« Oui, il y a de la discrimination dans la police », assure devant le Sénat Christian Vigouroux

« Oui, il y a de la discrimination dans la police », assure devant le Sénat Christian Vigouroux

Mercredi 11 janvier, un rapport sur la lutte contre les discriminations dans l’action des forces de l’ordre en France a été présenté à la commission des lois du Sénat. Il pointe notamment la responsabilité de certains agents dans des propos et pratiques discriminatoires. Plusieurs pistes sont étudiées pour sanctionner les auteurs de ces délits.  
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Elles sont régulièrement documentées dans des enquêtes journalistiques. Elles sont aussi abondamment relayées sur les réseaux sociaux. Ces dernières années, force est de constater que la question des violences policières et les discriminations commises par des membres des forces de l’ordre, notamment au cours de manifestations, se sont imposées dans le débat public.

Si bien que le ministère de l’Intérieur a commandé un rapport pour mieux cerner la discrimination et la violence imputées aux policiers et aux gendarmes afin de lutter contre leur propagation. Ce rapport, porté par Christian Vigouroux et Florian Roussel, a été présenté au Sénat mercredi 11 janvier.

Renforcer la lutte contre les discriminations

« Oui, il y a de la discrimination dans la police », lance en préambule Christian Vigouroux. Ce haut fonctionnaire co-signe avec Florian Roussel le rapport sur la lutte contre les discriminations dans l’action des forces de l’ordre en France. « La question est comment la déceler et comment la traiter », poursuit le membre du Conseil d’État. En 2020, le Sénat s’était déjà saisi du sujet et des parlementaires avaient plaidé pour que les forces de l’ordre travaillent « dans les conditions les plus respectueuses de nos libertés ».

Plusieurs pistes sont évoquées dans le rapport afin de lutter contre les discriminations commises par les agents des forces de sécurité intérieure. À commencer par l’obtention de « données communes et consensuelles sur les discriminations commises par les forces de l’ordre », qui serait un outil essentiel pour endiguer ce type d’infractions, révèle le rapport Vigouroux-Roussel. Certaines initiatives sont déjà mises en place en ce sens par la police et la gendarmerie nationales. Ainsi, les forces de l’ordre « ont engagé différentes mesures de prévention et de sensibilisation et se sont par ailleurs efforcées de faciliter le dépôt des signalements », souligne le rapport.

Formations, ateliers de sensibilisation, rappels de la déontologie dans le maintien de l’ordre… Pour faire face à ces discriminations, notamment lors d’opérations de contrôle de police « le législateur est quant à lui intervenu pour faciliter l’établissement des faits dénoncés, en particulier par le recours aux caméras piéton », rappelle le rapport Vigouroux-Roussel. Cette disposition est prévue dans le cadre de la loi du 25 mai 2021 sur la sécurité globale.

Il y a mouvement qui sait ce que la nation doit aux forces de sécurité. À l’inverse, la deuxième tendance, c’est l’accusation.

« On applaudissait les forces de sécurité après les attentats »

La publication de ce rapport se fait à un moment de vives tensions entre les forces de l’ordre et certaines parties de la société civile. « On applaudissait les forces de sécurité après les attentats. Il y a mouvement qui sait ce que la nation doit aux forces de sécurité. À l’inverse, la deuxième tendance, et chacun de nous est un peu partagé selon les événements, c’est l’accusation », explique Christian Vigouroux devant plusieurs sénateurs. Il souligne « tout un courant dénonciateur qui dit des vérités qu’il faut prendre en compte », avant de citer deux exemples d’ouvrages traitant de faits de violences commis par des policiers. À savoir « Ne parlez pas de violences policières » des journalistes de Mediapart et « Violences policières », publié par l’avocat William Bourdon.

Présente au moment de la présentation de ce rapport, la sénatrice de Paris Esther Benbassa a réagi aux éléments rapportés par le duo Vigouroux-Roussel. La parlementaire juge que les discriminations au sein des forces de l’ordre sont « insupportables ». À commencer par la pratique du contrôle au faciès. Selon le rapport présenté au Sénat, 40 signalements pour dénoncer un délit de faciès lors d’une opération des forces de l’ordre ont été faits auprès de la police nationale entre mars 2019 et décembre 2020. « Je ne vois pas d’évolution. Caméra piéton ou pas, récépissé ou pas », fustige d’emblée l’élue. « Aujourd’hui, avec le mouvement woke, ces contrôles au faciès deviennent encore plus insupportables ».

Par le passé, l’État français a déjà été reconnu coupable de discrimination. Précisément en juin 2021, dans l’affaire de trois lycéens victimes d’un contrôle au faciès à la gare du Nord alors qu’ils revenaient d’un séjour linguistique avec leur établissement scolaire. Après la condamnation pour « faute lourde » de la Cour d’appel de Paris, l’État a dû verser 1 500 de dommages et intérêts aux trois plaignants, en réparation du préjudice moral subi.

Sans témoin ou enregistrement, la victime d’injures s’abstiendra souvent de toute démarche auprès de la police.

Encourager le signalement des discriminations auprès de la justice

Une fois que les paroles, les gestes ou les attitudes portant atteinte à l’intégrité d’une tierce personne sont identifiés, encore faut-il qu’ils soient signalés à la justice. Ce qui est rarement le cas, souligne le rapport. L’étude menée pointe notamment un constat dressé fin 2019 par l’ancienne garde des Sceaux Nicole Belloubet. « Il faut déplorer un très faible taux de signalement aux services de police et de gendarmerie des actes à caractère racistes. Selon certaines estimations, seulement 3 % des victimes d’injures racistes porteraient plainte », assurait alors l’ex ministre.

« Sans témoin ou enregistrement, la victime d’injures s’abstiendra souvent de toute démarche auprès de la police. De même, la personne qui a le sentiment de s’être vu refuser un emploi ou un logement du fait de son origine ethnique se sentira le plus souvent impuissante », souligne encore le rapport.

Selon Christian Vigouroux, ce faible signalement s’explique par une prise en charge des victimes pouvant être perçue comme insuffisante. « Il faut accueillir les victimes de discrimination sans les décourager, sans leur poser de question indiscrète autre que celles nécessitées par l’enquête », défend le co-auteur du rapport. Selon lui, cette réponse doit aussi venir de l’encadrement au sein même des forces de l’ordre. « Il est important d’avoir une réponse interne. Nous ne sommes pas de ceux qui disent que la justice fera ce qu’elle a à faire. Non. La première responsabilité d’un service administratif - la police et la gendarmerie en sont - c’est de faire leur propre police avec une hiérarchie exemplaire. »

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