De sa majesté TGV aux pannes du quotidien : l’histoire de la SNCF en 6 dates

De sa majesté TGV aux pannes du quotidien : l’histoire de la SNCF en 6 dates

Pannes à répétition, trafic interrompu, mauvaise information des voyageurs, l’année 2017 a été une année pénible pour les usagers de la Société nationale des chemins de fer français. Créée en 1938, elle avait pourtant su conjuguer ses missions de service public à une haute technicité De la mise en place du TGV dans les années 80, à l’accident de Brétigny-sur-Orge en 2013, comment la SNCF s’est-elle laissée dépasser ?
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Par Priscillia Abereko

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1946, l'attachement des Français à la toute jeune compagnie nationale des chemins de fers

Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, en 1946, René Clément réalise « La Bataille du rail », une ode à la gloire des cheminots résistants. C'est de là que naît l'attachement des Français à la société nationale tout juste créé huit ans plus tôt. Cette institution ferroviaire se voit dotée d’une grande légitimité grâce au film de René Clément. On y découvre la vie secrète des cheminots résistants, entre sabotage et coups d'éclats, durant l’occupation nazie. Un film émouvant pour l’ancien président de la SNCF, Jacques Fournier qui reconnaît toutefois que « c’est une vision un peu onirique de ce qui s’est passé pendant l’occupation. La SNCF comme toutes les institutions à cette époque, a connu une part de collaboration et une part de résistance même si à mon avis la part de résistance a été nettement plus forte au sein de la SNCF ». Un sentiment que partage l’historien spécialiste du domaine ferroviaire, Georges Ribeill qui précise « au sein de la SNCF se crée petit à petit dans les années 40 une forme de résistance un peu instinctive d’abord puis organisée. Les cheminots ont des atouts en main car ils suivent de près l’information des trains allemands donc ils peuvent indiquer aux alliés à Londres par radio où vont passer ces trains et préparer le lendemain des mitraillages et des bombardements ». 

1955, la SNCF outil du colbertisme à la française

En 1955, la SNCF entreprend un grand chantier de modernisation des lignes. La SNCF abandonne ses bons vieux trains à vapeur au profit d’équipements neufs et opte pour une électrification de son réseau. Plus de confort, plus de vitesse, plus de sécurité, tels sont ses nouveaux mots d’ordre. Derrière cette modernisation, un des enjeux pour l’historien Georges Ribeill : rester compétitif sur le plan industriel. Il explique que « l’électrification visait à rendre plus économique le transport de marchandises lourdes au service de la métallurgie française […] La SNCF était au service de la politique industrielle, on devait faire un acier moins cher. Elle a donc un peu joué le rôle d’un instrument d’État, également la vitrine à l’exportation dans le savoir-faire en particulier en matière de traction électrique ». Mais la vitesse, à cette époque, est un facteur important pour la clientèle admet Georges Ribeill : « il faut dire que la vitesse pour les voyageurs c’est le Capitole, ce train reliant Paris-Limoges-Toulouse roulant à 200 km/h. Et on a longtemps cru avant qu'on ne développe le TGV, que cette vitesse était un plafond indépassable ».

1969, le défi et la promesse du RER

En 1969, face à une forte croissance urbaine, la SNCF créée un nouveau réseau régional : le RER. Le tout premier réseau express d’Ile-de-France est prénommé RER A. Il permet une liaison entre Boissy-Saint-Léger et Nation en 30 minutes contre 1h auparavant. C'est la nouvelle mission de la SNCF : relier la banlieue et la capitale. L’historien Georges Ribeill explique « qu’une prise de conscience s’opère à la SNCF : la banlieue parisienne existe, des villes nouvelles sont construites aux extrémités de Paris, dès lors il faut construire quelques kilomètres de lignes électrifiées nouvelles ». Une nouvelle mission et un nouveau métier pour l’historien Georges Ribeill, il y a quelque chose de moins noble à faire du transport de la vie quotidienne : « tirer le Mistral ou le TGV c’est beaucoup plus gratifiant que tirer une rame de banlieue navette à des heures impossibles ». À l’inverse, l’ancien président de la SNCF Jacques Fournier insiste « le transport de la vie quotidienne a toujours été une exigence aussi fondamentale que la grande vitesse ».

« Tirer le Mistral ou le TGV c’est beaucoup plus gratifiant que tirer une rame de banlieue navette à des heures impossibles ». À l’inverse, l’ancien président de la SNCF Jacques Fournier insiste « le transport de la vie quotidienne a toujours été une exigence aussi fondamentale que la grande vitesse »

1981, sa majesté TGV vitrine technologique aujourd'hui contestée

En 1981, la SNCF franchit une nouvelle étape : la mise en circulation des trains à grande vitesse. Inaugurée en présence du Président de la République, François Mitterrand, le TGV constitue l’heure de gloire de la SNCF, des investissements qui se sont faits au détriment des autres lignes classiques. Une lecture que conteste l’ancien président de la SNCF Jacques Fournier : « il n’y a pas d’un côté le TGV et de l’autre les lignes classiques. Le grand atout du TGV c’est qu’il irrigue l’ensemble du réseau […] le réseau à grande vitesse a permis de dynamiser l’ensemble du réseau ferroviaire français ». Si le TGV semble avoir créé un écart, sa création n’a pas été sans conséquences. Pour l’historien Georges Ribeill « à l’époque, on parle d’une fracture ferroviaire. Faire sortir des TGV sur une ligne classique, il y a un peu un contresens économique. Aujourd’hui on est revenu en arrière sur l’idée qu’il fallait faire rouler les TGV hors des lignes dédiées […] Au fond le TGV a été un serial killer pour les trains de nuit par exemple. Il a créé une fracture ferroviaire ».

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1989, pannes à la SNCF

Dans les années 80, les pannes se multiplient à la SNCF. Trains retardés, annulés, bloqués en pleine voie… les usagers sont les premiers à subir ces désagréments. En 1989, une rupture de l’alimentation électrique provoque une gigantesque panne sur le réseau Sud-Est de la SNCF, laissant démunis des milliers d’usagers. Mais comment expliquer ces pannes à répétition ? Pour l’historien Georges Ribeill « le TGV est une machine assez fragile. Un vent rapide, la neige, une chute d’arbre, tous peuvent bloquer un TGV. On est face à un système très fragile qui est exposé aux intempéries et aux aléas alors qu’on était habitué à entendre des machines qui roulaient même pendant les intempéries […] Autrefois il y avait beaucoup de troupes cheminotes au raz du terrain pour réparer ou maintenir de manière vigilante les équipements matériels et les voies ».
 

2013, l’accident de Brétigny-sur-Orge

En 2013, un train du réseau SNCF déraille en gare de Brétigny-sur-Orge. Quatre voitures d’un train Corail finissent leur course sur le quai de la gare. Bilan, sept morts. La sécurité, et la vétusté des voies sont d’emblée remises en question. L’ancien président de la SNCF Jacques Fournier, s’est beaucoup intéressé à la sécurité pendant son mandat (1988-1994) en mettant en place deux choses : « d’une part sur le réseau classique en installant le contrôle de vitesse par balise. C’est une décision que j’ai prise ce qui a permis de sécuriser l’ensemble du réseau. Aussi, on a essayé de changer les méthodes de fonctionnement de l'entreprise qui étaient jusqu’alors fondées sur la sanction : lorsque ça ne marchait pas on sanctionnait, après n tâcher d'en tirer aussi des leçons ».  Le matériel est aussi remis en question dans l’accident de Brétigny-sur-Orge : il est défectueux et trop vieux. « il y a je pense un problème d’entretien […] avant il y avait les brigades de la voie qui surveillaient tout et c’était un honneur pour eux d’aller entretenir les voies au quotidien […] on peut incriminer une politique des réductions des coûts qui a signifié que la maintenance et la surveillance soient beaucoup plus a posteriori ».

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