Reprise des cérémonies religieuses : entre prudence et satisfaction chez les croyants

Reprise des cérémonies religieuses : entre prudence et satisfaction chez les croyants

Saluée par la Conférence des évêques de France, la décision du Conseil d’État qui donne 8 jours au gouvernement pour assouplir l’interdiction des cérémonies religieuses, pose question sur sa mise en œuvre. Juifs et musulmans appellent à la prudence.
Public Sénat

Temps de lecture :

6 min

Publié le

Mis à jour le

Hasard du calendrier, cette année la Pentecôte et la Chavouot (Pentecôte en hébreu) tombe à la même période, la fin du mois de mai. Pour autant, la décision du Conseil d’État qui a jugé lundi qu’en période de déconfinement, l’interdiction des célébrations religieuses en vigueur depuis le 15 mars, « portait une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de culte » ne recueille pas le même enthousiasme parmi les représentants des religions du Livre. « Nous n’étions pas particulièrement demandeurs de la levée de l’interdiction. Nous nous étions pliés à la guidance des pouvoirs publics. C’était plutôt une demande des catholiques à l’approche de la Pentecôte » explique l’entourage du grand rabbin de France, Haïm Korsia.

Le gouvernement a 8 jours pour revoir sa copie

Saisi en référé par plusieurs associations catholiques comme Civitas, ou encore le Parti chrétien démocrate, le juge administratif a donné 8 jours au Premier ministre pour prendre « les mesures strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus (…) pour encadrer les rassemblements et réunions dans les établissements de culte ». Dans un communiqué, la Conférence des évêques de France (CEF), qui n’a pas pris part au recours, « prend acte de l’ordonnance rendue par le juge des référés du Conseil d’État » (…) « Cette ordonnance va dans le sens de la lettre écrite par le Président de la Conférence des évêques de France, Mgr Eric de Moulins-Beaufort, au Premier Ministre ».

En effet, dès la fin avril, les évêques de France avaient demandé à Matignon de pouvoir reprendre à la sortie du confinement, les activités ecclésiales comme les messes dominicales en s’engageant à respecter les conditions nécessaires comme « un taux limite de remplissage des églises, port du masque, manière de communier… ». « La prière n'a pas forcément besoin de lieu de rassemblement » avait répondu le 3 mai, Christophe Castaner, dans l’émission le Grand Jury sur LCI.

Le lendemain, devant le Sénat, Édouard Philipe avait, toutefois ouvert la porte à une reprise des cérémonies religieuses à la fin du mois de mai « à condition que la situation sanitaire ne se dégrade au cours des premières semaines de levée du confinement ». « Je sais que la période du 29 mai au 1er juin correspond, pour plusieurs cultes, à des fêtes ou à des étapes importantes du calendrier religieux » avait-il souligné.

 

« Cette décision a le mérite de faire parler ces associations catholiques »

« Je comprends que l’interdiction absolue des cérémonies religieuses  a fait monter dans les tours certaines associations catholiques. Mais d’un autre côté, le Conseil d’État juge que les cérémonies pourraient se tenir dans la mesure où il y a moins de 20 personnes comme c’est autorisé actuellement pour les cérémonies funéraires.  Je suppose que pour les requérants, ce n’est pas satisfaisant non plus. Toute la difficulté est de trouver un équilibre entre la liberté de culte et le droit à la vie » remarque la sénatrice Françoise Laborde, ancien membre de l’Observatoire de la laïcité avant d’ajouter : « Cette décision a au moins le mérite de faire parler ces associations catholiques ».

Par cette ordonnance du Conseil d’État, le gouvernement est désormais contraint de prendre « des mesures d’encadrement moins strictes ». « Une bonne nouvelle pour la liberté de culte qui est un droit fondamental » s’est félicité le patron des sénateurs LR sur Twitter, Bruno Retailleau.

« Les consignes sanitaires vont être très difficiles à faire appliquer et surtout à faire respecter. N’oublions pas que l’un des principaux clusters de l’épidémie était un rassemblement religieux évangélique de Mulhouse » s’inquiète au contraire, la sénatrice LR du Val d’Oise, Jacqueline Eustache-Brinio.

« Il faut faire appel à la responsabilité des ministres du culte »

Pour le sénateur centriste du Haut-Rhin l’un des épicentres de l’épidémie, Jean-Marie Bockel, la décision du Conseil d’État « est nuancée ». « Autant la position stricte du gouvernement était adaptée pendant le confinement, autant elle ne l’est plus en période de déconfinement. Des mosquées, des synagogues, des églises sont assez vastes pour faire appliquer les consignes sanitaires. Il faut faire appel à la responsabilité des ministres du culte qui, en lien avec les préfets, parviendront à ne pas reproduire la situation que l’on a connue lors de ce rassemblement évangéliste » estime-t-il.

La semaine dernière, le président du CFCM (Conseil français du culte musulman), Mohammed Moussaoui, était auditionné au Sénat dans le cadre de la mission de suivi de la loi d’urgence sanitaire. « Je peux vous dire qu’il n’était pas pressé de rouvrir les mosquées » explique la Jacqueline Eustache-Brinio.

« Quasiment impossible de désinfecter une mosquée après chacune des cinq prières journalières »

Dans une tribune en date du 9 mai, Mohammed Moussaoui expliquait partager « la vision prudente et réaliste » des pouvoirs publics et évoquait bon nombre de difficultés à la réouverture des mosquées. « Comment maîtriser les effectifs dans l’absence de tout moyen de régulation ? (…) « La désinfection des lieux après chaque cérémonie, implique une restriction du nombre de prières à célébrer par jour et empêcherait le dédoublement des services. Il serait quasiment impossible de désinfecter une mosquée après chacune des cinq prières journalières. L’adoption des tapis de prière individuels ne serait pas une protection suffisante. Les murs et autres surfaces doivent être aussi désinfectés. Quid du coût de cette désinfection et des effets secondaires d’une exposition prolongée des fidèles aux produits utilisés ? » s’interrogeait-il.

« Ces difficultés liées à la logistique vont forcément altérer la pratique du culte » explique-t-on du côté du grand rabbin de France. « Pendant Chabbat, si vous êtes un juif très observant, vous ne pouvez pas porter un objet donc vous ne venez pas à la synagogue avec votre livre de prière. On n’utilise pas non plus l’électricité ce qui rend tout système de visio-conférence impossible. Les gens sont pressés de retourner à la synagogue mais il ne faut pas se précipiter et prendre toutes les précautions possibles » appuie l’entourage d’ Haïm Korsia.

 

 

Dans la même thématique

Majorité numérique à 15 ans : « La problématique, c’est le système pour vérifier l’âge »
5min

Société

Majorité numérique à 15 ans : « La problématique, c’est le système pour vérifier l’âge »

Dans son discours sur l’Europe à la Sorbonne, Emmanuel Macron a appelé à reprendre le contrôle sur les contenus en ligne et à protéger la jeunesse des contenus dangereux. Pour Olivia Tambou, maître de conférences, la clé d’une telle réglementation au niveau européen réside dans la vérification de l’âge. La sénatrice Catherine Morin-Desailly appelle à une réflexion plus globale sur les usages et la formation.

Le

Police operation de lutte contre les depots sauvages a Nice
5min

Société

Couvre-feu pour les mineurs : quel pouvoir pour les maires ?

La décision de Gérald Darmanin d’instaurer un couvre-feu pour les mineurs en Guadeloupe inspire les maires de métropole. À Béziers, la mesure est en vigueur depuis lundi. À Nice, Christian Estrosi songe aussi à la mettre en place. Dans quelle mesure les maires peuvent-ils restreindre la liberté de circuler ?

Le

Manifestation contre les violences sur les mineurs, Toulouse
4min

Société

Relaxe d’un homme accusé de violences familiales : le droit de correction invoqué par les juges est « contraire à la loi »

Ce 18 avril, la cour d’appel de Metz a relaxé un policier condamné en première instance pour des faits de violences sur ses enfants et sa compagne. Dans leur arrêt, les juges ont indiqué qu’un « droit de correction est reconnu aux parents ». Une décision qui indigne la sénatrice Marie-Pierre de la Gontrie, rapporteure d’une proposition de loi qui interdit les « violences éducatives » depuis 2019.

Le