Emissions de CO2 : « Cet accord européen illustre la contradiction du gouvernement français »
6 ans après l’Accord de Paris, la Commission européenne, le conseil de l’Union européenne et le Parlement se sont engagés à une réduction de 55 % d’ici 2030. Un accord en trompe-l’œil pour les écologistes qui pose de nombreuses questions sur les moyens mis en œuvre pour y parvenir.

Emissions de CO2 : « Cet accord européen illustre la contradiction du gouvernement français »

6 ans après l’Accord de Paris, la Commission européenne, le conseil de l’Union européenne et le Parlement se sont engagés à une réduction de 55 % d’ici 2030. Un accord en trompe-l’œil pour les écologistes qui pose de nombreuses questions sur les moyens mis en œuvre pour y parvenir.
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« Un moment historique », s’est félicité le vice-président de la commission européenne, Frans Timmermans. A la veille du sommet virtuel sur le climat organisé jeudi par le président des Etats-Unis, Joe Biden, l’Union européenne va pouvoir faire figure de bon élève. Après des mois de négociations, le Parlement européen et les 27 Etats membres et la Commission se sont fixés pour objectif d’une réduction nette d’au moins 55 % de ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030.

Un compromis mené au pas de charge après 14 heures de discussions afin d’envoyer « un signal fort au monde entier », selon les mots du ministre de l’Environnement Portugais, Joao Pedro Matos Fernandes dont le pays occupe la présidence tournante de l’UE.

Un objectif de réduction des émissions sujet à interprétations

Du côté des eurodéputés, l’objectif voté précédemment était une baisse des émissions de gaz à effets de serre d’au moins 60 % ». « Le Parlement était évidemment prêt à aller encore plus loin, mais le compromis trouvé est ambitieux : nous allons faire deux fois et demie plus en 9 ans qu’au cours des 10 dernières années » s’est félicité l’eurodéputé Pascal Canfin (Renew, libéraux), qui calcule que la réduction nette des émissions de CO2 pourrait aller jusqu’à 57 % en intégrant l’engagement de la Commission de développer les puits de carbone comme les forêts et prairies.

Un accord « largement insuffisant qui fait l’objet d’une communication mensongère », pour l’eurodéputée écologiste, Marie Toussaint. « L’accord qui a été adopté ce matin acte un nouvel objectif de 52,8 %. Ce qui nous conduit à un réchauffement de plus de 2 degrés. » calcule-t-elle.

L’eurodéputée fait ainsi référence à un accord basé sur une baisse « nette » des émissions, qui prend en compte le CO2 absorbé par les puits de carbone ce qui « n’était pas le cas dans les calculs jusqu’à présent » souligne-t-elle. Marie Toussaint regrette également « les efforts déployés avec le soutien de la France pour intégrer dans les catégories vertes, le gaz qui est une énergie fossile extrêmement polluante et qui nous empêchera de tenir nos objectifs » estime-t-elle.

La Commission européenne a toutefois annoncé mercredi le report de sa décision d’inclure ou non le gaz naturel et le nucléaire dans la « taxonomie verte », la liste d’investissements respectueux de l’environnement.

« Sous couvert de l’objectif de réduction des émissions de gaz à effets de serre, la tentation va être grande de miser sur le nucléaire pour atteindre cet objectif alors que cette énergie à un impact plus qu’important sur l’environnement », s’inquiète le président du groupe écologiste du Sénat, Guillaume Gontard.

Les 27 et le Parlement se sont également entendus sur deux autres objectifs : la mise en place d’un budget de gaz à effet de serre en 2040, qui déterminera la quantité de carbone que l’UE pourra émettre avant d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Cet objectif deviendra juridiquement contraignant mais s’appliquera à l’ensemble des Etats membres et non à chaque Etat individuellement, contrairement au souhait du Parlement. Pour la deuxième moitié du XXème siècle, l’Union européenne s’engage à émettre des émissions négatives, c’est-à-dire à absorber davantage d’émissions qu’elle n’en émet.

« Telle qu’elle est votée, la loi Climat n’atteint même pas 20 % des objectifs de l’Accord de Paris »

Pour Guillaume Gontard, cet accord européen « illustre la contradiction et l’inaction du gouvernement français » sur la transition écologique. Dans son viseur, la loi climat et résilience que viennent d’adopter les députés. « Telle qu’elle est votée, la loi n’atteint même pas 20 % des objectifs de l’Accord de Paris. C’est bien de donner des objectifs, mais il faut se donner les moyens de les atteindre. Sur ce point il y a un manque de volonté politique flagrant » regrette-t-il.

A l’approche de l’examen du projet de loi climat et résilience par la Haute assemblée, Guillaume Gontard promet qu’il prendra bien évidemment en compte ce nouvel objectif de réduction d’émissions de gaz à effet de serre pour amender le texte et ainsi mettre l’exécutif face à ses « contradictions ». Des « mesures assez simples » doivent être prises plus rapidement selon lui, comme la rénovation des passoires thermiques renvoyée à 2025 dans le projet de loi initial, la fin de la commercialisation des véhicules utilisant des énergies fossiles, diesel ou essence classique, renvoyé à 2040, l’accélération du ferroutage et la réduction du transport aérien.

Marta de Cidrac, la rapporteure LR du projet de loi climat au Sénat, craint que cet « objectif ambitieux ne soit pas facile à atteindre. D’autant plus qu’il ne s’agit pas d’un objectif fixé pays par pays mais à l’échelle européenne. Ça peut laisser craindre un sentiment d’iniquité entre les Etats ».

La dette climatique absente du programme de stabilité

Jean-François Husson, rapporteur LR du budget au Sénat, note, lui aussi, un hiatus entre les objectifs européens et les moyens mis en œuvre. « Quand on regarde le programme de stabilité présenté par le gouvernement, on n’y est pas du tout » relève-t-il. En effet, la semaine dernière, devant le ministre en charge des Comptes publics, Olivier Dussopt, venu exposer la trajectoire des finances publiques du programme de stabilité, le sénateur LR s’était alarmé d’un programme de stabilité qui conduirait à dépasser « nos objectifs d’émission de gaz à effet de serre de l’ordre de 28 millions de tonnes de CO2 d’ici à 2030 ». « Pour résorber un tel écart, il faudrait augmenter les investissements verts de l’ordre de 12 milliards d’euros par an […] Une dette climatique sur laquelle le pacte de stabilité est tout à fait muet », s’était-il ému.

Jean-François Husson souhaite également mette à profit l’examen du projet de loi climat et résilience pour « mieux intégrer ces enjeux autrement que par de l’affichage, concilier l’économie et l’emploi à l’écologie ». Ce sujet atteint toutes les consciences. C’est à nous, politiques, d’éclairer le chemin, et on ne peut pas le faire à la lampe à huile ». Le texte sera examiné au Sénat au mois de juin.

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