« On ne peut pas ralentir la prévention des cancers du sein, à cause du Covid-19 » : la mise en garde de cette médecin rennaise

« On ne peut pas ralentir la prévention des cancers du sein, à cause du Covid-19 » : la mise en garde de cette médecin rennaise

Depuis le confinement, comme beaucoup de médecins Cécile Caubel a vu son activité chuter. Aujourd’hui à quelques semaines du déconfinement, cette « généraliste » alerte sur le risque de faire passer le dépistage du Covid-19 avant celui des autres pathologies. 
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Par Pierre Bonte-Joseph

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Quand elle a reçu le courrier, Cécile Caubel médecin généraliste à Pacé dans la banlieue de Rennes n’en est pas revenue. Mi Avril, dans un courriel adressé par le conseil de l’ordre des médecins, la direction générale de la santé a préconisé de suspendre la double lecture des mammographies utilisée dans le dépistage du cancer du sein et la suspension des frottis vaginaux pour dépister le cancer du col de l’utérus, pour ne pas encombrer les laboratoires. « On comprend la logique qui est de soulager l’activité des laboratoires au profit du dépistage du Covid-19, mais c’est pas raisonnable ! Dans certains cas de cancer du sein on est à un mois près… on a vraiment peur qu’il y ait une explosion des cas à la fin du confinement. Qu’il y ait des lésions plus graves. Alors on a décidé de continuer quand même en accord avec les labos »

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Adapter les règles, région par région

 

« Pourquoi appliquer ici les mêmes règles qu’en Alsace ? »

Pour cette médecin, la lutte contre le coronavirus, ne doit pas se faire au détriment de la santé des autres patients. Si elle dit comprendre qu’au début de l’épidémie, toutes les précautions soient prises, Cécile Caubel comprend mal que l’on n’adapte pas le dispositif de prévention à chaque région. « On n’a quasiment pas de cas ici. Au CHU de Rennes, les patients viennent de l’Oise. En quinze jours, j’ai eu une suspicion de Covid-19. On a dissuadé les gens de venir, on aurait pu continuer notre activité en adoptant les gestes barrières. »

Et la médecin de prendre comme exemple l’organisation allemande où les autorités sanitaires des « länder » adaptent les consignes en fonction de la situation régionale. « Pourquoi appliquer ici les mêmes règles qu’en Alsace ? En Bretagne, c’est vrai on a eu plus de temps pour se préparer, et le confinement a permis ici que la situation ne s’aggrave.»

 

 

 

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Une chute d’activité de 50%

 

Si le confinement a évité le pire, il a aussi fortement ralenti l’activité du cabinet : « au début du confinement la baisse d’activité a été brutale, on en a profité pour réorganiser nos locaux, tracer des lignes au sol, aménager nos horaires de consultation, mais très vite on s’est retrouvé face à une chute du nombre de consultation vertigineuse. J’ai fait les comptes on a 50% de patients en moins (…) Au début, les gens ont été tétanisés c’est normal, mais aujourd’hui qu’ils ne viennent plus on s’inquiète. On connaît l’histoire des familles, les couples dysfonctionnels, les problèmes d’addictions, les angoissés, les anxieux qu’on en voit plus. Dans quel état allons nous les retrouver ? »

Les vertus de la télé consultation

Dans l’intervalle, Cécile Caubel comme beaucoup de ses collègues s’est mise à la télé consultation. « Au départ j’étais très réservée, je ne pensais pas pouvoir faire de bons examens à distance. Aujourd’hui j’y vois beaucoup d’avantages. D’abord on garde un lien, et je suis heureuse quand je vois mes patients plus roses, moins essoufflés (…) et puis c’est vrai qu’on a moins l’habitude de se déplacer au domicile des gens, et là je rentre à nouveau dans leur intimité, je peux aussi me rendre compte du contexte. Parfois j’ai des bonnes surprises certains se mettent en scène, m’accueillent dans un décor choisi, au milieu de plantes vertes, et avec une belle lumière. »

Le retour de la bienveillance

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Au-delà de la crise sanitaire qui a bouleversé le pays, Cécile Caubel voit dans cette période resurgir une bienveillance disparue. « Dans ce coin chic proche Rennes on avait des personnes qui garaient leur ‘bagnole’, et qui nous prenaient de haut. À commencer par la secrétaire. Aujourd’hui il y a une attention aux autres qui s’exprime. Un retour de l’attention portée à l’autre. On nous demande souvent ‘comment allez-vous ?’, ‘prenez soin de vous’. Cette crise remet les choses à l’endroit. Je retrouve ce lien, cette attention qui avait tendance à disparaître. Si on pouvait en garder… un peu ce serait bien » conclut-elle un brin philosophe.

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