Retour aux 90 km/h : « Le gouvernement fait tout pour bloquer » dénonce Michel Raison

Retour aux 90 km/h : « Le gouvernement fait tout pour bloquer » dénonce Michel Raison

Une circulaire du 15 janvier permet aux départements qui le souhaitent de revenir à la limitation de vitesse de 90 km/h sur certains tronçons. Pour le sénateur LR, Michel Raison, co-auteur d’un rapport d’information sur la sécurité routière, les conditions dissuasives de ce document vont à l’encontre de l’esprit de la loi.
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Mesure impopulaire, détonateur du mouvement des gilets jaunes… L’abaissement de la limitation de vitesse à 80 km/h sur les routes secondaires (communales, départementales et nationales) depuis le 1er juillet 2018, a longtemps divisé au sein de l’exécutif. Cette mesure portée par Édouard Philippe n’a jamais vraiment recueilli les faveurs du chef de l’État. Tant et si bien qu’en janvier 2019, lors du lancement du grand débat national, Emmanuel Macron ouvrait la porte à un compromis. « Il faut ensemble que l'on trouve une manière plus intelligente de le mettre en œuvre. Il n'y a pas de dogme » lançait-il devant un parterre d’élus locaux.

Ce fut chose faite dans le cadre de la loi d’orientations des mobilités (LOM) qui donne la possibilité aux départements et aux maires de revenir à 90 km/h sur certains tronçons.

Avis consultatif de la Commission départementale de sécurité routière

Mais les conditions de ce retour aux 90 km/h, précisées dans une circulaire du 15 janvier ont de quoi dissuader plus d’un élu local. Les départements devront solliciter un avis consultatif de la Commission départementale de sécurité routière (CDSR, composée de représentants de l'État, des élus locaux et d'associations) présidée par le préfet. La circulaire demande aux préfets de « donner un avis systématiquement défavorable » sur les tronçons où il y a « des arrêts de transports en commun », de la circulation d'engins agricoles et de riverains, ou « traversés de chemins de grande randonnée ou de véloroutes » (pistes cyclables de moyenne ou longue distance). Les élus qui souhaitent revenir aux 90 km/h devront par ailleurs transmettre au préfet un « projet d'arrêté motivé » et « basé sur une étude d'accidentalité » (fréquence des accidents) du tronçon concerné, est-il précisé.

« L’avis de la commission départementale n’est que consultatif et ce n’est pas parce qu’un préfet donne un avis défavorable qu’un département ne pourra pas revenir à la limitation de 90 km/h. Mais avec toutes ces conditions, cette circulaire donne l’ordre aux préfets de tout faire pour bloquer le retour à 90 km/h et donc contredit le vote du Parlement » s’agace Michel Raison, sénateur LR et auteur d’un rapport sur la sécurité routière. L’élu de la Haute-Saône entend d’ailleurs faire examiner cette circulaire « par des juristes » pour en vérifier la légalité.

Michel Raison observe aussi que si le gouvernement voulait rester « arc-bouté » sur la limitation à 80 km/h « après tout chacun ses positions, ça se respecte ». « Il n’avait qu’à s’opposer à son assouplissement devant sa majorité à l’Assemblée nationale lors de l’examen de la loi ».

« Le gouvernement fuit les responsabilités et veut absolument l’imposer aux départements en se dédouanant »

Les sénateurs avaient, eux, fait passer un amendement permettant aux préfets de relever la vitesse maximale autorisée sur les routes nationales. Cet amendement n’a pas été retenu par les députés, laissant les départements et les communes seuls face à « cette responsabilité ». « Le gouvernement fuit les responsabilités et veut absolument l’imposer aux départements en se dédouanant » avait dénoncé Michel Raison à l’époque.

Les départements pourraient, en effet, être confrontés à un risque pénal en cas d’accident mortel sur une route qui serait repassée aux 90 km/h.

« Ce sont des décisions qui sont lourdes et qu'il faut assumer en conscience »

En janvier 2019, Édouard Philippe avait prévenu les élus locaux : « ce sont des décisions qui sont lourdes et qu'il faut assumer en conscience ».

Ce jeudi, dans un communiqué, l’Association des départements de France (ADF), rappelle la création en octobre 2019 d’un « Observatoire de la sécurité routière des départements ». « Celui-ci permettra de disposer d’indicateurs communs pour suivre l’accidentalité dans les départements, de valoriser les politiques de sécurité routières menées localement, de partager les bonnes pratiques et de suivre les impacts du retour aux 90 km/h là où il a été décidé (…) les présidents de départements assumeront en conscience leurs responsabilités avec le souci, évident pour eux, de l’intérêt général » répondent-ils.

À noter enfin, que selon la circulaire, les gestionnaires des voiries concernées devront financer et installer eux-mêmes les nouveaux panneaux signalant le relèvement à 90 km/h au début de chaque section et après chaque intersection.

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