Paris : la mixité sociale se maintient, la mixité scolaire se débat

Paris : la mixité sociale se maintient, la mixité scolaire se débat

Selon une étude de l’Apur et l’Insee défiant tous les préjugés, 48 % des parisiens vivent dans un quartier mixte qui mêle revenus faibles, intermédiaires et élevés. L’un des enjeux du gouvernement, encore débattu au Sénat, reste la mixité scolaire.
Public Sénat

Par Romain Ferrier

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« Tout afflue à Paris », écrivait Jean-Jacques Rousseau dans Emile ou de l’éducation. Si la capitale a pourtant perdu 123 000 habitants en 10 ans, elle conserve une mixité sociale à toute épreuve. « Près de la moitié (48 %) des Parisiens résidant dans un quartier considéré comme mixte. Cette mixité est principalement portée par les arrondissements de l’Est parisien, les 10e, 11e, 12e, 13e, 18e, 19e et 20e arrondissements » détaille l’étude. La ségrégation est d’ailleurs plus forte dans la Métropole du Grand Paris, regroupant 131 communes, où 37 % des habitants vivent dans un quartier mixte. Cela s’explique par un « embourgeoisement » de certains quartiers, tels qu’Issy-les-Moulineaux, Boulogne-Billancourt, Vanves, Puteaux, Suresnes, Levallois-Perret et La Garenne-Colombes. « Les communes accueillant une population aisée attirent toujours plus de cadres et de ménages à hauts niveaux de revenus. L’augmentation des prix de l’immobilier exclut progressivement les catégories modestes » dépeint l’Apur.

A l’inverse, certains quartiers comme le Bourget, Sevran, Blanc-Mesnil, Drancy ou Villepinte subissent un phénomène de « paupérisation ». Faisant reculer la mixité, il est lié « à l’installation de ménages disposant de revenus moins élevés, voire à la baisse des revenus des ménages déjà installés (pertes d’emploi, emplois précaires, retraites) et du départ de ménages aisés ». A la suite de la publication de cette étude, une table ronde a été organisée le 15 février en partenariat avec l’Insee et l’Ecole urbaine de Sciences Po, regroupant de nombreux sociologues autour de ces sujets.

Cependant, ces tendances pourraient évoluer dans les années qui viennent avec « la mise en service du Grand Paris Express, les aménagements liés aux Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, l’ensemble des projets urbains et les politiques de lutte contre les inégalités socioterritoriales ».

« L’école a un rôle particulier à jouer dans notre société, celui de casser ce séparatisme social »

Malgré les chiffres prometteurs, avec une faible progression de la ségrégation à Paris, ils restent à nuancer, notamment dans le milieu scolaire. « La proximité résidentielle ne se traduit pas nécessairement par une proximité en termes d’interactions sociales, ce que montrent notamment les enjeux en matière de mixité scolaire » rappelle l’étude. Conscient de ces enjeux, le ministre de l’Education Pap Ndiaye souhaite réformer les collèges, « l’homme malade du système », en favorisant la mixité sociale. Un « éventail d’actions » serait à venir, alors que l’enseignant-chercheur déjà est acculé par la crise des recrutements et la revalorisation salariale des professeurs.

Présent sur le plateau de Public Sénat dans Un monde en doc le 24 septembre 2022, le sénateur de l’union centriste Laurent Lafon alertait déjà sur les enjeux de l’école dans la mixité sociale. « Nous savons très peu ce qui se passe dans les écoles, on se base sur des choses objectives, comme les résultats au bac, mais il y a bien d’autres choses qui se jouent, comme la notion d’autorité, le respect ou les préjugés ». Le sénateur du Val de Marne a tenu à rappeler que le choix d’école des parents constituait aussi un marqueur de déterminismes sociaux, une donnée en accord avec l’étude, qui ajoute l’offre scolaire et la proximité des lieux d’emploi à la liste de ces marqueurs. Toujours sur Public Sénat, le professeur d’Histoire et directeur de l’observatoire de l’éducation Fondat Iannis Roder affirmait d’ailleurs que « l’école a un rôle particulier à jouer dans notre société, celui de casser cet archipel français, ce séparatisme social ».

Au Sénat, la mixité et la ségrégation sociale seront débattues le soir du mercredi 1er mars, en séance plénière, sur la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER). Après une introduction de 8 minutes du groupe sénatorial et une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente, se tiendra l’habituel échange de 16 questions-réponses. Reste à espérer que la ségrégation ne se fasse pas sur les bancs du Parlement.

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