Gratuité des transports en commun : est-ce viable ?
Les invités d’ « On va plus loin » réfléchissent à la faisabilité de la gratuité des transports à grande échelle, après l’annonce d’Anne Hidalgo  d’une réflexion sur ce sujet concernant Paris.

Gratuité des transports en commun : est-ce viable ?

Les invités d’ « On va plus loin » réfléchissent à la faisabilité de la gratuité des transports à grande échelle, après l’annonce d’Anne Hidalgo  d’une réflexion sur ce sujet concernant Paris.
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Le 19 mars dernier, Anne Hidalgo, maire de Paris annonçait le lancement d’une réflexion sur la gratuité des transports en commun à Paris.

Frédéric Héran, économiste spécialiste des transports, maître de conférences à l’université Lille 1, estime que la gratuité des transports en commun n’est pas souhaitable : « C’est une mesure incohérente (…) qui va avoir forcément des incidences sur toute la politique de déplacement de la ville de Paris ou des villes qui décident de cette mesure. Qui seront les nouveaux usagers des transports publics ? Et bien ce seront d’abord, toutes les études le montrent, des cyclistes, ensuite des piétons et très peu d’automobilistes. C’est ce que l’on constate. Cela veut dire clairement que cette mesure est une mesure anti cyclistes, anti piétons et très peu défavorable finalement à la voiture. »

Et si les transports en commun sont gratuits, qui va payer la part des usagers ? « Pas forcément le contribuable » répond Emmanuel Grégoire, adjoint à la Maire de Paris, chargé de la mission sur la gratuité des transports. « Aujourd’hui, [ce sont] les entreprises qui payent principalement. Donc on pourrait imaginer que les entreprises puissent augmenter leur contribution aux financements de transports en commun. Est-ce que c’est possible ? Oui. La vraie question (…) et l’étude devra permettre d’approfondir, c’est : Est-ce que c’est souhaitable, en réalité ? »

Et il ajoute concernant la gratuité : « [Elle]  n’est pas forcément pour tout le monde (…) On pourrait très bien imaginer que, notamment, les contribuables franciliens aient un accès gratuit aux transports et qu’en revanche, les utilisateurs ponctuels, je pense particulièrement aux touristes, puissent eux continuer à payer. »

 

Gratuité totale des transports =  une dégradation de sa qualité ?

 « Aujourd’hui, ce n’est pas la motivation économique qui conduit quelqu’un qui prend sa voiture à demain renoncer à sa voiture, pour prendre éventuellement les transports en commun » assure Claude Faucher, délégué général de l'UTP (Union des transports publics et ferroviaires).

« Ce qui fonde le report modal [report du trafic de passagers d’un mode de transport, vers un autre plus respectueux de l’environnement - NDLR], c’est la qualité de services dans les transports, qui permet au voyageur d’être assuré d’un temps de trajet toujours plus rapide, toujours plus fiable, que l’usage de sa voiture individuelle » dit-il. Au fond, Claude Faucher craint que la gratuité totale des transports entraîne une dégradation de sa qualité, faute de moyens financiers. « Qu’il puisse y avoir une gratuité pour les usagers les plus en difficultés financièrement, dans le cadre d’une tarification solidaire, cela peut se justifier. En revanche, la gratuité totale pour tous les usagers, nous paraît conduire à priver les transports de ressources qui sont utiles et nécessaires à leur développement » explique-t-il.

Pour Guy Le Bras, directeur général du GART (groupements des autorités responsables de transport), la question de savoir qui va payer les transports en commun s’ils sont gratuits, est une question « un peu simpliste » :« La gratuité existe déjà dans notre pays. Il y a une quinzaine de réseaux en dehors de l’Ile-de-France qui font la gratuité totale. Le problème est un problème de ressources (…) Aujourd’hui, les réseaux des grandes métropoles ne sont pas formatés pour pouvoir absorber ce supplément de fréquentation. Et donc de ce point de vue là, on ne peut pas se poser la question de la gratuité, avant de se poser la question de quelle offre, on va apporter aux voyageurs qui utilisent le réseau. C’est pour ça, qu’il n’y a pas de réponse simple à cette question. »

Et il ajoute : « Ce débat va avoir une vertu, c’est de faire comprendre enfin à nos concitoyens que les transports ont un coût et qu’en réalité, ils n’assument qu’une partie très faible de ce coût. En moyenne, au niveau national c’est 17% (…) Quand vous allez dans des capitales comme Londres, le voyageur paye 100% du prix des opérations. Et donc les abonnements sont incomparablement plus chers. »   

 

 

Vous pouvez voir et revoir le débat d’OVPL, en intégralité :

 

OVPL : Gratuité des transports en commun : est-ce viable ?
24:46

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