Droit de visite en EHPAD : les directeurs en manque de personnel

Droit de visite en EHPAD : les directeurs en manque de personnel

Lundi matin, un droit de visite strictement encadré a été rétabli dans les établissements accueillant des personnes âgées. Les directeurs d’établissements saluent la mesure, mais s’inquiètent du manque de personnel pour organiser ces rencontres.
Public Sénat

Par Samia Dechir

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Ils n’ont pas vu leurs proches depuis près de six semaines. Particulièrement fragiles face au coronavirus, les résidents des EHPAD ont été confinés le 11 mars, une semaine avant tout le monde. Pour ces personnes âgées et leurs familles, le rétablissement d’un droit de visite à partir du lundi 20 avril est un soulagement. Même dans les conditions « extrêmement limitées » décrites par Olivier Véran.
Dimanche soir, le ministre de la Santé a détaillé les règles à respecter : pas plus de deux personnes par famille, et aucun contact physique lors de ces rencontres dont les conditions seront fixées par chaque établissement, sur demande des résidents.

 

« Rien ne remplace la vue de ses proches »

Une décision saluée par les organisations de directeurs d’établissements. « Cela montre que l’État a entendu nos préconisations » explique Romain Gizolme, directeur de l’AD-PA. Depuis la mise en place du confinement, l’association des directeurs au service des personnes âgées réclamait des aménagements pour trouver un équilibre « entre sécurité physique et sécurité affective et psychologique » rappelle-t-il.
Avec la suspension totale des visites extérieures, certaines personnes âgées ont en effet développé des troubles de repli sur soi, de dépression. « J’avais un adhérent en début de semaine dernière qui me disait avoir été confronté à une situation de tentative de suicide » s’inquiète Romain Gizolme.
Malgré les efforts des établissements pour maintenir le lien par téléphone ou via skype, « rien ne remplace la vue de ses proches, notamment quand on a l’habitude d’en voir souvent » confirme Anabelle Veques. La directrice de la FNADEPA (fédération nationale des associations de directeurs d’établissements et services pour personnes âgées) s’est également félicitée de ce rétablissement d’un droit de visite. « Il faudra l’adapter en fonction des types d’établissements, ils ne sont pas tous comparables » prévient-elle.

 

30 minutes de visite

Depuis lundi matin, Véronique Boriello a déjà reçu de multiples demandes des familles qui vivent elles aussi « un réel déchirement », explique la vice-présidente de la FNADEPA. Dans l’EHPAD qu’elle dirige en Vendée, l’équipe a choisi d’aménager un espace à l’intérieur, accessible aux familles par un sas. « Il sera demandé à la famille de s’équiper de masques et de respecter les gestes barrières » explique-t-elle, pour garantir la sécurité sanitaire de tous. Chaque famille aura droit « entre 30 et 40 minutes de visite, sur rendez-vous. Mais ce ne sera pas 7 jours sur 7, on en n’a pas les moyens ».

Chaque chef d’établissement s’organise comme il peut pour répondre aux demandes. À la résidence Saint-Jacques en Haute-Garonne, une véranda a été aménagée. Les résidents resteront côté intérieur, et leurs proches côtés extérieurs, « afin que les familles ne pénètrent pas dans les unités et les chambres » explique Didier Carles, directeur de l’EHPAD. Pour les résidents incapables de se déplacer, les familles seront équipées de blouses et de masques pour rendre visite à leurs parents.

 

Des équipes sous tension

Mais tout cela représentera une charge de travail supplémentaire difficile à assumer pour des équipes déjà sous-dimensionnées en temps normal. « Il va falloir désinfecter les locaux chaque fois que les familles seront passées, planifier les visites, accompagner les résidents jusqu’à l’espace dédié » détaille Didier Carles. Pour ce directeur d’établissement, membre de l’AD-PA, il est urgent que l’État débloque des moyens « pour recruter deux personnes supplémentaires par établissement ».
Cela fait déjà un an que l’AD-PA réclame ces renforts. Directeur de l’association, Romain Gizolme considère le rétablissement des visites comme une première étape, mais « il conviendra d’aller plus loin » prévient-il. L’association réclame notamment le recrutement de psychologues et d’animateurs de vie sociale.
Depuis plusieurs années, la FNADEPA dénonce elle aussi le manque de personnel dans les EHPAD. « Face à une crise comme le coronavirus, les équipes sont encore plus en tension » s’inquiète Anabelle Veques. « Il va falloir des consignes fortes du ministère sur ce sujet pour voir comment des bénévoles formés aux gestes barrières peuvent renforcer les équipes en encadrant ces visites » réclame la directrice de l’association. Car depuis le 11 mars, les portes des EHPAD sont fermées à tous les bénévoles qui jouent un rôle important pour le maintien du lien social dans ces établissements.

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