Najat Vallaud-Belkacem : « On manque d’inclusion » à l’école

Najat Vallaud-Belkacem : « On manque d’inclusion » à l’école

Souvent présentée comme la pierre angulaire du vivre ensemble, l’école a essuyé de nombreuses critiques ces dernières années : trop élitiste et excluante selon certains, trop conciliante et égalitariste selon d’autres. Mais quel rôle joue-t-elle vraiment pour le vivre-ensemble ? Faut-il la repenser, ou est-elle au contraire ce dont le reste de la société devrait s’inspirer ? Najat Vallaud-Belkacem et Mathieu Bock-Côté sont les invités de Jérôme Chapuis dans Un Monde en Docs pour répondre à ces questions.
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Par Hugo Ruaud

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L’école est au centre du modèle républicain français, universaliste et laïc, aujourd’hui en crise. Alors que certains décrivent notre société comme étant de plus en plus individualiste et archipelisée, l’école reste ce creuset, cette base commune à la fois symbole et vectrice de l’intégration et du vivre-ensemble. Pourtant, nombreux sont ceux qui considèrent désormais le vivre-ensemble non plus comme un horizon ultime, mais comme une illusion perdue. Mais faut-il incriminer l’école ?

L’école doit-elle être inclusive ?

Pas selon Mathieu Bock-Côté, sociologue québécois, pour qui l’école est la « seule institution commune, et a la responsabilité de transmettre une culture commune ». « Il est nécessaire et utile que l’école rappelle à ceux qui arrivent dans quelle société ils arrivent. Que c’est une société qui a son histoire, sa culture, que ce n’est pas une page blanche et que c’est la vocation du nouvel arrivant dans l’école de prendre le pli de la société qu’il embrasse ». Pour Najat Vallaud-Belkacem en revanche, l’école n’a pas été assez inclusive : « On ne crée pas de commun lorsque l’on a un discours qui - soit disant - s’adresse à tous les élèves, mais dont on sait pertinemment qu’il n’est compris que par une partie d’entre eux. Et même si les deux sujets sont distincts, c’est aussi ça qui conduit aux problématiques de ces élèves qui ne se sentent pas de place soit dans l’établissement scolaire, soit dans la société. Au fond, on manque d’inclusion » explique l’ancienne ministre de l’Education nationale.

L’école devrait donc s’adapter à la réalité de chacun, plutôt que de considérer les élèves comme un ensemble homogène, afin de ne laisser personne sur le bord de la route, que ce soit d’un point de vue scolaire ou civique. Sur la question du vivre-ensemble justement, la France a dû s’adapter au lendemain des attentats de 2015. Pour empêcher les jeunes générations d’être manipulées, ne vaut-il pas mieux qu’elles connaissent l’histoire des religions ? « Le fait religieux était présent depuis longtemps dans les programmes scolaires, mais les enseignants n’étaient pas suffisamment formés pour aborder ces sujets-là, comme pour les questions de laïcité. C’est pour cela qu’on a essayé d’améliorer ce point, » explique l’ancienne ministre de François Hollande.

« L’école n’est pas toute puissante, l’école ne peut pas tout faire »

Mais pour autant, l’école peut-elle tout faire ? « Aujourd’hui on a tendance à transférer vers l’école l’ensemble des fonctions d’intégration sociale qui étaient autrefois prises en charge par l’ensemble de la société. Donc plus la société tend à se décomposer, plus on demande à l’école de se transformer en super-machine à intégrer socialement. L’école n’est pas toute puissante, l’école ne peut pas tout faire », selon Mathieu Bock-Côté. Une idée que rejoint Najat Vallaud-Belkacem, pour qui l’école est bien sûre nécessaire, mais insuffisante pour garantir l’idée républicaine du vivre-ensemble : « Pour rendre service à l’école, le reste de la société - et les pouvoirs publics doivent y veiller - doit se mettre en conformité avec les valeurs de la république que l’on demande aux enseignants de transmettre. S’agissant des familles, les parents ont une approche de plus en plus consumériste vis-à-vis de l’école, un regard de plus en plus critique sur ce qui s’y fait ou ce qui ne s’y fait pas et donc beaucoup de récriminations à l’égard des enseignants… Je pense que tout cela nuit considérablement au crédit que les élèves accordent à l’école », et in fine au vivre-ensemble.

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