Girl power et pop culture : vers un nouveau féminisme ?

Girl power et pop culture : vers un nouveau féminisme ?

À grands coups de campagnes de publicité et de clichés Instagram, les idoles et marques populaires ont construit une identité féminine « girly » ultra-sexualisée. Si certains y lisent une réappropriation et une manipulation des codes sexués afin de mieux les combattre, d’autres y voient une nouvelle forme d’aliénation. Ainsi, qu’est ce que la « Girl culture » ? Un nouveau féminisme source d’émancipation ? Un simple élément marketing ?
Public Sénat

Par Alexandre Delrieu

Temps de lecture :

2 min

Publié le

Mis à jour le

Lors des Billboards Music Awards 2011, la star de la « pop music » Beyoncé mettait en scène une armée de clones à l’allure ultra-féminine et exhortait les femmes à prendre le pouvoir sur les hommes en entonnant « Who run the World ? Girls ! » (Qui dirige le monde ? Les Femmes !). La prestation, particulièrement remarquée, illustre une nouvelle tendance d’expression féministe dont les artistes et stars des réseaux sociaux sont les têtes de gondole. En assumant une féminité exacerbée, tout en se jouant des codes initialement créés par et pour les hommes, ces nouvelles icônes pousseraient les jeunes femmes à s’affranchir de la domination masculine. Elles seraient les cheffes de file d’un mouvement parfois considéré comme une nouvelle vague féministe.

Pop culture et « Girl power », un féminisme vendeur

La question de la portée et de la légitimité de la culture pop comme canal de diffusion de ces nouveaux comportements féministes se pose. Alors que les divas de la musique populaire et autres marques de vêtement tendances ont une forte visibilité auprès des jeunes générations, la consistance du message féministe qu’elles relaient est discutée. Ainsi, si le « Girl power » prôné par Beyoncé « représente un féminisme très superficiel et performatif » selon la philosophe Camille Froidevaux, le bruit qu’il crée contribue largement à démocratiser les questions d’émancipation des femmes pour Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des Femmes. « C’est une bonne nouvelle si ça fait vendre » assure-t-elle.

"Si l'égalité fait vendre, on va plutôt dans le bon sens" : Anne-Cécile Mailfert #UMED
00:45

Hyperféminité, entre émancipation et injonction

Ce faisant, le sujet de l’hyper féminisation comme biais d’émancipation interroge. S’agit-il réellement d’un choix éclairé ou la réponse, plus ou moins consentie, à de nouvelles injonctions ? La blogueuse Daria Marx estime qu’il est « dangereux de donner comme modèle unique de la libération du corps des femmes la sexualisation ». « D’autres femmes sont aussi libérées en ne choisissant pas le biais de la féminisation » souligne t-elle. Elle met aussi en avant le combat des femmes obèses ou noires qui ne se reconnaissent pas forcément dans les standards de féminité préétablis.

"Moi je n'ai jamais rêvé d'être une princesse, parce que j'étais une petite fille grosse" : Daria Marx #UMED
00:38

Ce nouveau discours autour du féminisme ne serait que le relais d’une société de consommation dont « l’économie fait prospérer les hommes ». Ainsi, à grands coups de marketing, « les petites filles sont déguisées en princesse, en pop star et en putain pour séduire les hommes », précise-t-elle. Camille Froidevaux-Metterie nuance cependant « la soumission des filles et des femmes aux diktats sociaux et commerciaux » en observant qu’il y a « des façons très personnelles de se les approprier ».

Elle soulève cependant la question de l’éducation des jeunes filles qui doivent être sensibilisés à la différence entre féminité et féminisme.  Il s’agit de ne pas tomber dans l’écueil de l’injonction « faite aux femmes de s’hyper sexualiser (…) pour rester féministe ou le devenir », estime-t-elle.

Retrouvez notre débat « Princesses, pop stars & girl power » dans l'émission Un monde en Docs, présentée par Nora Hamadi, le samedi 10 mars à 23h25 et le dimanche 11 mars à 9h55 sur Public Sénat.

Pour aller plus loin :

  • « La révolution au féminin » de Camille Froidevaux-Metterie, aux éditions Gallimard, 2015
  • « Comme l’amour empoisonne les femmes » de Peggy Sastre, aux éditions Anne Carrière, 2018
  • « Tu seras une femme ! Guide féministe pour ma nièce et ses amies » d’Anne-Cécile Mailfert, aux éditions Les petits matins, 2017

Dans la même thématique

Majorité numérique à 15 ans : « La problématique, c’est le système pour vérifier l’âge »
5min

Société

Majorité numérique à 15 ans : « La problématique, c’est le système pour vérifier l’âge »

Dans son discours sur l’Europe à la Sorbonne, Emmanuel Macron a appelé à reprendre le contrôle sur les contenus en ligne et à protéger la jeunesse des contenus dangereux. Pour Olivia Tambou, maître de conférences, la clé d’une telle réglementation au niveau européen réside dans la vérification de l’âge. La sénatrice Catherine Morin-Desailly appelle à une réflexion plus globale sur les usages et la formation.

Le

Police operation de lutte contre les depots sauvages a Nice
5min

Société

Couvre-feu pour les mineurs : quel pouvoir pour les maires ?

La décision de Gérald Darmanin d’instaurer un couvre-feu pour les mineurs en Guadeloupe inspire les maires de métropole. À Béziers, la mesure est en vigueur depuis lundi. À Nice, Christian Estrosi songe aussi à la mettre en place. Dans quelle mesure les maires peuvent-ils restreindre la liberté de circuler ?

Le

Manifestation contre les violences sur les mineurs, Toulouse
4min

Société

Relaxe d’un homme accusé de violences familiales : le droit de correction invoqué par les juges est « contraire à la loi »

Ce 18 avril, la cour d’appel de Metz a relaxé un policier condamné en première instance pour des faits de violences sur ses enfants et sa compagne. Dans leur arrêt, les juges ont indiqué qu’un « droit de correction est reconnu aux parents ». Une décision qui indigne la sénatrice Marie-Pierre de la Gontrie, rapporteure d’une proposition de loi qui interdit les « violences éducatives » depuis 2019.

Le