Dépendance : le Cese presse le gouvernement de réfléchir au financement « sans tarder »

Dépendance : le Cese presse le gouvernement de réfléchir au financement « sans tarder »

Le Conseil économique, social et environnemental, dans un projet d’avis remis ce mardi, préconise d’ouvrir au plus vite un débat sur les sources de financement de la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées.
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Par Guillaume Jacquot (Sujet vidéo : Fabien Recker)

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Il y a urgence à agir. Face à la détresse sociale qui grandit dans les Ehpad et au vieillissement de la population, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) appelle le gouvernement à « ouvrir sans tarder » un « large débat public » sur les sources de financement de la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées, un sujet sur lequel le Sénat avait déjà eu l'occasion de se pencher, à l'occasion d'un rapport sorti en mars 2018.

D’après les projections démographiques, le nombre des plus de 85 ans devrait plus que tripler au cours des 30 prochaines années. « Les ressources qui sont actuellement affectées à la dépendance ne suffiront pas », avertit le Cese, dans un projet d’avis, intitulé « vieillir dans la dignité », et transmis ce mardi à la ministre des Solidarités et de la Santé Agnès Buzyn.

Un premier principe d’importance est posé : la « solidarité nationale ». Partant du principe que la dépendance est un « risque encouru par chacun » et que les organismes complémentaires ne constituent « pas une solution accessible à tous », le Conseil insiste pour que financement « continue à reposer sur un socle essentiellement public ».

Un rapport qui pose lui aussi la question d’un cinquième risque de la Sécu

La troisième assemblée de la République appelle de ses vœux à débattre d’une réforme en profondeur. « Le Cese regrette que le débat sur la création d'un cinquième risque amorcé comme une importante réforme systémique ait été abandonné », souligne le rapport.

Entre-temps, l’exécutif a remis à l’ordre jour la piste du cinquième risque, qui viendrait s’ajouter aux quatre branches existantes de la Sécurité sociale (maladie, accidents du travail, retraite, famille). « C'est un nouveau risque qu'il nous faut construire », avait expliqué Emmanuel Macron, lors de son interview à BFMTV et Mediapart le 15 avril dernier.

Le chef de l’État avait alors jugé « intéressante » l’idée de la création d’une deuxième journée de solidarité proposée par Agnès Buzyn. Cette nouvelle journée travaillée non rémunérée pour les salariés, viendrait financer la prise en charge de la dépendance, aux côtés du lundi de Pentecôte travaillé, mis en place en 2004. Jeudi dernier, lors des questions d’actualité du Sénat au gouvernement, la ministre de la Santé a toutefois précisé qu’il ne s’agissait que d’une « piste parmi d’autres ».

Doubler le taux d’encadrement du personnel « au chevet » des résidents d’Ehpad

Le Cese constate que « l'offre d'hébergement et de services en direction des personnes âgées n'est pas adaptée aux besoins et aux attentes ». Une recommandation du Conseil impose de « donner aux Ehpad les moyens de leurs missions actuelles et futures ».

Cela passera notamment par des recrutements. Le Cese reprend à son compte l’une des recommandations contenues dans le rapport d’information publié en mars par les députées Monique Iborra (La République en marche) et Caroline Fiat (La France insoumise). Il recommande de « rendre immédiatement opposable », pour l’ensemble des Ehpad, qu’ils soient publics ou privés, une « normale minimale d’encadrement » de 60 aides-soignants et infirmiers pour 100 résidents. Ce plancher reviendrait à doubler le nombre de personnels « au chevet » actuel. Le Cese appelle aussi à confirmer l’objectif d’un agent par résident fixé par le plan « Solidarité grand âge » en 2006.

Au niveau médical, le Cese demande de « garantir » la présence d’un infirmier de nuit et médecin pour chaque établissement. Il recommande en outre de « réaménager les temps de travail des personnels pour leur assurer des conditions de travail décentes ».

 Des créations de postes dans d’autres catégories de métiers sont préconisées : accompagnants éducatifs, sociaux ou encore psychologiques.

Le 12 avril, lors de son passage au 13h de TF1, Emmanuel Macron s’était d’ailleurs engagé à « faire plus pour les personnels des Ehpad ».

Appel à réduire les inégalités entre territoires

Le constat porté la réforme de la tarification des Ehpad, est aussi sévère. « Une réponse doit lui être apportée », demande le Cese.

Le rapport met en lumière le grand écart entre les tarifs des places dans les Ehpad, selon leur localisation. Ils peuvent varier du simple au double : de 1612 euros dans la Meuse à 3154 euros à Paris. Le prix moyen en France s’élevait à 1949 euros en 2016, loin de la pension reçue en moyenne par les retraités, qui atteignait 1376 euros fin 2015.

La réforme de la tarification n’a pas permis de limiter la part du tarif dédié à l’hébergement, celle qui constitue l’essentiel du reste à charge pour les résidents et leurs familles et qui est susceptible de varier le plus d’un endroit à l’autre.

Elle n’a pas non plus permis de réduire les disparités entre les départements, souligne le Cese. Il appelle à « revaloriser immédiatement le tarif soins », et à fixer d’autres critères (en dehors des besoins en soins et du  niveau de dépendances des résidents) dans la définition des dotations aux Ehpad.

Jugeant que le « système en vigueur est facteur d’inégalités », le Cese souligne que même si les départements sont autonomes dans la gestion de la politique de l’âge et du handicap, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie a pour mission de « préserver l’égalité des usagers ».

« Ce sont maintenant les différences dans les niveaux des aides qu’il faut soit réduire, soit justifier », estime le Cese. Sans écarter l’existence de spécificités locales, il recommande qu’un travail de rapprochement des niveaux de l’APA (allocation personnalisée à l'autonomie) soit conduit par la Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie, « en lien avec les départements ».

Cette série de recommandations intervient alors que le ministère de la Santé doit dévoiler ce mois-ci une feuille de route sur la prise en charge des personnes âgées, et préciser ses solutions « d’ici la fin de l’année ».

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