond Hugonet devrait toutefois participer au maintien de l’équilibre général des chaînes de la TNT, tout en facilitant le rapprochement de TF1 et d’M6. Alors que plusieurs autorisations d’émettre arrivent à échéance en 2023, cet amendement vise à permettre à l’Arcom (l’autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique) de prolonger une seconde fois pour 5 ans les autorisations d’émettre des chaînes historiques afin de les inciter à continuer à investir dans la plateforme TNT. « En l’absence de visibilité, il est difficile de s’engager sur des programmes d’investissement important de couverture du territoire », avait fait valoir Nicolas de Tavernost début avril au Sénat, en dénonçant « une réglementation des années 1980 » qui pénaliserait les acteurs « historiques » de l’audiovisuel français.

 

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