Mission d’information sur la chasse : audition tendue au Sénat avec des associations anti-chasse

Mission d’information sur la chasse : audition tendue au Sénat avec des associations anti-chasse

La mission d’information sur la sécurisation de la chasse, lancée après une pétition citoyenne déposée au Sénat, a auditionné ce mardi les représentants d’associations favorables à la réglementation de la chasse. Une audition parfois tendue entre de nombreux représentants d’associations venus porter des revendications fortes, mais craignant une « instrumentalisation » de la pétition au profit du « lobby cynégétique. »
Louis Mollier-Sabet

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Ce mardi, la mission d’information sur la sécurisation de la chasse poursuivait ses travaux. Elle a auditionné des représentants d’associations, pas nécessairement « anti-chasse » selon les mots d’Yves Verilhac, directeur général de la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO), qui la définit comme étant « contre les excès, les abus et les dérives de la chasse. » Les représentants des différentes associations sont revenus sur les différentes pistes pour réguler la pratique de la chasse en France, beaucoup moins encadrée que chez nos voisins européens.

» Lire aussi : « La chasse, dans le fond, ce n’est pas dangereux » : le plaidoyer de Willy Schraen devant les sénateurs

Interdire la chasse certains jours ?

La première piste de « sécurisation de la chasse », c’est l’interdiction de cette pratique, par exemple le mercredi et le dimanche, pour éviter les conflits d’usage, avec les promeneurs notamment. Les associations plaident pour un « partage de la nature » – notamment le week-end, où ont lieu la majorité des accidents – afin de remédier à « l’insécurité rurale » selon les mots de Sabine Grataloup du Mouvement des ruraux en colère. « Il y a 21,4 millions de ruraux qui ne chassent pas. On entend souvent parler de la ruralité assimilée à la chasse, mais ceux-là sont une des premières victimes de la chasse puisqu’ils subissent une mise en danger quotidienne, pour le loisir de 2 % de la population. […] 76 % des ruraux renoncent à se promener à cause de la chasse », ajoute-t-elle.

Patrick Chaize, rapporteur (LR) de la mission d’information, se fait l’avocat du diable et relaie une argumentation entendue dans des auditions précédentes : « Si l’on interdit un jour, au fond, tous les autres sont autorisés et c’est donc aux autres de se retirer le reste du temps. » Un argument que les représentants des associations ont eu du mal à entendre tant ils considèrent la (non) réglementation des périodes de chasse – tant dans la semaine que dans l’année – comme une « aberration » au niveau européen, d’après Jean-Louis Chuilon, président de l’Alliance des opposants à la chasse.

Formation, consommation d’alcool et pratique de la chasse par des mineurs

Ensuite s’est posée la question de l’encadrement des pratiques mêmes de chasse. Là-dessus, les exemples ont fleuri dans cette table ronde bien remplie. D’abord, Julie Laisne, de l’Alliance des opposants à la chasse, est longuement revenue sur la formation liée à l’obtention d’un permis de chasse en France : « Le permis de chasse se joue sur 24h en France, alors qu’en Italie ou en Allemagne, ce sont des formations théoriques et pratiques dispensées par des professionnels. Vous avez seulement 15 minutes de maniement des armes dans la journée en France, alors que vous devez réussir 75 % des tirs dans une zone léthale sur des cibles mouvantes sous peine de ne pas avoir votre permis en Allemagne. » De même, aucun certificat médical n’est nécessaire à l’obtention d’un permis de chasse en France, ce qui pose non seulement la question sur l’aptitude à la pratique cynégétique, mais aussi sur les dangers du port d’arme associé. « Je vous parle de plusieurs centaines de morts avec des fusils de chasse, où la personne est dépressive et a toujours son fusil parce qu’il n’y a pas d’incompatibilité médicale » détaille Yves Verilhac.

Des questions a priori plus spécifiques, sont pourtant souvent revenues dans la discussion, comme la sanction de la consommation d’alcool par exemple. « L’alcool est interdit en Allemagne ou Italie. Si vous êtes saouls et que vous avez un permis de chasse et de port d’armes en rentrant de la chasse, vous perdez les deux », explique notamment Julie Laisne. Elle est rejointe par Ariane Ambrosini, de l’Association pour la protection des animaux sauvages, qui a plaidé pour la création d’infractions prohibant la consommation d’alcool dans la pratique de la chasse « comme pour les automobilistes. » De même, Hélène Barbry de l’Association Stéphane Lamart pour la défense des droits des animaux, est revenue sur l’encadrement de la pratique de la chasse par les mineurs, « très indulgent » en France, où la participation « passive » de mineurs en tant qu’auxiliaires, n’est absolument pas encadrée. Les exemples issus d'une enquête [les images peuvent choquer] de One Voice « en infiltration chez des déterreurs de renardeaux » sont évocateurs : « Un enfant de 12 ans, qui n’en a visiblement pas envie, achève des renardeaux à coups de pince », a notamment alerté Hélène Barbry.

« On a un souci en France, c’est celui du lobby cynégétique jusqu’au sommet de l’Etat, et particulièrement au Sénat »

Plus largement, certains représentants des associations se sont montrés assez critiques sur l’initiative sénatoriale, craignant une « instrumentalisation » de la pétition au profit du « lobby cynégétique. » Yves Verilhac ne s’est pas fait prier d’entrée de jeu : « On a un souci en France, c’est celui du lobby cynégétique jusqu’au sommet de l’Etat, et particulièrement au Sénat. On a vu Gérard Larcher intervenir auprès de l’OFB pour nous menacer de nous supprimer une subvention parce qu’un de nos textes dans une plaquette destinée aux élus ne lui plaisait pas. […] Je vous pose la question : êtes-vous totalement objectif sur la question de la chasse ? C’est un souci de démocratie parce que vous avez été saisis par une pétition nationale. »

« Je voudrais qu’on reste sur le sujet », tente de désamorcer Patrick Chaize, qui se retrouve obligé de légitimer la démarche de la Haute assemblée : « Je comprends que l’on ne soit pas d’accord avec nos positions. […] Quand j’ai accepté de prendre ce rôle, je savais qu’au bout du compte je n’aurais que des ennemis, je suis persuadé que les chasseurs penseront la même chose que vous après notre rapport. Je ferai le travail avec tout le sérieux qui est le mien. » L’argumentation « ne rassure pas » Yves Verlihac, qui n’en démord pas : « On a un problème de confiance démocratique. Comme vous avez une pétition citoyenne derrière et nous, nous sommes des ONG qui totalisent beaucoup plus d’adhérents que les partis politiques en France, nous avons le droit de savoir si nous sommes instrumentalisés ou non. » En tout état de cause, le débat est sulfureux, et les représentants d’associations présentes ont aussi tenu à alerter sur les « débordements » parfois violents de ce « lobby cynégétique » : « Pour le simple fait d’avoir été reçus par Mme Abba, nous avons eu 5000 menaces en 36 heures, y compris des menaces de mort. Nous n’avons pas interrompu une chasse ou démonté un mirador », a par exemple témoigné Julie Lasne, de l’Alliance des opposants à la chasse.

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