Mobilisation contre la réforme des retraites : « La réalité du pays est ici, pas à l’Elysée », lance Philippe Martinez

Mobilisation contre la réforme des retraites : « La réalité du pays est ici, pas à l’Elysée », lance Philippe Martinez

En marge de la manifestation du 23 mars contre la réforme des retraites, les différents leaders syndicaux ont fustigé la détermination du président de la République à faire passer son texte. Présent dans le cortège parisien, Public Sénat a recueilli leurs réactions.
Romain David

Par Romain David avec Jonathan Dupriez et Adrien Pain

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Non, la mobilisation de ce jeudi 23 mars ne sera pas un baroud d’honneur pour l’intersyndicale. C’est en substance le message des différents responsables syndicaux que Public Sénat a pu interroger, dans le cortège parisien. Alors que la réforme des retraites a été formellement adoptée lundi, après l’utilisation du 49.3, les opposants au report de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans espèrent encore un retrait du projet de loi. Les regards se tournent également vers le Conseil constitutionnel, saisi par les oppositions, et qui pourrait encore censurer tout ou partie du texte.

Philippe Martinez (CGT) : « Le mouvement est loin de s’essouffler »

« La détermination et la colère sont toujours importantes. Je pense qu’elles le sont encore plus d’ailleurs. L’objectif est toujours le même : retirez votre projet ! », martèle Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT, échauffé par l’intervention télévisée d’Emmanuel Macron mercredi. « Le président a repris des arguments que même le gouvernement n’ose plus avoir, il a voulu faire de la pédagogie comme si nous étions des imbéciles qui n’avaient pas compris la réforme. Il n’a pas voulu répondre à la colère, il a parlé comme un professeur, un sachant, un expert qui explique à des imbéciles ce qu’il faut penser », s’agace le syndicaliste. « Il y a eu aussi beaucoup de mépris quand il compare les mobilisations sociales en France avec ce qu’il s’est passé aux Etats-Unis ou au Brésil. C’est une insulte pour les gens qui se mobilisent ici. Nous ne sommes pas des gens d’extrême droite, les syndicats ont toujours dit pas : 'd’extrême droite chez nous !' », martèle Philippe Martinez. « Et puis la question n’est pas la même, ici nous avons à faire à une question sociale, on ne remet pas en cause une élection ».

« On est proche des chiffres du 7 mars, le mouvement est loin de s’essouffler. Emmanuel Macron peut pratiquer la méthode Coué mais la réalité du pays est ici, pas à l’Elysée. » A16h00, la CGT annonçait 800 000 manifestants à Paris.

Alors qu’une partie de la contestation semble se radicaliser depuis plusieurs jours, avec des manifestations sauvages émaillées de nombreuses échauffourées avec les forces de l’ordre, Philippe Martinez rappelle l’exemplarité affichée jusqu’ici dans les mobilisations de l’intersyndicale : « On sait qu’il se passe des choses en marge des manifestations, ce que l’on sait, c’est que la détermination et la colère s’expriment de façon pacifique dans les cortèges », balaye-t-il.

 

Laurent Berger (CFDT) : « Je suis prêt à tout oublier sur les mots prononcés hier si le président de la République retire ce projet »

Laurent Berger, le patron de la CFDT, veut croire à une décision forte du Conseil constitutionnel. « Il est aujourd’hui au cœur du sujet sur deux points, la légalité du contenu et du processus parlementaire autour de cette loi », rappelle-t-il. Il estime par ailleurs que la proposition de référendum d’initiative partagée déposée par la gauche représenterait une « bonne porte de sortie ».

Néanmoins, il ne cache pas son inquiétude vis-à-vis d’un éventuel durcissement du mouvement. « Les rassemblements le soir, avec de la violence, m’inquiètent à double égard : d’abord la violence exercée à travers les biens et les personnes et aussi ce que cela implique en termes de confrontations entre les manifestants et la police », explique-t-il. « Ce n’est pas ce que nous souhaitons. Toute violence, à l’égard des personnes ou symbolique, la CFDT la condamne ! »

Mercredi, sur France 2 et TF1, Emmanuel Macron a assuré que le leader de la CFDT « était allé devant son congrès en proposant d’augmenter les durées » de travail, ce que conteste Laurent Berger. « Je suis prêt à tout oublier sur les mots prononcés hier si le président de la République met pause et retire ce projet », lâche le syndicaliste.

Frédéric Souillot : « Il n’y a pas un gravier entre les responsables de l’intersyndicale »

« On a travaillé avec l’intersyndicale sur une saisine du Conseil constitutionnel pour appuyer les saisines parlementaires, nous allons appuyer sur tous les boutons », promet Frédéric Souillot, le secrétaire général de Force ouvrière. » La stratégie intersyndicale tient. Elle est inédite », souligne-t-il, assurant qu'« il n’y a pas un gravier entre nous ».

« Nous n’avons pas peur d’un durcissement, car si le mouvement va se durcir, c’est par la grève, qui est l’arme des travailleurs pacifiques », ajoute ce responsable syndical.

Cyril Chabanier (CFTC) : « Les marchés financiers sont beaucoup plus inquiétés par les mouvements de grève plutôt que par le fait que la réforme se fasse ou ne se fasse pas »

« La réforme a été adoptée, mais elle peut encore être retirée. Aujourd’hui, le combat est là », martèle Cyril Chabanier de la CFDT. « Cette pression, au bout d’un moment, va finir par peser sur le président de la République », prédit-il. « Son discours de confiance, hier, était un discours de façade. On voit que le patronat commence à réagir et que les marchés financiers sont beaucoup plus inquiétés par les mouvements de grève plutôt que par le fait que la réforme se fasse ou ne se fasse pas », relève ce syndicaliste.

Il cible « le culot et les mensonges » du chef de l’Etat durant son intervention télévisée. « Nous avons, à la CFTC, reconnu qu’il fallait une réforme, nous avons proposé un mix de solutions. La Première ministre a reconnu que nos propositions étaient sérieuses, constructives et crédibles mais que cela n’était pas son choix », rapporte-t-il. « Ce sont eux qui n’ont pas voulu discuter d’une autre solution que le report de l’âge légal de départ à la retraite. » Et d’ajouter : « Tendre la main pour nous dire de revenir à la table des discussions dans trois semaines, comme s’il ne s’était rien passé, c’est hors sol ! »

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