Océans, CO2, couche d’ozone… en 2021, plusieurs indicateurs clefs du réchauffement climatique s’emballent

Océans, CO2, couche d’ozone… en 2021, plusieurs indicateurs clefs du réchauffement climatique s’emballent

Un nouveau rapport de l’ONU pointe l’accélération du réchauffement climatique, à travers une série de chiffres records relevés en 2021. Interrogé par Public Sénat, le climatologue Jean Jouzel, ancien vice-président du Giec et médaille d'or du CNRS, nous aide à comprendre ces données.
Romain David

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L’Organisation météorologique mondiale (OMM) accroche ce mercredi 18 mai un énième wagon au train des alertes sur le réchauffement climatique. Cette institution, rattachée aux Nations Unies, a publié son rapport 2021 sur le climat, dont une version provisoire avait déjà été diffusée fin novembre, à l’ouverture de la COP-26. Ce document, qui compile les relevés de plusieurs agences climatiques et services météorologiques, présente une forme de complémentarité avec les travaux sur le long terme du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), en proposant un point d’étape annuel sur la situation climatique à l’échelle du globe.

L’OMM confirme que les sept dernières années ont été les plus chaudes jamais enregistrées par l’homme. En 2021, la température moyenne mondiale a dépassé d’environ 1,11 °c la moyenne préindustrielle mesurée sur la période 1850-1900, et qui sert généralement de référence pour mesurer le réchauffement climatique. Ce chiffre est légèrement inférieur à celui relevé en 2020 (+ 1,2°c). Pour rappel, l’Accord de Paris conclu en 2015 espère limiter le réchauffement de la planète en dessous de 1,5°c par rapport à l’ère préindustrielle. Un seuil dont le thermomètre mondial semble se rapprocher de plus en plus rapidement. « Tout indique que nous avons plus d’une chance sur deux de dépasser de façon provisoire ce chiffre d’ici 2030 », relève auprès de Public Sénat le climatologue Jean Jouzel, ancien vice-président du Giec.

Une année 2021 trompeuse

La Niña, un phénomène climatique à l’origine d’un refroidissement des eaux du Pacifique et d’une partie de l’hémisphère sud, explique la légère baisse des températures moyenne enregistrée l’année dernière. Ce qui n’a pas empêché deux régions du globe de battre des records de températures : le pourtour méditerranéen avec 48,8°c à Syracuse en Sicile, et la Californie avec 54,4°c dans la bien nommée Vallée de la Mort. Ainsi, le rapport de l’OMM montre que le dérèglement climatique a bien poursuivi sa course folle, puisque sur la seule année 2021 quatre indicateurs clefs de l’état du climat ont atteint des seuils inédits : la concentration dans l’atmosphère des gaz à effet de serre, l’élévation du niveau de la mer, la température et le taux d’acidification des océans.

Une concentration inédite des gaz à effet de serre

Malgré la mise à l’arrêt d’une large partie des activités industrielles et des transports un peu partout dans le monde, en raison de la pandémie de covid-19, l’année 2021 a vu les taux de gaz à effet de serre (dioxyde de carbone, méthane et protoxyde d’azote) rejetés dans l’atmosphère atteindre des niveaux inédits par rapport à l’ère préindustrielle, selon des relevés effectués à Hawaï et en Tasmanie. Ainsi, la concentration de dioxyde de carbone a augmenté de 150 % par rapport à l’ère préindustrielle, celle de protoxyde de 123 % et celle de méthane de 262 %.

« Ce sont sans doute les chiffres les plus marquants de ce rapport », commente Jean Jouzel. « Entre 2019 et 2020, avec les confinements, les émissions cumulées de CO2 ont baissé d’environ 7 milliards de tonnes. Il aurait fallu s’appuyer sur cette lancée, mais hélas la priorité climat passe après d’autres préoccupations. L’objectif était de relancer l’économie le plus rapidement possible, et pas nécessairement de façon vertueuse », soupire-t-il.

» Lire notre article - Climat : en Europe, « nous observons en miniature ce que nous connaîtrons, à plus grande ampleur, demain »

Dans la couche d’ozone, un trou de la taille de l’Afrique

Comme le rappelle, Petteri Taalas, le Secrétaire général de l’OMM, les gaz à effet de serre « piègent » la chaleur à la surface du globe. À cela s’ajoute la dégradation de la couche d’ozone, qui laisse passer les rayons ultraviolets. Si le protocole de Montréal adopté en 1985 a permis de réduire l’utilisation des chlorofluorocarbures qui détruisent l’atmosphère, la durée de vie de certains composants chimiques continue d’attaquer l’ozone. L’OMM a ainsi observé entre août et décembre 2021 une augmentation importante de la taille et de la profondeur du trou dans la couche d’ozone situé au-dessus de l’Antarctique, et qui a atteint une superficie de 24,8 millions de km2, une taille comparable à celle du continent africain. Il est désormais de 70 % plus étendu que ce qu’il était au moment des premiers relevés, à la fin des années 1970.

Aussi alarmante qu’elle puisse paraître, cette évolution a été modélisée depuis longtemps par la communauté scientifique, pointe Jean Jouzel. « On a commencé à maîtriser les émissions qui endommagent la couche d’ozone, mais pas encore les conséquences. D’autant qu’au pôle Nord, l’action des chlorofluorocarbures est favorisée par le vortex polaire et la circulation de particules de glace dans l’atmosphère. On ne reviendra à un niveau normal qu’au cours de la seconde partie de ce siècle », explique notre scientifique.

La montée des eaux accélère

L’augmentation moyenne du niveau des mers a elle aussi atteint un nouveau record en 2021. Entre 2013 et janvier 2022, cette hausse était de 4,5 millimètres par an. Un taux deux fois plus élevé que sur la période 1993-2002. L’accélération de la fonte des calottes glaciaires est à l’origine de cette augmentation, qui menace « les centaines de millions d’habitants des zones côtières et accroît la vulnérabilité face aux cyclones tropicaux », souligne le rapport de l’OMM. Si les relevés satellites montrent que la hausse du niveau des mers concerne l’ensemble du globe, certaines régions sont plus rapidement touchées que d’autres : le nord et le sud-ouest du Pacifique, le sud-ouest de l’océan Indien et l’Atlantique sud.

Température et acidification des océans : le thermostat de la planète au bord de la surchauffe

Là encore, la température moyenne des océans a dépassé en 2021 les niveaux, déjà records, de l’année 2020. L’eau se réchauffe jusqu’à 2 000 mètres de profondeur, voire plus à certains endroits, avec une augmentation d’environ 1°c sur la période 2006-2021 par rapport à la seconde moitié du XIXe siècle. Cette hausse s’est fortement accélérée au cours des vingt dernières années, et « il est prévu que cette tendance se maintienne, occasionnant un changement irréversible pendant plusieurs siècles, voire millénaires », alerte l’OMM.

Cette augmentation brutale du mercure menace de nombreux organismes sous-marins, qui n’ont pas le temps de s’adapter aux évolutions de leur milieu. Le corail, par exemple, est extrêmement sensible aux variations de température. Le rapport rappelle que les coraux sont une source de vie pour des millions d’organismes et contribuent à préserver certains archipels des tempêtes et de l’érosion.

La hausse de la concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère provoque aussi une acidification des océans. Souvent comparés à un thermostat géant, capable d’emmagasiner et de redistribuer la chaleur, les océans absorbent 90 % de l’effet de serre, mais également une part importante des émissions de CO2 liées à l’activité humaine, environ 23 % par an. « La réaction qui en résulte avec l’eau de mer entraîne une acidification des océans qui menace les organismes et les services écosystémiques, et compromet donc la sécurité alimentaire, le tourisme et la protection du littoral », note l’OMM. Par ailleurs, la diminution du ph de l’eau limite aussi ses capacités d’absorption. « La proportion de CO2 absorbée par les océans sera de moins en moins importante, alors qu’ils sont un allié important la lutte contre le réchauffement climatique », note Jean Jouzel.

Réfugiés climatiques

Parmi les autres évènements climatiques marquants de 2021 signalés par ce rapport, les fortes sécheresses enregistrées au Canada, aux Etats-Unis, en Iran, en Afghanistan, au Pakistan, en Turquie et au Turkménistan, avec un impact sur le niveau des lacs, des rivières et le rendement des cultures. Inversement : les inondations particulièrement violentes qui ont frappé durant l’été 2021 la Chine et une partie de l’Europe de l’Ouest (Allemagne, Belgique, Luxembourg et Pays-Bas).

Les aléas climatiques ont conduit à d’importants déplacements de population au cours de l’année, surtout en Asie. Selon un pointage réalisé en octobre : au moins 1,4 million de personnes avaient dû quitter leur foyer en Chine pour fuir la pluie et les inondations, plus de 664 000 au Vietnam, et plus de 600 000 aux Philippines.

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