Limitation de vitesse à 80km/h : « une lourde erreur » selon les sénateurs

Limitation de vitesse à 80km/h : « une lourde erreur » selon les sénateurs

Pour tenter de stopper la hausse de la mortalité routière, le gouvernement s’apprête à abaisser la limitation de vitesse maximale sur les routes secondaires à 80km/h.  « Une posture démagogique » dénoncent une cinquantaine de sénateurs dans une lettre ouverte.
Public Sénat

Par Public Sénat

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

En matière d’excès de vitesse, Édouard Philippe sait de  quoi il parle. En 2015, alors maire du Havre, il avait été rattrapé par la patrouille alors qu’il circulait à 150km/h, sur une portion d’autoroute limitée à 110, au sud de Rouen. L’élu avait choisi de communiquer sur son infraction qui lui vaudra un retrait de permis immédiat pour 72 heures. « Nos concitoyens attendent légitimement de leurs élus l'exemplarité et je suis convaincu, par ailleurs, de la nécessité d'être ferme en matière de sécurité routière » avait-il justifié.  

« Si pour sauver des vies il faut être impopulaire, j’accepte de l’être »

Mardi, à l’issue du Conseil interministériel de sécurité routière (CISR), l’exécutif va officialiser l’abaissement  à 80km/h de la vitesse maximale sur 400 000 kilomètres de routes secondaires à partir du 1er juillet prochain. Une mesure destinée à enrayer la mortalité routière en hausse depuis 2014. En 2017, le nombre de morts sur les 11 premiers mois augmente de 0,9% par rapport à 2016. « Il y a 3.500 morts et 70.000 blessés par an, 70.000! Après des décennies de progrès, nos résultats se sont dégradés. Eh bien je refuse de considérer cela comme une fatalité. Chaque fois qu’un responsable politique a eu le courage de s’engager, les résultats ont été spectaculaires (…) Et si pour sauver des vies il faut être impopulaire, j’accepte de l’être » a justifié par avance le Premier ministre dans le JDD.

Les sénateurs demandent à voir les résultats de l’expérimentation

Le gouvernement précédent s’était lui aussi penché sur l’abaissement de la vitesse maximale autorisée à 80km/h. L’ancien ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, avait lancé une expérimentation en 2015 sur 80 km de routes. Mais l’absence de publication des résultats  a provoqué la réaction de plusieurs dizaines de sénateurs de la droite et du centre, qui dans une lettre ouverte, dénoncent «la posture de la démagogie » adoptée par l’exécutif. « Le gouvernement commet une lourde erreur en refusant un débat certes difficile mais qui eut été courageux et salutaire (…) les signataires demandent la production de ces résultats (de l’expérimentation ndlr) avant d’engager la généralisation de la réduction de la vitesse sur les routes départementales » écrivent-ils. Le président du Sénat, Gérard Larcher s'est joint à cette demande. 

« À ce moment-là, on pourrait la réduire à 50km/h sur les départementales »

« J’ai l’impression que ces mesures ne sont pas à la hauteur de l’enjeu. Il est toujours possible de réduire la vitesse sur les tronçons les plus accidentogènes. La vitesse peut toujours être considérée comme un facteur aggravant dans les accidents. Mais à ce moment-là, on pourrait la réduire à 50km/h sur les départementales. Le problème ce n’est pas la vitesse maximale autorisée mais les excès de vitesse. Quelqu’un qui ne respecte pas les 90km/h, je ne vois pas pourquoi, il respecterait les 80km/h » juge le sénateur LR de Moselle François Grosdidier qui souhaite, par ailleurs, que le gouvernement se penche sur les problèmes d’addiction et de SMS au volant comme causes de mortalité routière.

Du côté des associations d’automobilistes, on estime également qu’une nouvelle limitation de vitesse serait inefficace. « On s’accroche à ce totem de la vitesse. Mais on a augmenté le nombre de radars depuis 2014 et rien n’a changé. On ne peut pas attendre de résultats de cette mesure » dénonce à l’AFP Daniel Qero.

Au contraire, pour la présidente de la ligue contre la violence routière, Chantal Perrichon, une telle mesure pourrait « sauver plus de 400 vies par an si elle est accompagnée d’un contrôle routier massif ». Elle rappelle les effets sur la mortalité routière des premiers radars automatiques. « La vitesse moyenne a baissé et le nombre de tués par la même occasion a chuté de 41% sur la période allant de 2002 à 2009 qui correspond à la mise en place des radars automatiques ».Dans une lettre, Édouard Philippe assure que sur les 86 km qui ont fait l’objet de l’expérimentation, le nombre de morts et de blessés a baissé, passant de 27 accidents et 6 morts lorsque la vitesse était limité à 90km/h à 20 accidents et 3 morts lors de la limitation à 80km/h.

Mardi, à l’issue du conseil ministériel de sécurité routière, le gouvernement devrait annoncer d’autres  dispositifs comme par exemple le recours à des éthylotests antidémarrage pour les récidivistes.

Dans la même thématique

Limitation de vitesse à 80km/h : « une lourde erreur » selon les sénateurs
3min

Société

« Quand j’ai abordé les viols sur enfants, j’ai reçu beaucoup de courriers me traitant de rabat-joie », Mireille Dumas

Dans son émission « Bas les masques » ou encore « Vie privée, vie publique », Mireille Dumas a mis en lumière des parcours de vie peu écoutés, et pourtant loin d’être des cas isolés. Alors que les féminicides étaient qualifiés de « crimes passionnels », elle dénonçait déjà les violences perpétrées à l’encontre des femmes, des enfants et des minorités de genre. Quel regard porte-t-elle sur l’évolution de la société sur ces questions ? Comment explique-t-elle son intérêt pour les autres ? Cette semaine, Mireille Dumas est l’invitée de Rebecca Fitoussi dans « Un Monde un Regard ».

Le

Limitation de vitesse à 80km/h : « une lourde erreur » selon les sénateurs
6min

Société

Opérations « place nette XXL » contre la drogue : « Le but stratégique, c’est de couper les tentacules de la pieuvre », défend Darmanin

Devant la commission d’enquête du Sénat sur les narcotrafics, Gérald Darmanin a vanté le bilan des opérations antidrogues lancées ces derniers mois dans plusieurs villes de France. Le ministre de l’Intérieur assure qu’au-delà de « la guerre psychologique » menée contre les dealers, ce sont les réseaux dans leur ensemble qui sont impactés.

Le