PMA : un groupe de travail bicaméral pour déminer le terrain ?

PMA : un groupe de travail bicaméral pour déminer le terrain ?

L’Élysée souhaite constituer un groupe de travail réunissant des parlementaires des deux chambres, et de toutes les tendances, pour préparer le projet de loi qui révisera les actuelles lois de bioéthique.
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Il était secrétaire général de l’Élysée au moment des débats virulents sur le mariage pour tous en 2013. Plus tard, lorsqu’il était encore en campagne électorale, Emmanuel Macron avait affirmé, en parlant des adversaires du mariage homosexuel, qu’une « partie du pays » avait été « ignorée », voire « humiliée » lors de cette séquence.

À la veille de l’ouverture de la révision des lois de bioéthique, le président de la République veut éviter que le débat ne s’enflamme à nouveau autour de ces questions sociétales. Une seule chose est certaine sur le projet de loi qui sera discuté au Parlement début 2019 : l’extension de la procréation médicalement assistée (PMA), aux couples de femmes ou aux femmes célibataires, figurera bien dans le texte.

Mais cette promesse de campagne présidentielle ne fait pas l’unanimité dans la classe politique. Selon le JDD et L’Opinion, l’Élysée aurait un plan pour préparer le terrain : encourager la formation  d’un groupe de travail commun aux deux chambres du Parlement, regroupant des élus de toutes les sensibilités politiques, pour travailler sur le projet de loi.

Une commission pour associer en amont les parlementaires

Emmanuel Macron devrait soumettre prochainement cette idée au président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, et à celui du Sénat, Gérard Larcher. Les deux hommes ont d’ailleurs prévu de s’entretenir ce mercredi matin à la présidence du Sénat.

Selon une source proche de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale contactée par Public Sénat, c’est bien une instance de type bicaméral que l’exécutif aimerait mettre sur pied. D’après l’Opinion, l’objectif est « d’apaiser » le débat et surtout d’offrir la possibilité aux parlementaires de travailler « en amont » de la présentation du texte en Conseil des ministres, prévue avant la fin de l’année.

Problème : l’agenda des commissions des Affaires sociales des deux chambres du Parlement est bien rempli en novembre, à cause de l’examen – comme chaque année – du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Un proche d’un député de la majorité estime qu’il est peu probable qu’une telle instance engage ses travaux avant le dépôt du texte en Conseil des ministres. « Si c’était en novembre, on nous aurait avertis », nous indique-t-il.

Scepticisme dans la majorité de droite au Sénat

Les sénateurs membres du groupe La République en marche que nous avons rencontrés ce mardi semblent en tout cas ne pas être mis dans la confidence. Dans les rangs de la majorité de la droite et du centre, plusieurs cadres doutent de la réalité de ce dispositif de travail. L’un des piliers du groupe Les Républicains, opposé à la PMA s’interroge quant à lui sur l’utilité de cet outil. « L’idée d’un compromis sur une question dont la réponse est soit oui, soit non, est une idée fausse », balaye-t-il.

Au micro de Sénat 360, le président de la commission des Lois, Philippe Bas, craint que ce procédé ne mette en cause l'indépendance du travail législatif. « Sur des questions comme celles-ci, il nous paraît fondamental que le débat parlementaire soit libre, et non pas encadré par une sorte d’emprise qu’exercerait le pouvoir exécutif sur la préparation du débat parlementaire », réagit-il.

PMA : « Il nous paraît fondamental que le débat parlementaire soit libre », réagit Philippe Bas
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Propos recueillis par Tâm Tran Huy

Le travail engagé ces derniers mois dans les deux chambres du Parlement – dans le cadre de commission réunissant tous les groupes – a aussi de quoi susciter quelques réserves sur l’apport d’un éventuel nouveau groupe de travail. Au Sénat, la commission des Affaires sociales a multiplié cet été les auditions sur le sujet. À l’Assemblée nationale, une mission d’information a été constituée en juillet, sous la pression du député (LR) Xavier Breton. Là aussi, des auditions, parfois tendues, s’enchaînent, et devraient se conclure en décembre.

Et c’est sans compter les travaux de l’OPECST (l’office parlementaire des choix scientifiques et techniques), qui a remis le 18 octobre son rapport sur la révision des lois de bioéthique (relire notre article), avec une semaine de retard, à cause de l’absence de consensus. Notons que l’OPECST, contrairement à la mission de travail dont rêve l’exécutif, dispose, lui, d’une assise formelle, car il a été créé par une loi en 1983.

À gauche, l’hypothèse d'un nouveau groupe de travail transpartisan, réunissant députés et sénateurs, est accueillie « favorablement ». « Tout ce qui peut permettre d’associer le Parlement à des réflexions sociétales, j’y suis naturellement pour », réagit Patrick Kanner, le président du groupe socialiste au Sénat, qui met toutefois en garde contre une « tentation » du gouvernement. « La seule condition, c’est que ne soit pas une commission pour enterrer et retarder l’évolution de la société », sourit-il.

PMA : Patrick Kanner met en garde contre la "tentation" de retarder la promesse du gouvernement
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Images : Jordan Klein

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