Rendu exceptionnel par le précédent gouvernement, le redoublement pourrait bien faire son retour. Un projet de décret en ce sens est examiné ce mercredi par une commission spécialisée, il sera présenté devant le Conseil supérieur de l'éducation (CSE) le 14 décembre. Selon les informations de l’AFP, qui s’est procuré une copie du document, ce projet de décret prévoit un rétablissement du redoublement dans le cas où « le dispositif d’accompagnement pédagogique (que compte mettre en place le ministre de l’Éducation nationale) n’aurait pas permis de pallier les difficultés importantes d’apprentissage rencontrées par l’élève. »
Une mesure qui prendrait le contre-pied de la politique menée par l’ancienne ministre de l’Éducation, Najat Vallaud-Belkacem. Cette dernière avait rendu le redoublement « exceptionnel. » Par voie de décret, elle avait limité le redoublement à deux situations : la « rupture des apprentissages » (pour une longue maladie, par exemple), ou le redoublement en fin de 3e et 2de si un élève n’avait pas obtenu l’orientation souhaitée.
70 % des parents et 64 % des enseignants estiment que le « redoublement permet réellement à l’élève de rattraper son retard » selon une étude du CNESCO.
Si cette mesure n’est pas officielle, elle est bien dans les petits papiers du ministre de l’Éducation. Dans une interview donnée au Parisien en juin dernier, Jean-Michel Blanquer affirmait déjà qu’il n’était pas « normal d’interdire le redoublement. Il y a quelque chose d’absurde à laisser passer de classe en classe des élèves accumulant les retards. La première des réponses réside dans l’accompagnement tout au long de l’année et dans les stages de soutien que nous créons. »
Le redoublement est populaire dans l’opinion publique. Selon une enquête du Conseil national d’évaluation (CNESCO), 70 % des parents et 64 % des enseignants estiment que le « redoublement permet réellement à l’élève de rattraper son retard. » Mais la CNESCO souligne aussi que « la majorité des études » indiquent que « le redoublement n’a pas d’effet sur les performances scolaires à long terme. » Najat Vallaud-Belkacem avait justifié sa mesure ainsi : « Il est avéré que le redoublement est assez inefficace pédagogiquement parlant, qu'il est démotivant pour les élèves et par ailleurs qu'il est coûteux. »
Le redoublement « ne permet pas d’atteindre un niveau de formation supplémentaire » constate Asma Benhenda, chercheuse affiliée à l'Institut des politiques publiques (IPP)
2 milliards d’euros par an. C’est le coût estimé du redoublement en observant les élèves nés en 1992, d’après une étude menée par Asma Benhenda et Julien Grenet pour l’Institut des politiques publiques (IPP). Contactée par Public Sénat, Asma Benhenda, chercheuse affiliée à l’IPP, précise que le redoublement « ne permet pas d’atteindre un niveau de formation supplémentaire. » Autrement dit, avec ou sans redoublement le résultat serait le même. Les conclusions de son étude avancent des alternatives telles que la réduction de la taille des classes (Lire l'étude).
Selon Asma Benhenda, les recherches sur le sujet révèlent que le redoublement a un effet positif à court terme, surtout s'il a lieu tôt dans la scolarité (primaire). En revanche, il a un effet inexistant voire parfois négatif à long terme sur le niveau final de formation atteint, surtout si le redoublement a lieu plus tard dans la scolarité. Selon une étude menée outre-Atlantique, il pourrait même augmenter « le risque de décrochage scolaire. »
S’il est rétabli, cet outil doit s’accompagner de la mise en place « de pédagogies mieux adaptées », estime Jean-Claude Carle.
Vice-président de la commission en charge de l’Éducation au Sénat, Jean-Claude Carle (LR) rejoint la position de Jean-Michel Blanquer. La limitation du redoublement opérée par le précédent gouvernement était « une erreur », selon lui. Il estime que cette mesure « peut permettre à des élèves de récupérer un certain nombre » d’acquis, pour autant il est moins favorable à ce que le redoublement soit appliqué « dans les petites classes. » Jean-Claude Carle rappelle que le redoublement est d’abord « un constat d’échec » de l’éducation nationale. Il estime que s’il est rétabli, cet outil doit s’accompagner de la mise en place « de pédagogies mieux adaptées. » Le déterminisme social conditionne en grande partie la réussite des élèves. Pour corriger cela, il en appelle à « une inégalité de traitement » à l’image du dédoublement des classes de CP dans les milieux les moins favorisés.