Précarité menstruelle : « C’est un sujet majeur de santé publique » estime Annick Billon

Précarité menstruelle : « C’est un sujet majeur de santé publique » estime Annick Billon

Alors qu’intervient la journée mondiale de l’hygiène menstruelle, les problématiques liées aux règles persistent, notamment pour les femmes les plus précaires.
Public Sénat

Par Jules Fresard

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Selon les estimations, c’est un sujet qui concerne chaque jour près de 800 millions de femmes dans le monde, mais qui reste un tabou majeur. Les règles, en France comme ailleurs, malgré leur arrivée progressive dans le débat public, constituent toujours un facteur d’exclusion sociale important, sources d’inégalités et de précarité.

En ce vendredi 28 mai, journée mondiale de l’hygiène menstruelle, deux études viennent illustrer l’ampleur du phénomène. Selon un sondage Ifop pour Intimina, 87 % des femmes ayant déjà eu leurs règles, soit près de neuf sur dix, ne souhaiteraient plus les avoir. Quant à l’association Règles Élémentaires, elle fait état, en France, de 20 % de femmes ayant déjà été confrontées à la précarité menstruelle, qui renvoie aux difficultés financières pour se procurer des protections périodiques.


« C’est un sujet très important, on estime à un peu moins de 2 millions de femmes concernées, ce qui est considérable. C’est un sujet majeur de santé publique », déclare Annick Billon, sénatrice centriste de la Vendée et présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les femmes et les hommes. Patricia Schillinger, sénatrice LREM du Haut-Rhin a, elle, publié un rapport intitulé « Changeons les règles », remis en 2019 à Marlène Schiappa et abordant la question de la précarité menstruelle. Elle se fait l’écho de situations dramatiques qu’elle a pu constater. « Ça me crève le cœur quand j’entends des femmes dire utiliser des chaussettes, qu’elles bourrent de ouate, ou bien qu’elles découpent des draps pour se faire des protections ».

Un facteur d’inégalités important

Ce problème de la précarité menstruelle est de plus en plus pointé du doigt par certaines associations et personnalités politiques. Et pour cause. L’enquête réalisée par Opinionway pour Règles Élémentaires estime ainsi que 11 % des femmes interrogées ont déjà été directement confrontées à cette difficulté, quand 10 % connaissent une personne faisant face au problème.

Et certains publics sont plus touchés que d’autres, comme les personnes sans domicile fixe, mais aussi les étudiantes. Une enquête publiée par la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE) en février fait état, parmi les 6 518 personnes interrogées, de 33 % ayant besoin d’une aide financière pour se procurer leurs protections périodiques. Avec des coûts allant de 5 à 10 euros par mois pour les seules protections, à laquelle viennent souvent se rajouter des dépenses annexes (antidouleurs, achats de literie…) pouvant grimper jusqu’à 20 € par mois.

« Les femmes qui souffrent de précarité sociale souffrent également de précarité menstruelle, avec la difficulté de se procurer ces produits qui coûtent un certain prix. Notamment pour les étudiantes, qui avec l’année que l’on vient de vivre, connaissent une situation économique aggravée. Cela démontre qu’il y a urgence pour des avancées sur le sujet », analyse Annick Billon.

Des mesures prises en ce sens par le gouvernement et les collectivités

Face à cette problématique, le gouvernement, dont la grande cause du quinquennat est la réduction des inégalités entre les hommes et les femmes, a mis sur les rails certaines mesures pour tenter d’enrayer cette précarité. En février, Frédérique Vidal, la ministre de l’Enseignement supérieur, annonçait la mise en place de distributeurs gratuits de protections hygiéniques sur les campus français. « La précarité menstruelle est un enjeu collectif et une véritable question de dignité, de solidarité et de santé. Il est inacceptable qu’en 2021, on doive choisir entre se nourrir et pouvoir se protéger », déclarait à l’époque la ministre.

Des distributeurs gratuits ont été mis en place dans les résidences CROUS et les services de santé universitaire, et dès la rentrée prochaine, tous les campus français devraient être équipés de ces mêmes distributeurs.

Une initiative qui fait écho au rapport de Patricia Schillinger, où elle préconisait notamment de « faciliter l’accès aux protections périodiques par le libre-service dans les lieux recevant des femmes précaires : dans les centres d’accueil de jour, les centres d’hébergement d’urgence, les hôtels sociaux, ou encore les banques alimentaires ».

Annick Billon se réjouit de cette annonce, mais appelle à la généraliser, « notamment dans les transports ». La sénatrice souligne les initiatives prises par les collectivités locales, qui œuvrent également dans ce domaine. « Je reste persuadée qu’il faut avancer sur cette problématique. Des régions et des associations se sont emparées du sujet. La Jeune chambre économique de Laval entend distribuer des culottes menstruelles dans les collèges et lycées de Mayenne. C’est une excellente initiative ».

En Île-de-France, la région a annoncé sa volonté d’équiper de distributeurs gratuits durant le printemps les 465 lycées publics qu’elle a à sa charge. La ville d’Annecy a entamé une démarche similaire, en installant ces mêmes distributeurs dans les locaux de l’université Savoie-Mont-Blanc, au Bureau d’information jeunesse et dans les locaux de la mission locale.

Pour Patricia Schillinger, l’éducation a également son rôle à jouer. « On découvre que de nombreuses jeunes filles n’ont pas les bonnes informations. Tout cela doit faire partie de l’enseignement. Ce sont des thèmes qu’il faut aborder et répéter pendant le cursus scolaire. Dans les écoles, il faut mettre à disposition du savon, de quoi s’essuyer les mains, des poubelles. Dans certains collèges et les lycées, j’ai eu des retours, où on me disait fermer les toilettes pendant les récrés. Ce n’est pas acceptable ».

Dans le monde, la gratuité fait son chemin

Ailleurs, des dispositifs à plus grande échelle ont déjà été mis en place. C’est le cas en Écosse, où le 24 novembre dernier, les députés ont voté une disposition qui vise à inscrire dans la loi le droit d’accéder gratuitement à des serviettes et des tampons. Coût de l’opération, 11 millions d’euros.

Le Sri Lanka, où la problématique de la précarité menstruelle est majeure, et où de nombreuses écoles ne sont encore pas équipées de toilettes, a décidé de distribuer des protections périodiques aux écolières, afin de lutter contre l’absentéisme dû aux règles.

Une journée mondiale de l’hygiène menstruelle qui intervient alors que de nombreuses problématiques ne sont pas encore réglées, et qui méritent d’être abordées tout au long de l’année estime Annick Billon. « Aborder des problématiques de santé de manière genrée est extrêmement utile, pour les femmes et leur bien-être ».

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