Pollution : un rapport parlementaire pointe « la dérive de la production exponentielle » de plastiques

Pollution : un rapport parlementaire pointe « la dérive de la production exponentielle » de plastiques

Ce lundi, l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) remettait les conclusions d’un rapport alarmant sur la pollution plastique. Estimée à 438 tonnes en 2018, la production de plastiques devrait doubler d’ici 2050.
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« Chaque minute c’est l’équivalent d’un camion-poubelle de déchets plastiques qui se déverse dans les océans » alerte le rapport de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) intitulé « Pollutions plastiques : une bombe à retardement ? » Fruit d’un an de travail, 139 auditions (chercheurs, filières industrielles, pouvoirs publics, associations environnementales), ce document qu’ont présenté, ce lundi, les deux rapporteurs de la mission, la sénatrice socialiste, Angèle Préville et le député MoDem, Philippe Bolo dresse un tableau sombre des conséquences pour l’environnement et la santé humaine et animale, de la frénésie de production de plastiques.

Troisième matériau fabriqué dans le monde après le ciment et l’acier, la production de plastique, évaluée à 438 tonnes en 2018 devrait même doubler d’ici 2050. Le plastique ou plutôt les plastiques sont omniprésents. Matière constituée d’un ou plusieurs polymères, ils sont classés en fonction de leurs propriétés : les thermoplastiques malléables sous l’effet de la chaleur (80 % de la consommation de plastiques) et les thermodurcissables qui ne peuvent plus être fondus pour être réutilisés et ne sont donc pas recyclables. En fonction de leur taille, les macroplastiques supérieurs à 5 millimètres, les microplastiques (inférieurs à 5 millimètres) ou les nanoplastiques, une pollution invisible sur laquelle les recherches sont encore incomplètes, mais qui sont « susceptibles de pénétrer dans l’ensemble des organes en traversant la barrière intestinale lorsqu’elles sont ingérées ou la barrière pulmonaire lorsqu’elles sont inhalées […] Par exemple, l’érosion des pneumatiques libérerait chaque année 5,86 millions de tonnes de particules. » rappelle le rapport.

1,4 million d’oiseaux et 14 000 mammifères seraient retrouvés morts chaque année

80 % de la pollution plastique des mers et des océans seraient liés aux activités humaines terrestres, 20 % par les activités marines. 640 000 tonnes de filets de pêche seraient abandonnées chaque année dans les océans au niveau mondial. « On estime que 1,4 million d’oiseaux et 14 000 mammifères seraient retrouvés morts chaque année en raison de l’ingestion de nanoplastiques » a souligné Angèle Préville.

« Les plastiques qui, à l’origine, étaient conçus comme des matériaux résistants et de longue durée, ont été, paradoxalement de plus en plus utilisés pour des usages uniques et de courte durée. Il y a eu une dérive. La forte croissance de la production est tirée par l’essor du secteur de l’emballage […] Il en résulte que 81 % des plastiques mis en circulation actuellement deviennent des déchets au bout d’une seule année » a souligné Angèle de Préville.

Etiquetage obligatoire des vêtements en tissus synthétiques

La sénatrice a qualifié de « fuite en avant » cette « croissance exponentielle ». Pour appuyer son propos, Angèle Préville a pris l’exemple de l’industrie textile où les fibres naturelles sont de moins en moins importantes. « En 2016, 62,1 millions de tonnes de fibres synthétiques ont été produites (deux-tiers du marché). Le relargage (provoqué par le lavage) de fibres textiles dans l’environnement est évalué au niveau européen entre 18 000 et 46 000 tonnes par an. Sont ici particulièrement visés, les tissus polaires.

Parmi leurs recommandations, les rapporteurs demandent de rendre obligatoire, par voie d’étiquetage, l’affichage d’une mention « relargue des microfibres dans l’environnement » pour tous les textiles à base de fibres plastiques.

Les parlementaires préconisent, également, une sensibilisation des citoyens à la pollution plastique, comme par exemple, intégrer dans les parcours scolaires au moins une opération de ramassage de déchets. Mais c’est surtout sur les flux et les fuites de ces matériaux dans l’environnement que les élus souhaitent agir.

« Ne pas tomber dans le plastique bashing »

« C’est la hiérarchisation des plastiques qui pose problème. Il est important de ne pas tomber dans le plastique bashing. Malgré tout, ces matériaux nous ont apporté des vrais avantages […] Cette hiérarchisation passe par différents critères […] » a souhaité rappeler Philippe Bolo qui cite : la qualité du plastique, sa durée de vie, l’évitabilité, et la substituabilité.

Autre recommandation, celle de l’évaluation des politiques publiques. « Il s’agit de vérifier que les dispositions que nous prenons notamment vis-à-vis de la pollution plastique, se concrétisent effectivement. Il y a trois choses à vérifier : que les décrets d’application soient bien pris, qu’ils le soient dans des délais acceptables et que l’esprit des décrets est bien celui de ce que nous avons débattu » a appelé le député MoDem.

Loi antigaspillage : « Un petit début »

A ce sujet, la loi antigaspillage, votée fin 2019, et qui interdit les emballages plastiques à usage unique à l’horizon 2040 a été qualifiée de « petit début » par les co-rapporteurs. « Il y a bien plus à faire […] cela dit étape par étape des choses vont se mettre en place […] mais j’aurais voulu qu’on aille bien plus loin » rappelle Angèle Préville. Pour mémoire, lors de l’examen du texte les sénateurs avaient adopté une série d’amendements comme visant à inscrire l’obligation de « réparabilité » des appareils, y compris électroniques ou encore l’interdiction des suremballages plastiques (voir nos articles ici et ici).

« Ce rapport a pour but de donner du grain à moudre pour la préparation de prochains débats parlementaires. Il y a urgence. Il faut réduire la production. Il y aura des étapes forcement difficiles dans le cours des opérations » a conclu le président de l’OPECST, Cédric Villani.

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