« Faute de protection, on nous envoie à l’abattoir » le cri d’alarme de cette infirmière face à l’épidémie de coronavirus
Nathalie est infirmière libérale dans l’Oise. Entre continuité des soins et prises en charge des premiers patients atteints de coronavirus à domicile, elle nous raconte son quotidien où dit-elle elle a l’impression de bricoler.
Par Pierre Bonte-Jospeh
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C’est une professionnelle chevronnée et pourtant quand elle évoque la situation à Agnetz et dans les villages de l’Oise aux alentours où résident ses patients Nathalie Delachapelle décrit une situation inédite : « Les gens ont peur, très peur. Les gens m’appellent pour me demander de passer les voir, de passer les rassurer dès qu’ils pensent avoir des symptômes.» Mais ajoute-t-elle « Je dois d’abord assurer la continuité des soins pour mes patients âgés qui ont besoin de moi au quotidien. »
Un climat anxiogène qui pousse certains à la solliciter au-delà du raisonnable « Je reçois des appels des enfants de patients âgés et qui nous demandent de prendre toutes les précautions avec leurs parents, ce qu’on fait déjà. Mais certains prétextent parfois une recommandation particulière d’un médecin suite à des analyses – qui on le sait n’ont jamais été faites — pour nous demander encore plus de prudence concernant leurs proches, ils voudraient qu’on vienne avec des costumes de cosmonautes ».
Photo : Nathalie Delachapelle
J’ai l’impression qu’on bricole
Épicentre de la contamination le département devrait connaître les premières hospitalisations à domicile pour des patients contaminés : « La « sécu » nous a déjà prévenus qu’il faudrait qu’on prenne en charge les patients du coronavirus à domicile. Une situation qui n’effraie pas Nathalie « Encore faut-il en avoir les moyens » ajoute-t-elle aujourd’hui, l’état nous a donné 50 masques de chirurgiens qui ne servent à rien et qui sont périmés en plus ! On a été les chercher il y a quelques jours dans les pharmacies, sur présentation de notre carte professionnelle. Mais il nous faudrait des vrais masques FFP2, j’ai l’impression qu’on bricole. Par exemple on n’a pas de solution hydroalcoolique, je suis obligée de changer de gants en permanence. Normalement on ne devrait pas avoir de problèmes comme ça. Pourquoi il y en avait dans les bureaux de vote dimanche, et rien pour les professionnels de santé ? On soigne beaucoup de personnes âgées, on ne doit pas être des vecteurs de transmission de la maladie ». Un peu accablée, elle finit par lâcher : « On nous envoie à l’abattoir ».
Mais même malade, elle ira travailler. Un brin philosophe, elle ajoute avoir déjà connu des situations difficiles « il y a quinze ans, il y a eu une recrudescence de tuberculose mais on n’en a pas parlé. Ça avait été pire. J’ai fini par l’attraper. »
Photo : Nathalie Delachapelle
Des soins, mais aussi des mots pour rassurer
« On passe beaucoup de temps aussi à rassurer les gens » détaille Nathalie Delachapelle « Le Samu est débordé alors on nous demande aussi d’assurer une permanence téléphonique. S’ils chauffent un peu, on leur dit que ça va passer, mais immédiatement on prévient le médecin pour qu’il passe. Face à la bestiole les gens s’inquiètent vite. Oui nous on l’appelle la bestiole entre nous ». Et dans les jours prochains les choses ne risquent pas d’aller mieux.
« Depuis le week-end dernier, les parisiens sont arrivés » soupire-t-elle un peu pessimiste… de voir arriver des patients supplémentaires, dans un territoire qui manque déjà en temps normal de professionnels de santé. Seule bonne nouvelle, de nouveaux masques lui ont été livrés, ils sont valables jusqu’en 2025.
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