Burkini dans les piscines : bras de fer en vue entre le ministère de l’Intérieur et la ville de Grenoble

Burkini dans les piscines : bras de fer en vue entre le ministère de l’Intérieur et la ville de Grenoble

Après Rennes en 2018, c’est Grenoble qui permet désormais aux femmes de se baigner en burkini dans les piscines. La délibération du conseil municipal est contestée par le préfet qui demande sa suspension devant le tribunal administratif.
Simon Barbarit

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Le vote a été plus serré que prévu mais la ville de Grenoble permet depuis lundi soir le port du burkini dans les piscines municipales. Adopté par 29 voix pour, 27 contre et deux abstentions, au terme de plus de 2 heures de débats, le nouveau règlement intérieur des piscines de la commune impose le port du bonnet de bain et exige des maillots en « tissu spécifiquement conçu pour la baignade », avec des formes « ajustées près du corps » et un usage réservé à la piscine. Restes interdits toute tenue non ajustée « plus longues que la mi-cuisse » et les maillots de bain-short.

Une nouvelle formulation qui autorise les femmes à se baigner seins nus ou à porter le fameux burkini, objet de polémiques estivales depuis maintenant plusieurs années. La ville de Grenoble n’est pourtant pas la première à délibérer en ce sens. En 2018, la ville de Rennes avait adopté un règlement similaire pour ses piscines.

« Il y a quelques femmes en burkini qui fréquentent les piscines municipales, comme il y a d’ailleurs quelques triathlètes et des plongeurs sous-marins avec des maillots de bain intégral. Cela ne pose aucune difficulté », indique à l’AFP, la maire PS de la ville, Nathalie Appéré.

Mais en période électorale et après une campagne présidentielle centrée sur les questions d’identité, la nouvelle réglementation des piscines de Grenoble devient un sujet national.

Les arguments du maire EELV de la ville, Éric Piolle qui par ce nouveau règlement, entend mettre fin aux « injonctions sur le corps des femmes », ont peiné à infuser au sein de sa propre majorité. 13 membres de sa propre majorité composée d’élus écologistes, communistes, de La France insoumise (LFI) et de Génération. s, se sont déclarés « en désaccord » avec ce vote.

Qu’est-ce que le « déféré suspension laïcité » ?

Sur instruction du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, le préfet de l’Isère avait annoncé dimanche qu’il saisirait le tribunal administratif de Grenoble pour bloquer la mesure. Il devrait pour cela avoir recours au « déféré suspension laïcité ». Cette disposition a été introduite par la loi séparatisme votée en août 2021 et concerne les actes qui portent « gravement atteinte au principe de laïcité et de neutralité du service public ». Le juge administratif, dispose de 48 heures pour décider. Sa décision est susceptible d’appel devant le Conseil d’État dans les 15 jours.

Pour mémoire, avant l’adoption de la loi confortant le respect des principes de la République, dit « projet de loi contre le séparatisme », le Conseil d’Etat s’est opposé à une série d’arrêtés municipaux destinés à interdire le port du burkini. La plus haute juridiction administrative avait jugé qu’ils portaient « une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que sont la liberté d’aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle ».

« Je ne vois pas pourquoi on s’en prendrait au règlement de Grenoble et pas à celui de Rennes »

Pour le président du groupe écologiste du Sénat, Guillaume Gontard, élu de l’Isère lui aussi, le nouveau règlement des piscines est conforme à la loi de 1905. « Aristide Briand expliquait, il y a un siècle, qu’un vêtement religieux perdait sa connotation politique à partir du moment où il est autorisé », avançait-il à publicsenat.fr, lundi. « Affligé par la polémique », le sénateur écologiste se demandait si le préfet d’Ille-et-Vilaine allait également contester devant les tribunaux le règlement de la ville de Rennes. « Je ne vois pas pourquoi on s’en prendrait au règlement de Grenoble et pas à celui de Rennes puisque c’est la même chose ».

Bruno Retailleau : « L’hydre islamiste progresse encore et toujours en France »

De l’autre côté de l’hémicycle, le président du groupe LR du Sénat, Bruno Retailleau est vent debout contre la délibération du conseil municipal. « L’hydre islamiste progresse encore et toujours en France. À Grenoble, il profite de la lâcheté des élus pour s’affirmer dans l’espace public », tweete-t-il.

Lire notre article. Burkini dans les piscines à Grenoble : le Sénat a tenté, sans succès, de fixer son interdiction dans la loi

Son groupe avait tenté, sans succès, d’inscrire dans la loi séparatisme l’interdiction du port du burkini. A l’époque par la voix de Gérald Darmanin, le gouvernement s’y était opposé en rappelant le principe de libre administration des collectivités territoriales, mais aussi l’esprit de la loi de 1905.

La région suspend ses subventions à Grenoble

Lundi, c’est le député LR, Éric Ciotti qui a déposé une proposition de loi visant à interdire le burkini dans les piscines publiques au nom de la laïcité pour ne pas laisser les maires réglementer entre « pressions communautaires fortes » et « raisons idéologiques ».

» Lire notre article. Séparatisme : le Sénat vote un amendement facilitant l’interdiction du burkini dans les piscines publiques

Comme il l’avait promis avant le vote, le président (LR) de la région Auvergne Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, a très vite annoncé « cesser immédiatement toute subvention à la mairie de Grenoble ». Le président de Région a accusé Éric Piolle d'« acter définitivement sa rupture avec la laïcité et les valeurs de notre République ».

 

 

 

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