« Kohlantess » : des sénateurs en visite surprise à Fresnes

« Kohlantess » : des sénateurs en visite surprise à Fresnes

Deux sénateurs communistes ont visité cette semaine la prison de Fresnes, une des plus vieilles de France. Loin de la polémique « Kohlantess », ils dénoncent des conditions de détention vétustes, en particulier dans les parloirs. Et alertent sur une nécessaire rénovation d’ampleur.
Public Sénat

Par Jérôme Rabier

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De l’aveu même de son directeur, Jimmy Delliste, « la prison de Fresnes est la plus vétuste de l’Hexagone depuis la fermeture des Baumettes à Marseille ». Il faut dire que c’est aussi une des plus anciennes, ouverte en 1898. Voilà les sénateurs communistes du Val de Marne prévenus, même s’ils sont habitués des lieux. Il y a quatre ans, Laurence Cohen et Pascal Savoldelli avaient déjà mené une visite surprise dans cet établissement pénitentiaire. Bien avant la polémique « Kohlantess », et la diffusion d’activités comme du karting dans une des cours de la prison, ils avaient prévu de revenir sur place pour voir l’avancée des travaux prévus de longue date.

Des travaux dans l’attente d’une réhabilitation majeure

Reçus par le directeur, c’est d’ailleurs par la visite d’un chantier que commence leur déambulation. Au pied des murs où les détenus logent, des ouvriers s’activent, renforçant encore le bruit ambiant. Après la visite d’une cour exiguë, Jimmy Delliste emmène les sénateurs découvrir un nouvel espace, plus grand et avec une vue dégagée vers le ciel.

Si ces prototypes sont validés, une grande partie des 90 cours de promenade de l’établissement pourraient être rénovées. Mais les investissements se font au compte-goutte, car la prison de Fresnes attend une rénovation de plus grande ampleur. Prévu depuis des années, le schéma directeur qui donnerait le coup d’envoi à ces travaux est toujours dans les cartons. La faute à des budgets contraints.
 

Des activités diverses mais peu nombreuses

Direction ensuite la chapelle de la prison, où selon le directeur « dix événements ont lieu chaque année ». « C’est trop peu ! » réagit Pascal Savoldelli, qui déplore la polémique estivale autour des activités récréatives des élus. « Ces événements doivent changer le regard des détenus » renchérit Laurence Cohen, qui évoque l’apaisement que cela peut apporter dans les relations entre détenus et surveillants.

« On est dans l’essence même de la mission de réinsertion et de prévention » justifie Jimmy Delliste. Le directeur rappelle aussi qu’une partie des détenus n’a jamais eu accès à certaines activités avant d’entrer en prison.  Il n’en dira pas davantage, lui qui a défendu la tenue de l’évènement Kohlantess dans la prison, avant de se faire directement mettre en cause par le ministre de la Justice Éric Dupont-Moretti.

Une surpopulation chronique mais « pas critique »

« Aucune de nos cellules n’est désormais occupée par plus de deux détenus » précise le directeur. Un petit exploit dans une prison qui accueillait il y a peu plus de 2500 détenus pour officiellement 1300 places. Mais le Covid est passé par là, la prison s’est vidée, avant de se remplir progressivement, avec environ 1800 personnes incarcérées aujourd’hui, dont 1700 dans la prison pour hommes. « On a défini un seuil critique à 1900 personnes » précise le directeur, au-delà duquel tout le système s’enraye. Moins de douches, moins de promenades, moins d’activités, la faute à un taux d’encadrement qui lui plafonne à 800 surveillants peu importe le nombre de détenus.

La visite se poursuit dans les cellules de la division 3 du centre pénitentiaire. L’occasion d’un échange direct entre détenus et parlementaires. Les principales plaintes concernent les parloirs ou les douches, jugées insalubres par bon nombre de détenus. « Ici c’est mieux, raconte un des détenus, car c’est les cellules des travailleurs ». Propres, équipées de rangement, sans fuite, elles font figure de cellules modèles. Mais selon lui, « au nord de la prison ce n’est pas pareil », listant l’absence de balais, des meubles cassés, des huisseries qui laissent entrer l’air, ou des fuites sur les lavabos ou les toilettes.

Des parloirs inhumains

Quatre ans après leur visite, les sénateurs constatent une amélioration des conditions, mais ce sont les parloirs qui vont les faire déchanter. Placés en sous-sol, il suffit de s’engager dans l’escalier qui y mène pour sentir l’odeur d’humidité et la moiteur ambiante.  Chaleur et humidité que les couches de peinture récentes ne parviennent pas à masquer sur les murs décrépis, rongés par des murs sans doute gorgés d’eau. « 22 000 visites au parloir ont lieu chaque année » précise le directeur, pas forcément fier de cette triste vitrine pour ceux qui viennent voir un proche en prison. « J’ai honte » s’emporte Pascal Savoldelli. « Y compris pour les personnes qui travaillent ici … » dénonçant « un endroit insalubre ».

Les cabines de parloir sont exiguës, a tel point que les sénateurs s’interrogent sur la possibilité pour les familles de venir à plusieurs, souvent femmes et enfants, dans des pièces où deux individus doivent déjà avoir du mal à tenir. « C’est un clapier ! » s’emporte le sénateur communiste, qui promet quelques courriers pour à nouveau alerter sur cet espace obsolète.

Un manque criant de médecins

La visite s’achève avec un entretien avec la médecin de la prison, qui dénonce des équipes « en sous-effectifs chroniques » et des postes vacants depuis des années. « On a 8 postes de psys ouverts mais un seul est occupé pour toute la prison » lance-t-elle à titre d’exemple. Et tout est à l’avenant, dentistes, opérateurs radios, secrétaires médicales manquant dramatiquement à l’appel. Un résumé cruel des difficultés à attirer des spécialistes dans le milieu carcéral malgré l’intérêt et la diversité des missions selon la médecin.

En conclusion de cette visite, les sénateurs promettent de faire remonter les dysfonctionnements encore présents, et de porter ce discours « lors du projet de loi de finances pour le budget 2023 pour qu’il y ait l’inscription des centaines de millions qu’il faut pour réhabiliter cette prison » conclue Pascal Savoldelli. 

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