Plateformes internet : un rapport du Sénat demande la publication des algorithmes

Plateformes internet : un rapport du Sénat demande la publication des algorithmes

A quelques jours du début de la présidence française de l’Union européenne, un rapport sénatorial émet une série de propositions pour la régulation du numérique. Leurs auteurs demandent notamment de rendre publics les algorithmes afin de rechercher si des risques potentiels existent pour les droits fondamentaux. 
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Il faut remonter à 2000 pour trouver trace de la dernière réglementation européenne du marché unique numérique (la directive sur le commerce électronique). « Ce texte applique le régime de responsabilité pour les plateformes. A l’époque, c’était une économie émergente, les réseaux sociaux n’existaient pas, il ne fallait pas faire peser des charges trop lourdes sur les acteurs émergents. Depuis 2013, le Sénat n’a cessé d’alerter sur la nécessité de rouvrir la directive e-commerce. On nous répondait qu’il s’agissait d’un combat d’arrière-garde », tient à rappeler Catherine Morin-Desailly, co-auteure du rapport et grande spécialiste des sujets numériques à la Chambre haute.

Présenté aux Etats membres en décembre 2022, le « Digital Services Act » (DSA), un règlement sur les services numériques qui prévoit d’encadrer l’utilisation des algorithmes, doit être adopté par les Etats membres en 2022. Le rapport du Sénat tel « un aiguillon » visant l’exécutif Français qui prendra la tête de la présidence de l’Union européenne en janvier, propose de renforcer le régime de responsabilité des hébergeurs.

Florence Blatrix Contat, sénatrice socialiste, co-auteure du rapport, reconnaît que si les « progrès du texte sont bien réels », » un certain nombre de dispositions doivent être renforcées ».

Pour mémoire, le projet de règlement du DSA créé un mécanisme électronique de notification et d’action harmonisé à l’échelle de l’Union. Il permet d’engager plus facilement la responsabilité des hébergeurs, s’ils ne retirent pas rapidement un contenu illicite dûment notifié.

« Publication des algorithmes »

« Le modèle économique des grandes plateformes repose sur l’exploitation par des algorithmes, aussi puissants qu’opaques, de très grandes quantités de données - en particulier de données à caractère personnel », soulignent les sénatrices dans leur rapport.

A l’image de l’évaluation des risques avant la mise sur le marché d’un médicament, les élues demandent que les algorithmes soient rendus publics « aux fins de recherche par des tiers des risques potentiels pour les droits fondamentaux, avant leur première utilisation et après chaque modification substantielle ». Les plateformes devraient également se voir imposer des « audits réguliers des algorithmes autoapprenants ».

>> Lire notre article: La lanceuse d’alerte Frances Haugen auditionnée au Sénat : une plongée glaçante dans l’arrière-cuisine de Facebook

« Désactivation par défaut des systèmes de publicité ciblée et de recommandations de contenus »

Le rapport prévoit une série de préconisations visant à encadrer les algorithmes : la mise en place de normes minimales en matière d’éthique et de respect des droits fondamentaux, obligatoires pour tous les algorithmes, dès leur création, ou encore la désactivation par défaut des systèmes de publicité ciblée et de recommandations de contenus.

« On doit prendre en compte le rôle des algorithmes dans la sélection des contenus. Sur cette question on n’avance pas, car il touche à la liberté d‘expression, ce rapport a pour objectif de cranter le débat », insiste Catherine Morin-Desailly avant d’inviter une nouvelle fois le gouvernement à reprendre ses propositions.

« Afin de protéger au maximum la liberté d’expression, et se concentrer sur la lutte contre la viralité des contenus illicites », le rapport invite « les plateformes à d’emblée réduire la visibilité des contenus signalés, si leur caractère illicite n’est pas manifeste pas encore ».

Le Digital Service Act prévoit des « obligations renforcées, en raison des risques sociétaux systémiques » pour les très grandes plateformes, comptant plus de 45 millions d’utilisateurs mensuels au sein de l’Union. Le Sénat propose d’y inclure « les très grands moteurs de recherche » et de confier la mesure du nombre d’utilisateurs « à des tiers certifiés plutôt que de se fonder sur les chiffres fournis par les plateformes ».

En conclusion, les élus rappellent l’urgence, pour l’Union, « à établir un cadre efficace de lutte contre les contenus illicites et préjudiciables en ligne, propre à constituer un référentiel au niveau mondial ».

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