Éducation : le système français toujours aussi inégalitaire

Éducation : le système français toujours aussi inégalitaire

Comme il y a trois ans, les élèves français sont dans la moyenne du classement PISA, la référence en matière d’évaluation des systèmes éducatifs du monde. La France reste également l’un des pays où le milieu social, culturel et économique influe le plus sur les performances scolaires.
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Tous les trois ans, c’est la même analyse qui ressort de l’enquête PISA. La France est dans la moyenne mais peut mieux faire. Depuis 2000, date de la première enquête Pisa (Programm for international student assessment), la position de la France a effectivement peu bougé dans l’évaluation menée par l’OCDE des systèmes éducatifs du monde (79 pays cette année). Cette étude triennale évalue les compétences en sciences, en mathématiques et en compréhension de l'écrit des élèves de 15 ans. L’étude de cette année a mis l’accent sur la lecture.

Les 6 308 élèves français interrogés récoltent un score de 493 points, ce qui classe la France entre la 15e et la 21e place des pays de l’OCDE. Pour mémoire, en 2016, où les disciplines scientifiques étaient mises en avant, les jeunes Français affichaient un score de 495 points, pour une moyenne de l’OCDE de 493.

Un « résultat honorable » et « insatisfaisant » pour Jean-Michel Blanquer

L’édition de 2019 voit quatre métropoles et provinces chinoises (Pékin, Shanghai, Jiangsu, Zhejiang), Singapour, Macao (Chine), Hong-Kong (Chine), l'Estonie et le Canada, arriver en tête du classement. « Dans de nombreux pays asiatiques, l'éducation des enfants est la priorité numéro 1, les enseignants suivent des formations de qualité et on décide d'investir dans les établissements en difficulté (…) « Contrairement à ce qu'on entend souvent, le score de la France n'est pas catastrophique » souligne Éric Charbonnier, spécialiste de l'éducation à l'OCDE. En effet, la France fait globalement aussi bien que l'Allemagne, la Belgique ou le Portugal, mais moins bien que les États-Unis ou le Royaume-Uni et beaucoup moins bien que l'Estonie, la Pologne ou l'Irlande. « Désormais, en compréhension de l'écrit et en mathématiques, nous nous situons au-dessus de la moyenne de l'OCDE, à peu près au même niveau que l'Allemagne. C'est (…) un résultat honorable (…), et on peut aussi trouver une certaine satisfaction dans le fait que nous enrayons la chute (…) Mais c'est insatisfaisant parce que notre objectif ce n’est évidemment pas de stagner à ce niveau-là » a commenté le ministre de l’Éducation, Jean-Michel Blanquer.

« Le classement entre pays est toujours discutable. Ce qui ne l’est pas. Ce sont les écarts entre élèves au sein d’un même pays »

Vice-président socialiste de la commission de l’éducation du Sénat, Jacques-Bernard Magner préfère donner une « valeur relative » à cette étude. « On compare des systèmes éducatifs qui ne sont pas vraiment comparables. Si l’aboutissement, c’est de nous inspirer du modèle chinois, je suis pour le moins dubitatif. De plus, avec l’enquête tout le monde voit midi à sa porte. Quand vous êtes dans l’opposition, vous vous référez à cette enquête pour dire que le gouvernement ne fait pas assez. Quand vous êtes au gouvernement, vous rejeter la responsabilité sur ceux qui étaient au pouvoir avant vous » résume-t-il.

« Le classement entre pays est toujours discutable. Ce qui ne l’est pas. Ce sont les écarts entre élèves au sein d’un même pays » note François Dubet, professeur émérite à l’université Bordeaux-II, sociologue de l’éducation.

En effet, comme lors des dernières éditions de l’enquête Pisa, la France figure parmi les pays où le milieu social, économique et culturel d’un élève influe le plus sur ses performances scolaires. Ainsi, environ 20% des élèves favorisés, mais seulement 2% des élèves défavorisés, sont parmi les élèves très performants en compréhension de l'écrit, contre seulement 17% et 3% en moyenne dans les pays de l'OCDE. Pour mémoire en 2016, près de 40% des élèves en France issus d’un milieu défavorisé étaient en difficulté, contre 34% seulement pour la moyenne de l’OCDE.

« Le problème, c’est que dès que vous touchez à la carte scolaire, tout le monde se fâche »

François Dubet donne deux explications à ces inégalités. « En France, il y a un très fort regroupement d’élèves de milieux défavorisés dans les mêmes établissements. Le problème, c’est que dès que vous touchez à la carte scolaire, tout le monde se fâche. La tradition pédagogique française est aussi plutôt élitiste. Les élèves les plus défavorisés ne se sentent pas soutenus » décrypte-il. Selon l'enquête Pisa, « seuls 57% des élèves déclarent que leurs enseignants semblent s'intéresser en général aux progrès de chaque élève, contre une moyenne de 70% des élèves dans les pays de l'OCDE ». « Le dédoublement des classes de CP et CE1 en REP sont des mesures qui vont dans le sens d’une réduction des inégalités mais ne produiront leurs effets que dans une décennie » note François Dubet.

Max Brisson : « Il faut adapter notre système éducatif aux territoires »

Du côté de Max Brisson, rapporteur LR de la loi sur l’école de la confiance, « ce classement montre que notre école ne répond plus à sa mission émancipatrice ». « Il faut adapter notre système éducatif aux territoires, redonner la main aux autorités académiques dans la mise en œuvre des programmes et dans la gestion des ressources humaines » préconise-t-il.

« Un Master et des stages, ça ne suffit pas toujours pour être un bon enseignant »

L’enquête PISA relève, enfin, que « les pays performants ont souvent fait un investissement massif dans la revalorisation du métier d'enseignant et la formation initiale et continue ». Un enjeu où là aussi, la France est la traîne. « Nous sommes dans un système où l’ancienneté est pratiquement le seul vecteur de mobilité et d’avancement pour un enseignant. Aujourd’hui, les jeunes enseignants ne sont pas prêts à attendre 30 ans pour être mutés dans le lycée qu’ils veulent » note Max Brisson. « Il ne faudrait pas non plus en arriver à ce que ce soit les parents d’élèves qui évaluent les enseignants, comme au Royaume-Uni. Ce qui compte, c’est la qualité de la formation. Un Master et des stages, ça ne suffit pas toujours pour être un bon enseignant » estime Jacques-Bernard Magner.

« La question que l’on pourrait poser au ministre de l’Éducation national, c’est pourquoi il n’y a pas de changement dans le mode recrutement et d’affectation des enseignants ? La formation est brève et il n’y a pas vraiment de formation continue. En guise de comparaison, quand la France a voulu avoir des ingénieurs, elle a mis en place des écoles d’ingénieurs. Les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (Inspe), ne sont pas à proprement parlé des écoles » souligne François Dubet.

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