Étudiants en BTS : « On a une génération naufragée », alerte Bruno Belin

Étudiants en BTS : « On a une génération naufragée », alerte Bruno Belin

Alors que la ministre de l’Enseignement supérieur a annoncé le retour à l’université à 50 % d’ici mai des étudiants et la tenue des examens en présentiel, des inquiétudes demeurent, notamment pour les étudiants en BTS.
Public Sénat

Par Jules Fresard

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File d’attente à n’en plus finir devant les centres de distribution de nourriture, amphithéâtres vidés et difficultés des cours en ligne, doutes concernant la tenue ou non des examens en présentiel… La crise sanitaire a exacerbé les fragilités du monde étudiant, et laisse présager une catastrophe éducative et sociale une fois la pandémie terminée. Dans un rapport publié par l’association Co’p1-Solidarités étudiantes, un chiffre illustre l’ampleur de la crise. Un étudiant sur deux n’aurait pas mangé à sa faim depuis l’annonce du premier confinement. Une mission d’information « sur les conditions de la vie étudiante », présidée par le sénateur communiste Pierre Ouzoulias, a d’ailleurs été créée au Sénat.

Au micro de France Inter mardi 27 avril, Frédérique Vidal, la ministre de l’Enseignement supérieur, a annoncé une batterie de mesures concernant la reprise des cours en présentiel, pour tenter de redonner une perspective de sortie du tunnel à cette génération que certains considèrent maintenant comme « sacrifiée ». Ainsi, le décret publié le 3 avril au Journal Officiel, interdisant aux universités de tenir les partiels du second semestre en présentiel, devrait prendre fin le 3 mai, avec à la clef la possibilité pour les établissements d’organiser les examens en présence des étudiants.

« BTS en détresse »

Une annonce qui se voulait aller dans le sens, mais qui ne fait que renforcer les craintes de certains étudiants, notamment ceux en BTS. Ces derniers, qui ont décidé de se regrouper au sein du collectif « BTS en détresse », demandent une validation de leur diplôme avec le contrôle continu, estimant que les conditions sanitaires comme éducatives ne sont pas réunies pour organiser dans des conditions optimales les examens finaux.

Pour appuyer leurs propos, ils dénoncent les conditions sanitaires dans lesquelles se sont déroulées les sessions qui ont déjà eu lieu. En effet, les examens de BTS n’étant pas concernés par le décret du 3 avril, des étudiants se sont rendus dans leurs établissements pour passer certaines épreuves. Des photos et vidéos postées sur Twitter ce mois-ci ont montré des attroupements dans les couloirs, au détriment des règles sanitaires.

« Nous demandons le passage en contrôle continu pour les étudiants en BTS, car les conditions de préparation cette année n’ont pas été égalitaires. Nous souhaitons également que le temps d’étude restant soit dédié à l’enseignement des programmes et non aux examens, car avec la crise sanitaire, beaucoup de retard a été pris », estime Mélanie Luce, présidente de l’UNEF.

Un référé-liberté introduit devant le Conseil d’État

Face à l’annonce de Frédérique Vidal, le collectif BTS en détresse, épaulé par de nombreux syndicats étudiants, dont l’UNEF, a d’ailleurs introduit un référé-liberté devant le Conseil d’État pour faire annuler la décision et exiger le contrôle continu. L’audience s’est déroulée mercredi 28 avril et la décision sera rendue d’ici à la fin de la semaine. Un recours qui se justifie d’autant plus, selon Mélanie Luce, que « de nombreux étudiants viennent passer les examens alors qu’ils ont le covid, par peur de ne pas valider leur diplôme ».

La réglementation en vigueur impose qu’en cas d’absence à l’examen, même justifiée, la note de 0/20 soit accordée. Face à l’inquiétude suscitée, Frédérique Vidal a annoncé qu’exceptionnellement, une session de remplacement aura lieu en juillet, pour les étudiants en BTS n’ayant pas pu assister aux épreuves initiales. Mais Pierre Ouzoulias, sénateur communiste des Hauts-de-Seine, juge la position de la ministre « incompréhensible ». « Il est toujours prévu pour les examens une session en septembre. Il suffirait donc de les décaler à cette date, qui rendrait leur organisation plus simple. C’est une mesure facile à prendre », juge-t-il.

Bruno Belin, sénateur de la Vienne, épaulé par 80 sénateurs, a lui écrit une lettre à Jean-Michel Blanquer et Frédérique Vidal le 20 avril, afin de demander « le contrôle continu pour les étudiants de BTS ». « Je suis allé rencontrer ces étudiants, et on peut dire aujourd’hui qu’on a une génération naufragée » estime-t-il. Avant de continuer, « cette année, les étudiants en BTS ne sont pas allés au bout des programmes, et les conditions de préparation étaient inégalitaires, avec certains ayant accès à la fibre et d’autres non. Il ne faut pas oublier que le BTS est une formation théorique et à la fois technique, et le distanciel a clairement montré ses limites ». Pour l’instant, ni Jean-Michel Blanquer, ni Frédérique Vidal n’ont répondu à son courrier. « Aucun n’a été capable de trouver mon numéro de téléphone pour échanger », regrette-t-il.

50 % de présentiel en mai, 100 % en septembre

Outre la question des examens, une autre annonce faite par Frédérique Vidal suscite l’étonnement, si ce n’est la déception. Le retour des étudiants en mai dans les universités avec une jauge à 50 %. « Sur l’université, ça ne change clairement pas grand-chose. Les cours sont terminés et nous sommes en phase d’examen. C’est une décision que l’on attendait il y a plusieurs mois déjà », critique Mélanie Luce. Un constat partagé par Pierre Ouzoulias, « je vais être clair, elle arrive après la bataille. Je pense pourtant qu’elle connaît assez bien le calendrier universitaire [Frédérique Vidal était présidente d’université avant de rentrer au gouvernement, ndlr]. En mai, il n’y a plus personne dans les facs ». La ministre a néanmoins expliqué qu’une telle mesure permettrait aux universités qui le souhaitent d’organiser des sessions de remise à niveau pour certains étudiants.

Autre annonce, celle d’une rentrée 2021 à 100 % en présentiel. Mélanie Luce se dit « heureuse de l’entendre dire cela », même si elle estime nécessaire de « débloquer des fonds » pour assurer une rentrée sereine alors que la pandémie n’est pour l’instant pas amenée à disparaître d’ici septembre. « Ces fonds sont nécessaires pour embaucher des contractuels, dédoubler des classes, avoir accès si nécessaire à des bâtiments supplémentaires, et aussi s’assurer que la vaccination soit ouverte aux étudiants d’ici juillet », détaille la présidente de l’UNEF.

Pour Bruno Belin, une ouverture rapide à la vaccination des étudiants et enseignants est nécessaire pour permettre la reprise des cours dans des conditions optimales. D’autant que « les étudiants de 22 ans sont ceux dont on a besoin dès aujourd’hui pour reconstruire économiquement le pays », conclut le sénateur.

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