Intelligence artificielle : les parlementaires veulent « démystifier » les technologies

Intelligence artificielle : les parlementaires veulent « démystifier » les technologies

La sénatrice Dominique Gillot et le député Claude de Ganay ont présenté leur rapport sur les conséquences des algorithmes et des robots, notamment sur l’emploi.
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L’intelligence artificielle, beaucoup la connaissent sous son petit nom « HAL 9000 », le super calculateur qui prend en otage les passagers du vaisseau spatial Discovery One dans le film de Stanley Kubrick « 2001, l'Odyssée de l'espace. » Simple lueur rouge, le cerveau mécanique illustre bien la défiance que l’intelligence artificielle provoque pour le grand public. Robots tueurs et algorithmes surpuissants laissent entrevoir une dérive technologique inquiétante. Pour tenter de « démystifier » le phénomène, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST)  a présenté un rapport, ce mercredi au Sénat, réalisé par le député Claude de Ganay et la sénatrice Dominique Gillot. Le but : passer en revue les progrès et surtout les opportunités que représente l’intelligence artificielle. « Ce n’est pas uniquement les robots » souligne Claude de Ganay. « Ce sont les objets connectés, que nous utilisons au quotidien ». Les voitures en sont bardées. Les phares qui s’allument seuls dans l’obscurité ou les essuie-glaces qui s’enclenchent à la moindre goutte de pluie, « c’est de l’intelligence artificielle » rappelle le député. « Ce n’est pas uniquement les robots avec des attitudes catastrophiques pour l’humanité, qui veulent supplanter l’être humain. » Et oui, avant de vouloir (éventuellement) détruire les humains, les robots et ordinateurs ont d’abord pour mission de leur faciliter la vie. Les objets connectés, les voitures autonomes, la domotique sont autant de domaines où la technologie est désormais bien implantée et va exploser dans les années à venir. « Aujourd’hui, on a dans notre smartphone, la puissance de calcul de la Nasa » s’enthousiasme la sénatrice Dominique Gillot.

Dominique Gillot : « Un manuel pour témoigner de ce qu’est l’intelligence artificielle aujourd’hui »
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Tout sauf un hasard, le rapport a été présenté à la commission des affaires économiques. Les opportunités sont multiples et variées et la France peut prendre le large dans ce domaine sous-exploité malgré une formation très efficace. Mais les investissements restent trop modestes. « Notre rapport était là aussi pour sensibiliser nos collègues élus » explique Claude de Ganay. Dans un pays traditionnellement conservateur dans ce domaine, les mentalités peinent à évoluer. Le sujet n’a d’ailleurs pas été évoqué lors de la dernière présidentielle, sauf par Benoît Hamon qui souhaitait instaurer une taxe sur les robots. « Mais nous sommes en train de changer considérablement » assure le député. « On préconise un encouragement à la recherche fondamentale » renchérit la sénatrice Dominique Gillot. Emmanuel Macron, plus sensibilisé à ces questions, a d’ailleurs annoncé un plan dans les trois mois pour développer l’IA.

Mais le rapport voulait aussi démystifier une crainte plus sournoise que la fin de l’humanité : celle de la fin du travail. C’était d’ailleurs le problème soulevé par Benoît Hamon,  lors de la présidentielle. L’immixtion des robots et de l’intelligence artificielle dans le monde du travail va-t-elle faire augmenter le chômage ? « Les pays les plus robotisés ont les taux de chômage les plus faibles » assure Claude de Ganay. Le Japon, l’Allemagne et la Corée du sud sont des exemples souvent cités, même s’il est difficile d’assurer un lien de causalité, tant les situations économiques sont diverses d’un côté et de l’autre de l’océan. « Je suis optimiste » assure Dominique Gillot. « Certains métiers vont évoluer, d’autres vont disparaitre au profit d’autres ». C’est la fameuse « destruction créatrice » de Schumpeter, confortée ou remise en cause, au gré des différentes études sur le sujet. Ainsi, la dernière en date, menée par le MIT et l’université de Boston souligne qu’un robot dans l’industrie conduit à la destruction de 6,2 postes dans la zone géographique qui l’entoure.

D’autant plus que les progrès de l’intelligence ne concernent pas que les emplois les moins qualifiés. « Effectivement, les métiers de la finance, du droit, de la médecine sont aussi des secteurs impactés » reconnait Dominique Gillot. Ainsi, les avocats se simplifieront la tâche en laissant un programme informatique passer en revue la jurisprudence en quelques secondes seulement, au lieu de plusieurs heures voire jours. Cette « facilité » peut-elle entrainer une réduction du personnel dans les cabinets d’avocats ? « Pas forcément, ils vont pouvoir aller plus loin dans la défense des droits de nos concitoyens » prophétise la sénatrice Dominique Gillot.

La médecine face à l'intelligence artificielle
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Dernier enjeu que soulève le rapport, le manque d’encadrement d’un domaine, contrôlé en grande partie par les entreprises de la Silicon Valley. « Les chercheurs ne veulent pas un trop grand excès de législation qui nuirait à la recherche » souligne Claude de Ganay. « Mais face à ces milliards de données dont disposent ces plateformes américaines ou chinoises, nous voulons que se mettre en place une charte de l’éthique sur le plan européen ou international. » Difficile pourtant de mettre des garde-fous à un secteur qui progresse à une vitesse ahurissante. « On n’anticipe pas, on accompagne » précise Dominique Gillot. Etre vigilant et sensibiliser, voici les premiers outils préconisés par le rapport, en attendant un encadrement plus stricte de l’intelligence artificielle.

Intelligence artificielle : "Les chercheurs ne veulent pas un excès de législation"
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