Mercredi dernier, la ministre de la santé, Agnès Buzin, a demandé « à toutes les personnes qui ne sont pas vaccinées ou qui n’ont pas fait vacciner leurs enfants, de faire un rattrapage », pour endiguer l’épidémie de rougeole, qui a fait déjà un mort à Poitiers.
Le professeur Olivier Saint-Lary, vice-président du CNGE (Collège national des généralistes enseignants), explique l’épidémie de rougeole par deux facteurs : « la réticence à la vaccination dans une partie de la population aujourd’hui » et le fait que de 1983 à 1997, la recommandation n’était que d’une seule injection de vaccin, alors que l’on s’est rendu compte plus tard qu’il en fallait deux : « On sait qu’une seule injection ne couvre pas suffisamment pour la rougeole (…) L’enjeu (…) c’est de refaire une deuxième dose, chez les gens qui n’ont eu qu’une dose à l’époque » dit-il.
« C’est dommage, en 2018, de mourir de la rougeole » déplore Marie-Laure Alby, médecin généraliste, adhérente au syndicat MG France. « Maintenant, dans toutes mes consultations, je dis [aux patients] :« Vous avez vérifié ? Vous êtes bien vacciné contre la rougeole ? C’est important ». Par contre, je ne crois pas aux messages de terreur. Ce n’est pas utile. Il faut en appeler à l’intelligence des gens. »
Bernard Jomier, sénateur (apparenté PS) de Paris, membre de la commission des affaires sociales, est également en faveur d’une politique de santé basée sur la pédagogie : « Il faut se rappeler qu’il y a eu une grande concertation nationale sur la vaccination en 2016, qui avait été initiée par (…) Marisol Touraine, qui a donné lieu à un rapport très riche, qui pointait la nécessité de revenir à une obligation vaccinale la plus large, de façon transitoire (…) Mais qui pointait surtout qu’il faut expliquer, qu’il faut faire preuve de transparence (…), d’écoute (…). Délivrer une information complète, ne pas masquer (…) les effets secondaires des vaccins (…) C’est sous conditions de ce travail de pédagogie public, partagé, et non pas de décisions autoritaires, que l’on arriver[a] à améliorer la couverture vaccinale. »
Et d’ajouter : « Il faut appeler clairement, Agnès Buzin a raison, à la vaccination de tout le monde contre la rougeole. Mais si on veut arriver à une éradication, c'est-à-dire à 95% des Français vaccinés, il faudra autre chose que cette nouvelle obligation vaccinale, que j’ai par ailleurs votée (…) mais qui sera insuffisante. »
Olivier Saint-Lary renchérit : « L’obligation risque de libérer la parole des anti-vaccins et c’est ce à quoi on assiste aujourd’hui. »
Après avoir rappelé que la rougeole était « extrêmement contagieuse », qu’ « une personne peut en contaminer 18 ou 20 », Patrick Zylberman, professeur émérite d’histoire de la santé à l’école des hautes études en santé publique, analyse les raisons d’une couverture vaccinale pas suffisante, en France : « On sort d’une période d’une trentaine d’années à peu près, où les pouvoirs publics (…) n’ont rien dit, n’ont rien fait. On ne peut pas demander à nos concitoyens de se bouger, si les pouvoirs publics eux-mêmes restent muets (…) Il y a la nécessité de la parole publique qui est absolument impérative sur un mode pédagogique. »
Quant à la défiance des Français à l’égard de la vaccination obligatoire, dont on parle beaucoup, Marie-Laure Alby, en tant que médecin généraliste, y est très peu confrontée dans son cabinet : « C’est très rare que les gens, finalement, n’acceptent pas le vaccin. »
Mais elle ne la minimise pas, pour autant, car vacciner « est un acte qui n’est pas un acte de soin. ». « C’est un acte qui est fait dans l’hypothèse qu’on pourrait devenir malade. Ce n’est pas naturel (…) C’est normal que tout le monde se pose des questions » ajoute-t-elle.
Vous pouvez voir le débat, en intégralité :
Epidémie : « C’est dommage, en 2018, de mourir de la rougeole »