« Aurait-on pu l’éviter ? On essaye, bien sûr, de faire au mieux […] Mais vous n’empêcherez jamais un fou furieux de s’affranchir d’une ordonnance d’éloignement et d’un bracelet, malheureusement ». Auditionné par la commission des lois du Sénat en juin dernier, Éric Dupond-Moretti s’était montré tristement pragmatique sur les « dysfonctionnements » qui avaient conduit au meurtre effroyable de Chahinez Daoud à Merignac un mois plus tôt.
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La jeune femme avait été blessée par balle avant d’être immolée par le feu dans la rue par son mari violent dont elle était séparée. Condamné pour des faits de violences conjugales, ce dernier, qui venait de sortir de prison, avait de nouveau menacé son épouse. Elle avait déposé une plainte deux mois avant d’être tuée.
Un féminicide qui s’ajoute aux 112 autres de l’année 2021. Mais le meurtre de Chahinez Daoud avait ému un peu plus l’opinion publique suite aux révélations du Canard Enchaîné cet été. Le policier de Mérignac qui avait pris la plainte de la victime avait été condamné le 10 février à huit mois de prison avec sursis probatoire par le tribunal correctionnel de Bordeaux pour « violences habituelles sur son ex-conjointe ».
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Meurtre de Chahinez Daoud : quand Laurence Rossignol dénonçait une « double défaillance »
Or, dans le rapport remis le 10 juin à Jean Castex, la situation judiciaire du policier ayant recueilli la plainte de Chahinez Daoud, n’est pas mentionnée. Laurence Rossignol, sénatrice PS et Annick Billon, présidente (centriste) de la délégation aux droits des femmes, avaient interpellé le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin. « Il y a une double défaillance dans cette affaire. Il y a d’abord défaillance de l’institution policière, qui place au recueil des plaintes un auteur de violences conjugales. Ce n’est pas normal. Il y a ensuite la défaillance du rapport de l’inspection, qui édulcore le fait que le policier en question avait été condamné pour violences intrafamiliales », avait dénoncé l’ancienne ministre des Droits des femmes.
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Ce mardi, six policiers, dont le patron de la police en Gironde, étaient convoqués devant deux conseils de discipline dans le cadre de la procédure administrative pour répondre des manquements constatés en amont de ce féminicide.
Annick Billon réitère, aujourd’hui, sa demande formulée cet été visant à « écarter de l’accueil des victimes, les fonctionnaires qui sont accusés voire soupçonnés de violences intrafamiliales ».
« Beaucoup de choses ont été faites, il s’agit maintenant de les mettre en œuvre »
Et alors que l’année 2022 a démarré par le triste bilan de trois féminicides en quatre jours, la sénatrice de Vendée, se garde de toute polémique sur le bilan du gouvernement qui a fait de la lutte contre les violences faites aux femmes, la grande cause du quinquennat. « Beaucoup de choses ont été faites durant ce quinquennat, il s’agit maintenant de les mettre en œuvre », indique l’élue de Vendée en citant notamment les difficultés dans le déploiement des téléphones grave danger, des bracelets anti rapprochement.
« N’oublions pas non plus le raccourcissement du délai de la délivrance des ordonnances d’éloignement qui est passé d’un mois à 6 jours, où la mise en place de référents dans les commissariats et les gendarmeries pour l’accueil des victimes de violences intrafamiliales. Mais on manque de moyens humains pour une bonne application de ces outils sur tout le territoire. Vous pouvez voter toutes les lois et les budgets que vous voulez, sans une formation de tous les acteurs de la chaîne pénale, vous n’arriverez pas à inverser cette culture de la violence qui est d’abord celle d’une société inégalitaire. C’est culturel », conclut-elle.