Huit mois après une première table ronde, le « covid long » demeure un objet encore mal connu et reconnu. « Le contexte est fait d’immenses incertitudes. Il reste beaucoup à connaître sur la définition, les délais, les symptômes, la richesse, l’attribution, les critères », résume Julien Carricaburu, membre de la « Task force suivi du covid » du ministère des Solidarités et de la santé. L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) a auditionné, jeudi 16 décembre, plusieurs professionnels de la santé afin de mieux cerner cette maladie et d’en savoir davantage sur les recherches en cours.
La définition du « covid long » s’est précisée au fil des mois. Selon l’Organisation mondiale de la santé, qui le nomme aussi « syndrome post-covid », il s’agit de symptômes encore présents trois mois après l’infection de Covid-19 et qui persistent au moins deux mois. Olivier Robineau, infectiologue au service universitaire des maladies infectieuses de Tourcoing, assure que « les symptômes persistants et post-covid existent », mais « sont polymorphes », c’est-à-dire « non-spécifiques de la pathologie ». Outre la perte de goût et d’odorat, bien identifiés, il peut s’agir de toux, de fatigue, de difficultés de respiration, de fièvre, de maux de gorge… Ce qui complique le travail de diagnostic. « Il y a un risque de sur-attribution ou de sous-attribution des symptômes », et donc un risque de retard de la prise en charge du patient, précise-t-il, rappelant la limite des études actuelles (période de suivi des patients, contexte évolutif, patients hospitalisés ou non, présence de variants, etc). « Dans mon hôpital, 15 % gens qui viennent pour un covid repartent avec un autre diagnostic, et peut-être un covid long en plus », illustre Olivier Robineau, qui insiste ainsi sur la « nécessité de recherches transdisciplinaires ».
Des cellules de coordination locales
D’après les chiffres dégagés par plusieurs études, « entre 10 et 30 % des personnes ayant eu le covid-19 sont susceptibles de développer un covid long », expose Jérôme Marcher, médecin référent infectiovigilance du groupe Oc santé, à Montpellier. 700 000 personnes en France pourraient potentiellement être touchées. D’où le besoin d’effectuer « une reconnaissance globale du covid long, d’organiser une prise en charge et un parcours de soins à l’échelle nationale ». Jérôme Marcher estime que la réponse n’est, pour le moment, pas égale sur l’ensemble du territoire. « Le rôle du ministère est de mettre en place un cadre. Les ARS (Agences régionales de santé) doivent assurer un maillage territorial adapté à chaque situation, chaque territoire, ajoute-t-il, soulignant le rôle des « médecins généralistes qui sont de premier recours. Ils doivent être capables de faire les premières démarches ».
Julien Carricaburu, de la « Task force suivi du covid » du ministère, soutient « qu’il faut réduire les errances mais ne pas se hâter, ne pas faire trop mais ne pas faire moins. Il y a une prise en charge évolutive en fonction des connaissances ». L’information du public et des professionnels de santé est l’un des pans de l’action du ministère. « L’élément central, enchaîne Elodie Senaux, aussi membre de la « Task force », est la mise en place de cellules de coordination post-covid, afin de coordonner les interventions nécessaires à la prise en charge des cas les plus complexes ». Il s’agit des DAC (dispositifs d’appui à la coordination), financés par les ARS et déjà actifs dans la plupart des départements. Ces cellules, de l’aveu d’Anne Briac-Bili, de l’ARS Bretagne, sont parfois difficiles à mettre en place. La faute au « manque de connaissances du covid long » et aux formations insuffisantes pour « les professionnels de santé de premier recours pour repérer et orienter les patients ». Car ce sont souvent eux, les médecins traitants, qui sont à la base du parcours de soins des « covid long » avec, s’ils le nécessitent, l’appui d’autres confrères (par exemple de kinésithérapeute pour une rééducation).
117 dossiers de « covid long » à la CNAM
« C’est un enjeu et aussi notre prochain gros travail : améliorer la lisibilité du système de santé pour limiter le risque d’errance médicale », convient Amélie Tugaye, membre conseil à la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM). Quant à la question de la reconnaissance du covid long comme une maladie professionnelle, « nous sommes obligés d’avoir un diagnostic, explique-t-elle. On ne peut pas se contenter d’une présomption […]. En un an, 117 dossiers « covid » long ont été traités par la CNAM, dont 80 % de femmes ».