Le nouveau protocole à l’école : une « usine à gaz » ?

Le nouveau protocole à l’école : une « usine à gaz » ?

Pour plus de 12 millions d’élèves, les tests antigéniques ou PCR vont devenir une habitude. La volonté du ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, est de maintenir les écoles ouvertes. Depuis lundi 3 janvier, les règles s’il y a un cas positif dans une classe de primaire ont changé. Dans ce cas de figure, les élèves devront effectuer 3 tests en 4 jours pour continuer à aller à l’école. Un « casse-tête », dénoncent en chœur les syndicats et les parents d’élèves.
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Par Flora Sauvage

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Face à la contagiosité du variant Omicron, et devant le risque de paralysie du système scolaire, les règles ont changé. Si le protocole sanitaire est maintenu au niveau 3 (sur 4) en élémentaire et au niveau 2 dans les collèges et les lycées, les conditions pour venir en classe s’il y a un cas positif sont modifiées.

Tests à J + 2 et J + 4

Désormais, s’il y a un cas positif dans une classe, les enfants de moins de 12 ans non vaccinés ne sont plus tenus d’être isolés pendant 7 jours. Il suffit aux parents de faire réaliser un test PCR ou antigénique à leur enfant le premier jour, puis à J + 2 et J + 4. Le retour en classe se fait sur présentation d’un test négatif ou d’une attestation sur l’honneur des parents. « Quand la famille fera le premier test en pharmacie, elle recevra 2 autotests gratuits pour effectuer les tests à la maison à J + 2 et J + 4 », a assuré le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, dans un entretien accordé au journal le Parisien dimanche 2 janvier, la veille de la rentrée scolaire.

« Usine à gaz »

« C’est une véritable usine à gaz », selon Guislaine David, secrétaire générale du SNUipp-FSU, premier syndicat d’enseignants du primaire. Selon la syndicaliste, ce nouveau protocole de contact tracing va « être ingérable » et « ne tient pas compte de la réalité du terrain », car les directeurs et les directrices d’école n’ont pas de personnels administratifs pour les aider dans l’application de ces nouvelles règles. Même constat chez Sud Education « Au-delà d’envoyer personnels et élèves au casse-pipe, ce nouveau protocole va rendre encore plus difficiles des conditions de travail qui l’étaient déjà largement trop », a dénoncé le syndicat dans un communiqué dimanche 2 janvier.

Maintenir les écoles ouvertes à tout prix

Pour Nadège Havet, sénatrice LREM et ancienne adjointe aux affaires scolaires de Saint Pabu dans le Finistère, « maintenir les écoles ouvertes est primordial, on a bien vu les difficultés engendrées par le premier confinement sur les enfants ». Selon la sénatrice « rien n’est simple à mettre en place, mais on essaie de faire au mieux, pour le bien des enfants ».

Fini la règle de fermeture d’une classe à partir de 3 cas positifs

Par ailleurs, il n’y aura plus de fermeture dès que l’on atteint trois cas positifs au sein d’une même classe. Un ajustement du protocole que Guislaine David regrette, alors que le SNUipp-FSU réclamait le retour à la règle de la fermeture de classe dès un cas positif, comme cela était en vigueur jusqu’au 29 novembre 2021. Guislaine David s’étonne de ce changement de règle, « plus on a de contaminations, et plus on allège le protocole ». La secrétaire générale du SNUipp-FSU craint qu’il y ait effectivement « des écoles ouvertes, comme le souhaite le ministre, mais parfois ce sera sans enseignants, car ils seront malades et non remplacés faute de remplaçants disponibles ».

Une méthode dénoncée

Enfin sur la méthode employée par le ministre de l’éducation, syndicats et représentants de parents d’élèves regrettent « une forme de mépris ». « Annoncer les nouvelles règles dans un article payant du journal le Parisien dimanche, la veille la rentrée scolaire, ce n’est pas sérieux », regrette Carla Dugault, présidente de la FCPE, première fédération de parents d’élèves.

» Lire aussi : Covid et écoles : la rentrée en sursis ?

Capacité de remplacement de 9 %

Jean-Michel Blanquer justifie sa décision d’annoncer les nouvelles mesures la veille de la rentrée pour « être au plus près de la réalité sanitaire » et « tenir compte des avis rendus vendredi par le Conseil scientifique et la Haute autorité de santé publique ». Pour faciliter la continuité pédagogique en cas d’absence de professeur, et éviter à tout prix les fermetures de classes, le ministre de l’Education affirme : « On a une capacité de remplacement de 9 % en école primaire, on va essayer de monter notre capacité à 12 % », en recrutant des jeunes retraités de l’Education nationale et des contractuels. « Il aurait fallu investir dans l’école publique pour ne pas en arriver là, deux ans après le début de la pandémie, embaucher du personnel, équiper les classes de purificateurs d’air », estime la présidente de la FCPE.

Déploiement des capteurs de CO2 « insuffisants », selon Jean-Michel Blanquer

Laurent Zameczkowski, vice-président de la Peep, une fédération de parents d’élèves, dénonce le « déni cosmique » du gouvernement en matière de « sécurisation des salles de classe ». Cela fait bientôt deux ans que les associations de parents d’élèves réclament l’installation de capteurs de Co2 et de purificateurs d’air dans les classes. Le ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, a reconnu que le déploiement de ces capteurs de CO2 était « totalement insuffisant ». Il a lancé un « appel aux maires » à profiter du fonds d’État de 20 millions d’euros pour doter leurs écoles en capteurs. Mais « il y a des collectivités qui nous expliquent que c’est un gadget », affirme Laurent Zameczkowski. A l’heure actuelle, 20 % seulement des établissements scolaires sont équipés de capteurs de CO2.

» Lire aussi : Coût des détecteurs de CO2 dans les salles de classe : les élus alertent Jean-Michel Blanquer

Immense « ras-le-bol »

Du côté des enseignants, comme des parents d’élèves, « un immense ras-le-bol » se fait sentir explique Sophie Vénétitay, la secrétaire générale du SNES FSU. Professeure de sciences économiques et sociales dans un lycée de l’Essonne, Sophie Vénétitay a fait classe ce lundi 3 janvier : « équipée des masques chirurgicaux que j’ai achetés avec mon propre salaire, car les masques fournis par l’Education nationale sont en tissu et protègent moins bien, et dans une classe avec 2 fenêtres sur 4 qui pouvaient s’ouvrir sur 5 centimètres ».

Préavis de grève

En pleine cinquième vague, et avec un variant qui circule plus rapidement, le SNES FSU a déposé un préavis de grève dans le secondaire pour la semaine du 3 au 7 janvier. Ce préavis sera renouvelé « tout au long du mois de janvier ». Le principal syndicat du secondaire réclame des avancées concrètes : « que tous les adultes des collèges et des lycées soient équipés en masques chirurgicaux ou FFP2, et qu’il y ait une vraie politique de tests dans les collèges et les lycées ». Près de deux ans après le début de la pandémie, parents et enseignants espèrent cette fois être entendus.

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