Covid-19 : « Il faut fermer les écoles », demandent des élus et des médecins

Covid-19 : « Il faut fermer les écoles », demandent des élus et des médecins

Face à la troisième vague, plusieurs élus soutiennent l’idée, avancée par Valérie Pécresse et Alain Lassus, dans la Nièvre, d’avancer les vacances de deux semaines. Certains, comme Philippe Laurent, de l’Association des maires de France, veulent même une fermeture de quatre semaines. Des pistes qui « ne sont pas à exclure » selon un conseiller de l’exécutif.
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Garder les écoles ouvertes, quoi qu’il en coûte. La doctrine tenue jusqu’ici par le gouvernement montre ses limites face à la troisième vague de covid-19. Alors que les chiffres sont mauvais, la présidente (ex-LR) de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse, a voulu prendre les devants. Elle propose d’avancer de deux semaines le début des vacances scolaires du printemps dans sa région. De quoi renforcer l’effet des mesures prises par le gouvernement la semaine dernière.

Dans la foulée, le président PS du département de la Nièvre, Alain Lassus, a pris sa roue. « Il faut dès maintenant fermer les établissements scolaires de la Nièvre, jusqu’aux vacances », a-t-il demandé sur France Info. Les cas explosent aussi dans son département qui pourrait à son tour être concerné par le vrai/faux confinement.

L’exécutif attend « la semaine prochaine » pour décider

Depuis des mois, le ministre de l’Education Nationale, Jean-Michel Blanquer, s’en tient à sa ligne : on ne ferme pas les écoles et il n’y a pas de contagions dans les établissements, ou très peu. Le protocole a même été allégé en février… La semaine dernière encore, dans l’entourage de Jean-Michel Blanquer, on minimisait l’impact du virus à l’école. « De temps en temps, il y a un cluster. Mais le milieu scolaire n’est pas un lieu particulier de propagation du virus » assurait-on, ajoutant que « l’objectif fondamental est de maintenir ouvert tout au long de l’année ». Tout juste reconnait-on que « le maillon faible de la journée, c’est la cantine ».

Mais la réalité semble différente. Selon France Info, plus de 4.000 cas positifs, élèves et personnels, sont remontés au ministère pour la seule journée de lundi. Et les classes ferment les unes après les autres. « A Sceaux, on a 5 classes fermées sur 60, au sein de quatre groupes scolaires. Ça s’accélère depuis 2-3 semaines. Et je n’ai plus assez de personnels de service car ils sont malades. On fait tourner le personnel qui nous reste », témoigne Philippe Laurent, maire UDI de la ville et secrétaire général de l’Association des maires de France (AMF). Il continue :

On a une boucle WhatsApp des maires d’Ile-de-France. Les collègues écrivent "encore une classe fermée chez moi". Je crois que le nombre de classes fermées augmente très rapidement.

Face à la situation, le gouvernement va-t-il prendre de nouvelles mesures, et si oui, lesquelles ? Vacances avancées de deux semaines ? Les allonger d’une à deux semaines ? Des demi-jauges pour le collège, comme dans les lycées ? Rien n’est impossible mais il est encore trop tôt. « Le gouvernement vient de prendre des mesures de freinage il y a seulement quelques jours, il faut attendre encore un peu pour en voir les effets sur les contaminations », explique un conseiller de l’exécutif, mais « si à un moment les effets constatés n’étaient pas suffisants, les différents leviers évoqués ne sont pas à exclure ». Si des décisions sont prises, ce ne sera « pas avant la semaine prochaine » ajoute le même.

En effet. En fin de journée, le ministre de la Santé, Olivier Véran, a répété lors d’une conférence de presse que « la fermeture des écoles, c’est une décision de dernier recours que nous voulons à tout prix éviter ». « Nous ne nions pas que le virus peut aussi se transmettre à l’école, puis de l’école vers les familles » ajoute cependant le ministre, qui a précisé que des protocoles sanitaires renforcés, « en sus de ceux qui sont déjà mis en place dans les établissements scolaires », seront annoncés.

« Il ne faut pas dire que rien ne se passe à l’école, c’est faux. Il ne faut pas raconter d’histoires » affirme Patrick Kanner

Si tout le monde s’accorde pour dire qu’il vaut mieux éviter de fermer les écoles, la donne a changé. Et de plus en plus de voix sont prêtes à entendre l’idée d’une fermeture. « Aujourd’hui, on a une progression réelle de l’épidémie. On a deux solutions : soit on arrive à tester les enseignants et les enfants à bon rythme. Mais si on n’en est pas capable, la solution est sûrement d’avancer les vacances. Et visiblement, on n’a pas les moyens de réaliser assez de tests… », réagit Patrice Joly, sénateur PS de la Nièvre. Il souligne que « la situation nivernaise est liée à un manque de moyens hospitaliers. Nos capacités en réanimation sont faibles. Pour tout le département, on était à 8 lits de rea à Nevers, on en est à 12 et on va peut-être passer à 14 »…

Dans les Hauts-de-France aussi, la situation est très difficile. « Le Collège Franklin de Lille a fermé trois jours. Il ne faut pas dire que rien ne se passe à l’école, c’est faux. Il ne faut pas raconter d’histoires. Il y a des enseignants qu’on ne remplace pas », constate le patron des sénateurs PS, Patrick Kanner, sénateur du Nord. Il était déjà « en faveur d’une extension d’une semaine des vacances de février ». « Je suis favorable à avancer les vacances, car ça va être le pic de la troisième vague. Mais si la décision doit être prise, il faut aller très vite. Et il faut une décision claire et anticipée pour que les parents puissent se retourner », soutient l’ancien ministre.

Pour Bernard Jomier aussi, sénateur apparenté PS de Paris et médecin, « il faut utiliser ce levier ». Il rappelle l’étude de l’épidémiologiste de l’Institut Pasteur, Arnaud Fontanet, qui souligne qu’« avoir un collégien ou un lycéen chez soi accroît de 30 % le risque d’être infecté ». « La question est posée depuis les vacances d’hiver » rappelle-t-il. « Il faut bien comprendre que si le virus circule à un niveau très élevé dans la société, il circule à un niveau élevé dans les écoles, et vice-versa », ajoute Bernard Jomier, qui enrage contre la position tenue par le ministre depuis des mois :

Il y a eu un déni de la réalité qui est constant et qui va au-delà de ce qui est entendable. Le ministre de l’Education finit par être grotesque.

« Nous vivons sous une forme de dictature des épidémiologistes ! » pointe le sénateur LR Max Brisson.

A droite, la question fait plus débat. Certains, comme le sénateur LR Max Brisson, sont farouchement opposés à toute fermeture. « Ce serait dramatique que les erreurs du gouvernement se répercutent sur les élèves, car on a mesuré le désastre au premier confinement » dit-il. Le sénateur des Pyrénées-Atlantiques « comprend » cependant « la proposition de Valérie Pécresse d’anticiper les vacances. Quand les élus le demandent, ça ne me gêne pas ». Mais il ne faut pas fermer plus longtemps. « Les épidémiologistes et médecins gouvernent maintenant ce pays. Nous vivons sous une forme de dictature des épidémiologistes ! » lance Max Brisson.

Mais pour Alain Milon, sénateur LR du Vaucluse et ancien président de la commission d’enquête du Sénat sur la crise du Covid, « il faut fermer les écoles 15 jours avant, mais aussi durant la durée des vacances », soit au total quatre semaines, « pour stopper l’épidémie ». « Sûrement, le covid initial n’était pas très contagieux chez les enfants. Mais les variants semblent l’être beaucoup plus. Les enfants et ados sont ensuite des vecteurs de la contamination », souligne ce médecin de profession. Alain Milon ajoute :

Pour les familles, c’est compliqué de fermer l’école plus tôt. Mais c’est aussi compliqué, quand on a un mort dans la famille.

« Oui, il y a des contaminations dans les écoles »

Selon le médecin Jérôme Marty, président de l’Union française pour une médecine libre (UFML), il n’y a pas de débat à avoir sur la contagion des enfants et des adolescents. « Oui, il y a des contaminations dans les écoles. Le ministre nous dit le contraire depuis le début, allant à l’encontre de toutes les études internationales », pointe le médecin. Le seul « débat », selon Bernard Jomier, « est de savoir si les enfants sont des super-contaminateurs, des accélérateurs de l’épidémie. Mais le virus circule entre les enfants, avec une part d’asymptomatiques qui peut nourrir la circulation du virus ».

Jérôme Marty soutient également la « bonne idée d’avancer les vacances, mais qui arrive malheureusement un peu tard ». Il regrette qu’on ait « perdu du temps » pour « travailler sur l’aération, changer les fenêtres de certaines écoles » pour qu’elles s’ouvrent mieux. « On n’a pas équipé les classes de détecteurs de CO2 qui permettent de savoir quand il faut ouvrir, dans la mesure où il y a une aérosolisation virale », pointe encore le médecin. Pour la cantine des écoles, « ça dépend des municipalités. Certaines font bien les choses, mais il y en a encore qui sont équipées de plexiglas. Mais ça n’empêche pas de contaminer une pièce. Après un an, certains n’ont pas compris que le mode de contamination, ce sont les aérosols dans l’air », rappelle ce professionnel de santé.

« Il est trop tard pour continuer à ergoter, il va falloir fermer les écoles »

Pour Jérôme Marty, « personne ne veut fermer en soi les écoles », mais faute d’avoir trop attendu, « on est arrivés à un stade où on est dépassés, on a perdu la partie sur cette troisième manche, comme sur les deux premières. Maintenant, il est trop tard pour continuer à ergoter, il va falloir fermer les écoles ».

Même analyse de Philippe Laurent, de l’AMF. « Maintenant, je ne vois pas comment on va échapper à la fermeture des écoles. Si on veut déguiser ça en disant qu’on avance les vacances, pourquoi pas. Mais si on le fait, il y a de grandes chances qu’on ne rouvre pas 15 jours après », pense le maire de Sceaux. L’AMF ne demande cependant pas officiellement la fermeture des écoles. « On n’a pas de position. Le gouvernement prend ses responsabilités », lance le secrétaire général de l’AMF. Ou va attendre encore un peu…

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