Le monde du journalisme très critique sur la loi contre les fake news

Le monde du journalisme très critique sur la loi contre les fake news

Patrons de médias audiovisuels et de la presse écrite ont été auditionnés au Sénat sur la future loi contre les fake news. Une loi qui selon eux ne répond à cet enjeu de société.
Alexandre Poussart

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Les directeurs de l’information des principaux médias audiovisuels français et les représentants des titres de presse écrite ont été auditionnés par les sénateurs, ce mercredi, sur les deux propositions de loi visant à lutter contre les fausses nouvelles en période électorale. Ces deux textes, déposés par le député LREM Stanislas Guérini et soutenues par le gouvernement, visent à permettre à un candidat ou un parti de saisir le juge des référés pour faire cesser la diffusion de "fausses informations" durant les trois mois précédant celui d'un scrutin national. L’Assemblée nationale, qui a suspendu l’examen du texte le 7 juin, a voté la définition d’une « fausse information » comme "toute allégation ou imputation d'un fait, inexacte ou trompeuse".

La définition d’une fausse information pose problème

« Avec une telle définition, il sera impossible pour le juge en référé de déterminer en 48h si une information a un caractère inexact ou trompeur », explique Francis Morel, directeur de la Société de la Presse quotidienne nationale (SPQN). « La définition de cette loi prend en compte des « faits diffusés de mauvaise foi ». Mais comment montrer qu’un site publie des informations de mauvaise foi ou en pensant qu’elles sont vraies ? » Selon Francis Morel, cette loi doit cibler des informations « diffusées de manière automatisée par des moteurs de recherche et des plateformes, et ne doit pas concerner les sites de presse ».

Un label des sources journalistiques : une fausse bonne idée ?

Loi sur les fake news : "un label des médias journalistiques est une fausse bonne idée" selon le directeur de la rédaction de France Info
01:02

Les directeurs des chaînes de télévision ont globalement rejeté l’idée d’un label des sources journalistiques. « Ce label des sources d’informations est une fausse bonne idée car il va créer un sentiment de défiance du public vis-à-vis des médias faisant partie du « système », associés au pouvoir politique », explique Pascal Doucet-Bon, directeur de l’information de France Télévisions.  

Responsabiliser les plateformes numériques

Le rôle des plateformes numériques comme les réseaux sociaux (Facebook, Twitter…) dans la diffusion de fausses nouvelles a été pointée par les directeurs de l’information des chaînes de télévision. « Il faut développer une logique de pollueur/payeur », estime Donat Vidal Revel, directeur de l’information d’Europe 1. « Les plateformes numériques doivent être contraintes à modifier leurs algorithmes pour mettre en avant les sites d’informations qui publient des informations vérifiées. » Pour le sénateur communiste Pierre Ouzoulias, « le délit de diffamation doit s’appliquer aux hébergeurs de contenus d’informations comme les réseaux sociaux. » Avec ces 2 propositions de loi, les réseaux sociaux devront aussi mettre en place un système permettant à leurs utilisateurs de leur signaler de fausses informations et être plus transparents sur le fonctionnement de leur algorithme.

Le CSA devra réguler l’information sur Internet

Le sénateur Claude Malhuret sceptique sur le futur rôle du CSA comme régulateur du numérique
01:09

Ces 2 textes prévoient également que le CSA régule l’information sur Internet et notamment sur les plateformes numériques. Ces dernières devront lui adresser un rapport annuel, et ce dernier pourra prodiguer des recommandations. « Il est évident que l’information numérique doit être contrôlée au même titre que l’information audiovisuelle », commente Stéphane Gendarme, directeur de l’information de M6. « Quand une chaîne de télévision ne publie pas une information, car il a l’obligation de la vérifier, Internet la publie en temps réel. Le numérique doit être réglementé pour que nous jouons dans la même cours. » Le président du groupe (Les Indépendants) Claude Malhuret a rappelé que le CSA avait autorisé à émettre la chaîne russe étatique Russia Today (NDLR: une convention signée en septembre 2015), alors qu'"Emmanuel Macron avait déclaré devant Vladimir Poutine que c’était de la désinformation et de la propagande".

Le projet de loi contre les fake news devrait arriver en examen au Sénat fin juillet.   

 

Dans la même thématique

Majorité numérique à 15 ans : « La problématique, c’est le système pour vérifier l’âge »
5min

Société

Majorité numérique à 15 ans : « La problématique, c’est le système pour vérifier l’âge »

Dans son discours sur l’Europe à la Sorbonne, Emmanuel Macron a appelé à reprendre le contrôle sur les contenus en ligne et à protéger la jeunesse des contenus dangereux. Pour Olivia Tambou, maître de conférences, la clé d’une telle réglementation au niveau européen réside dans la vérification de l’âge. La sénatrice Catherine Morin-Desailly appelle à une réflexion plus globale sur les usages et la formation.

Le

Police operation de lutte contre les depots sauvages a Nice
5min

Société

Couvre-feu pour les mineurs : quel pouvoir pour les maires ?

La décision de Gérald Darmanin d’instaurer un couvre-feu pour les mineurs en Guadeloupe inspire les maires de métropole. À Béziers, la mesure est en vigueur depuis lundi. À Nice, Christian Estrosi songe aussi à la mettre en place. Dans quelle mesure les maires peuvent-ils restreindre la liberté de circuler ?

Le

Manifestation contre les violences sur les mineurs, Toulouse
4min

Société

Relaxe d’un homme accusé de violences familiales : le droit de correction invoqué par les juges est « contraire à la loi »

Ce 18 avril, la cour d’appel de Metz a relaxé un policier condamné en première instance pour des faits de violences sur ses enfants et sa compagne. Dans leur arrêt, les juges ont indiqué qu’un « droit de correction est reconnu aux parents ». Une décision qui indigne la sénatrice Marie-Pierre de la Gontrie, rapporteure d’une proposition de loi qui interdit les « violences éducatives » depuis 2019.

Le