Glyphosate : vers une interdiction dans 3 ans ?

Glyphosate : vers une interdiction dans 3 ans ?

À rebours de la décision prise à Bruxelles, Emmanuel Macron souhaite l’interdiction du glyphosate, en France, « au plus tard dans 3 ans. » Une partie de l’opposition dénonce l’incohérence du président de la République. Selon elle, l’accord de libre-échange avec le Canada permettrait l’importation de produits traités au glyphosate.
Public Sénat

Par Héléna Berkaoui

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Hier, à Bruxelles, les États membres de l’Union européenne ont prolongé la licence d’exploitation du glyphosate pour cinq ans. En dépit de cette décision, le président de la République souhaite l’interdiction de cette substance en France, « au plus tard dans 3 ans. » Sur Public Sénat, ce mardi, Guillaume Peltier dénonçait « l’incohérence » et « l’hypocrisie » du gouvernement. Il brocarde le traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada (CETA) qui « consacre le droit et même le devoir, l’obligation, pour l’Union européenne d’importer tous les produits du monde soumis au glyphosate. » Une inquiétude déjà formulée par Florian Philippot pendant la COP23. Allons-nous fermer la porte au glyphosate pour ensuite le laisser entrer par la fenêtre ?

« Si les utilisateurs ont réussi, drastiquement, à réduire leur consommation de glyphosate mais butent sur un usage donné, la situation en France méritera, je vous le dis, d’être réévaluée » précise Stéphane Travert.

Interrogé par les sénateurs, le ministre de l’Agriculture a estimé « qu’il est trop tôt, aujourd’hui, pour savoir où on en sera dans trois ans. » Pour Stéphane Travers, « il est indispensable de sortir des divergences entre l’OMS et les agences européennes, sur la dangerosité réelle du glyphosate (…) Si les utilisateurs ont réussi, drastiquement, à réduire leur consommation de glyphosate mais butent sur un usage donné, la situation en France méritera, je vous le dis, d’être réévaluée » précise-t-il.

Glyphosate : « Il est trop tôt, aujourd'hui, pour savoir où en sera dans 3 ans » estime Stéphane Travert
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Le CETA va avoir « une influence directe ou indirecte sur nos normes sanitaires » déplore la directrice générale de l'ONG de défense des consommateurs, Foodwatch.

« Aujourd’hui, il n’y a, de toute façon, pas d’interdiction sur l’importation de produits traités au glyphosate » note la directrice générale de l'ONG de défense des consommateurs, Foodwatch, Karine Jacquemart. Contactée par Public Sénat, elle souligne le fait que le CETA représente surtout une menace car il « va rendre plus difficile une prochaine interdiction du glyphosate » par la Commission européenne. Dans 5 ans, l’Union européenne devra de nouveau se prononcer sur l’exploitation du glyphosate. D’ici là «  aucune perspective de sortie » du glyphosate n’a été ébauchée, déplore-t-elle. Par ailleurs, Karine Jacquemart s’alarme du fait que « le principe de précaution ne soit pas garanti par le CETA. » D’après elle, cet « accord de nouvelle génération » va avoir « une influence directe ou indirecte sur nos normes sanitaires. »

Mais la France peut-elle, aujourd’hui, interdire l’importation de produits traités au glyphosate sur son sol ? Il y a bien un précédent. En 2016, Stéphane le Foll, alors ministre de l’Agriculture de François Hollande, avait bloqué l’importation de cerises traitées avec un insecticide contesté : le diméthoate. Ce pesticide avait été interdit en France, sur avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses). Faute d’accord avec ses homologues européens, la France avait alors déclenché une clause de sauvegarde.  

La sortie du glyphosate, d’ici trois ans, est possible « s’il y a vraiment un plan d’accompagnement bien ficelé » affirme Suzanne Dalle, chargée de campagne agriculture chez Greenpeace. 

L’annonce d’Emmanuel Macron concernant la sortie du glyphosate en France « au plus tard dans 3 ans » est relativement bien accueillie. « C’est une annonce qui va dans le bon sens » affirme Suzannne Dalle, chargée de campagne agriculture chez Greenpeace. Vigilante, elle attend de voir « quels moyens vont être mis sur la table. » En effet, le président de la République n’a pas précisé la manière dont la France allait sortir du glyphosate. « On risque de se retrouver avec une molécule équivalente » craint Suzanne Dalle. Greenpeace, comme d’autres acteurs, appelle à un réel « changement des pratiques agricoles. » Elle estime que la sortie du glyphosate d’ici trois ans est possible « s’il y a vraiment un plan d’accompagnement bien ficelé. » Les états généraux de l’alimentation devraient répondre à cette question. Une synthèse des ateliers et de la consultation publique devrait être rendue à la mi-décembre, d’après le ministre de l’Agriculture.

Devant les sénateurs, la ministre chargée des Affaires européennes, Nathalie Loiseau, a exprimé la volonté du gouvernement de « revoir en profondeur, l’évaluation des substances chimiques afin d’aller vers plus de transparence et d’indépendance » pour ce qui concerne les agences de régulations européennes. À noter qu’une enquête du journal Le Monde a nourri de forts soupçons sur de possibles conflits d’intérêts entre le géant de l’agrochimie, Monsanto, et ces agences.

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