Jusqu’ici tout va bien. À Bugeat en Haute-Corrèze, pour l’instant il n’y a pas de cas déclaré de Covid-19. mais pour le pharmacien de la commune, si l’éloignement et l’habitat dispersé sont une force en ces temps d’épidémie, la moyenne d’âge élevée est une fragilité. De toute façon, Antoine Prioux et ses collègues médecins s’y préparent, il n’y a pas de raisons que le territoire y échappe totalement : « D’autant plus que les urbains sont venus se réfugier ici, et participent sans le savoir à la dissémination du virus ».
Une jeune médecin a rejoint la commune après l’émission de Public Sénat
Habitués à travailler en réseau pour couvrir les besoins d’une population étalée sur le plateau de Millevaches, médecins, pharmaciens, infirmières ont élaboré un plan de prise en charge. Les plus jeunes iront aux contacts des malades touchés par le coronavirus, les plus âgés et eux-mêmes malades chroniques s’occuperont des autres patients. En ces temps de désert médical, l’arrivée d’une jeune médecin il y a quelques semaines à peine est une bonne nouvelle. Aude Vandenbaviere a rejoint le village après l’appel lancé par Antoine Prioux sur le plateau de Public Sénat dans l’émission « dialogue citoyen ». De la même façon les patients seront invités à patienter dans leur voiture faute de pouvoir les accueillir dans des salles d’attente confinées.
L’informatique pour suivre l’évolution de la maladie
Persuadé que le partage des données est une chance, Antoine Prioux et le réseau de professionnels peuvent suivre les cohortes de patients grâce à leur logiciel. « Un patient qui a des symptômes est placé sous surveillance, et si son cas s’aggrave on l’envoie à l’hôpital. Mais on n'a pas de test, on ne saura qu’au cours de l’hospitalisation s'il a le virus (…) mais on verra rapidement si les cas suspects augmentent. » Enfin ils ont décidé d’espacer les consultations, pour que personne ne se croise.
Si grâce à son logiciel Antoine Prioux sait, patient par patient, où en est son stock de médicaments, il regrette que l’industrie pharmaceutique ait supplanté les pharmacies locales dans la fabrication des remèdes. « il faut qu’on facilite la mise en place de coopératives pharmaceutiques. Sur notre territoire, aucune pharmacie ne peut seule avoir un laboratoire aux normes. Mais à plusieurs, on peut se doter d’un outil, qui, on le voit aujourd’hui, est devenu indispensable. J’espère qu’on saura tirer les leçons d’une telle crise et que comme les médecins le cadre législatif évoluera. Et qu’on sortira de ce système de dépendance vis-à-vis de l’importation des principes actifs et de l’industrie »
Dans ces pays d’eau et de bruyère, Antoine sait qu’il peut compter sur la population « ici tout le monde respecte les consignes (…) globalement il y a un peu d’anxiété, mais sur le plateau de Millevaches, il y a une culture particulière. Le territoire a longtemps vécu en autarcie, et les gens d’ici sont durs au mal comme ils disent, ils ne se plaignent pas ».