Coronavirus : le flou autour des primes pour les fonctionnaires

Coronavirus : le flou autour des primes pour les fonctionnaires

Le gouvernement a annoncé plusieurs mesures pour récompenser les efforts de la fonction publique contre l’épidémie de Covid-19. Mais en fonction des métiers et des territoires, le montant de ces primes n’est pas garanti. 
Public Sénat

Par Fabien Recker

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Publié le

Qui touchera une prime et qui n’en aura pas ? Au lendemain des annonces d’Édouard Philippe et d’Olivier Véran en direction des soignants et des fonctionnaires, le flou subsiste.

La mesure phare, le versement de 1500 euros nets d’impôts et de cotisations aux soignants ne concerne pas tout le monde. Léonard Corti, de l’Intersyndicale Nationale des Internes (ISNI), salue un « geste à la hauteur » mais veut rester « vigilant sur la manière dont la prime sera attribuée. »

Des différences selon les territoires

Cette prime de 1500 euros sera versée à tous les personnels hospitaliers dans la trentaine de départements les plus touchés par l’épidémie. Elle sera aussi accordée aux soignants dans des régions moins impactées par le virus, mais où des cas de Covid-19 ont été admis. Ailleurs, la prime sera de 500 euros. L’ensemble des personnels hospitaliers verront leurs heures supplémentaires exonérées de charges et de cotisations, pour un gain estimé à 600 euros par agent selon Olivier Véran.

Dans les départements moins touchés, « ça va être compliqué, dans beaucoup de cas particuliers, de savoir quelle prime verser » prévient Léonard Corti. « Si certains services ont été entièrement reconvertis en ‘Covid +’, on a aussi accueilli des patients infectés dans d’autres services, qui n’étaient pas clairement identifiés ‘covid’. » Le syndicaliste redoute des « différences entre les territoires » et des « frustrations. »

Des primes aussi pour les non-soignants

Les primes ne seront pas versées qu’aux seuls infirmiers et médecins. Agents de service, administratifs, blanchisseuses, personnels de restauration, « tous ont formé un collectif dont l’effort doit être reconnu et valorisé » précise le communiqué du ministère de la santé. « On a le sentiment d’avoir été entendus là-dessus » se félicite Sophie Crozier, du Collectif Inter-hôpitaux, qui redoutait que la prime ne soit versée qu’aux seuls personnels soignants.

« Un hôpital c’est un tout » renchérit Jean-Emmanuel Cabo. Le secrétaire général de FO-APHP reste méfiant : « La dernière fois, on nous avait écrit que tous les agents de la petite couronne étaient éligibles à la prime territoriale. Et on a trouvé des subterfuges, et au bout du bout (...) beaucoup d’agents non-soignants n’ont pas touché leur prime. »

Dans un mail adressé le 16 avril aux syndicats, le directeur de l’APHP Martin Hirsch affirmait pourtant avoir reçu des « assurances fermes » du gouvernement sur le fait que les primes « concernent tout le monde, sans exclusive et sans distinction de métier, de fonction et au même niveau. »

L'exécutif veut aussi étendre le dispositif aux personnels des Ehpad et de l’hôpital privé. « Quid des internes dans le privé non-lucratif ? En ambulatoire ? Il reste pas mal de modalités à éclaircir » juge Léonard Corti, de l'Intersyndicale des internes.

Revendications salariales

Et ce coup de pouce ne dispensera pas le gouvernement d’une revalorisation des salaires à l'hôpital, « gelés depuis 12 ans » rappelle Jean-Emmanuel Cabo, de Force Ouvrière. Par écrit, Olivier Véran s’est d’ailleurs engagé à une « réflexion indispensable et concertée » en la matière dès la crise passée.

Sophie Crozier, du Collectif Inter-hôpitaux, s’en réjouit. « C’est très important. Mais si c’est une revalorisation de 50 ou de 100 euros, ça ne va pas aller. En revanche, si on arrive au moins au niveau moyen des pays de l’OCDE, c’est-à-dire une revalorisation de 300 euros pour une infirmière, oui, ça nous ira. »

Prime au mérite ?

Quant aux agents de la fonction publique d’État, ils pourront bénéficier d’une prime « modulable » allant jusqu’à 1000 euros, a annoncé Édouard Philippe le 15 avril. Un effort que le gouvernement chiffre à 300 millions d’euros pour les caisses de l’État. « On est déçu et mécontent » tranche Mylène Jacquot de la CFDT. Pour cette syndicaliste, « on réintroduit la prime au mérite », le montant alloué à chaque agent n’étant pas fixe.

« Ce qu’on comprend, c’est que suivant les chefs de service, il pourrait y avoir des primes différentes, versées en fonction des métiers, des services ou de l’implication de chacun » décrypte Luc Farre, secrétaire général de l’UNSA-Fonction publique. « Nous disons que tous les agents qui sont sur le terrain doivent pouvoir bénéficier du taux maximum, c’est-à-dire 1000 euros. »

Le gouvernement n’a pas encore confirmé quelles catégories de fonctionnaires allaient bénéficier de la prime. Celle-ci sera versée à 400 000 agents, soit environ 1 fonctionnaire sur 5 a fait savoir Gérald Darmanin sur Europe 1. « On estime aujourd’hui dans la fonction publique d’état qu’il y a entre 40 et 50% des agents qui travaillent, en présentiel ou en télétravail » calcule Mylène Jacquot. « Donc on voit bien qu’il y a un écart. »

Dialogue social

Concernant les agents territoriaux, le gouvernement laisse le choix aux collectivités locales de leur distribuer une prime. « On avait proposé au gouvernement qu’il y ait dans l’ordonnance l’obligation pour chaque collectivité de se positionner » regrette Luc Farre de l’UNSA. « Afin que tous les conseils régionaux, départementaux et municipaux inscrivent à leur ordre du jour la possibilité de verser une prime à leurs agents. »

Résultat : « On pourra avoir sur un même territoire des agents avec des métiers très proches, certains auront une prime et d’autres pas » avance Mylène Jacquot, de la CFDT. Mais la syndicaliste dénonce avant tout le manque de concertation de la part du gouvernement.

« On est dans l’unilatéral, dans l’absence de dialogue, alors que les politiques indemnitaires relèvent des instances de dialogue social. Depuis les annonces du Président de la république sur les primes (le 25 mars, ndlr), on était en demande de dialogue. On a l’impression de se faire claquer la porte sur les doigts. » Un dialogue social qui est pourtant « l’une des conditions pour réussir la sortie de crise » estime-t-on du côté de l’UNSA. 

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