Retour des maths en première : « On touche à l’échec de la réforme Blanquer », juge le sénateur Max Brisson
L’annonce, ce dimanche 13 novembre, du retour de l’enseignement obligatoire des mathématiques en classe de première vient clore un feuilleton qui dure depuis plusieurs années. Malgré une réponse attendue par l’opinion, cette mesure ne satisfait pas les sénateurs, qui en attendent davantage pour que la France recouvre des compétences en mathématiques.

Retour des maths en première : « On touche à l’échec de la réforme Blanquer », juge le sénateur Max Brisson

L’annonce, ce dimanche 13 novembre, du retour de l’enseignement obligatoire des mathématiques en classe de première vient clore un feuilleton qui dure depuis plusieurs années. Malgré une réponse attendue par l’opinion, cette mesure ne satisfait pas les sénateurs, qui en attendent davantage pour que la France recouvre des compétences en mathématiques.
Mathilde Nutarelli

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Le ministère de l’Education nationale a annoncé, ce dimanche 13 novembre, le retour d’une heure trente de cours de mathématiques obligatoires dès la classe de première. Cela clôt un feuilleton qui dure depuis plusieurs années. En 2019, le ministre de l’Education d’alors, Jean-Michel Blanquer, avait réformé le bac et ainsi supprimé l’enseignement obligatoire des mathématiques en première à la rentrée 2020. Bronca parmi les acteurs de terrain qui craignaient un abandon massif des mathématiques par les élèves et ainsi une baisse généralisée du niveau des jeunes français dans cette discipline.

Une réforme aux effets « dévastateurs »

Ces craintes ont été confirmées par les chiffres, que Max Brisson, sénateur LR des Pyrénées-Atlantiques, juge « dévastateurs ». Après la réforme, 1 élève sur 3 arrête les mathématiques à la fin de la seconde, et les inégalités de genre sont renforcées par la mesure : 58 % des élèves qui continuent les mathématiques en option sont des garçons.

Les critiques se sont également élevées du côté du Sénat. En février 2022, il a rendu les recommandations de sa mission d’information sur les réformes de Jean-Michel Blanquer au ministère de l’Education nationale. Il y pointe, entre autres, la nécessité « d’introduire pour tous les élèves de première et de terminale un enseignement de mathématiques, pouvant prendre la forme de mathématiques appliquées et de lutter contre les stéréotypes de genre associés à certains enseignements et favoriser l’orientation des filles vers les spécialités et poursuites d’études scientifiques ».

Résultat : en juin 2022, le candidat Emmanuel Macron a fait du retour des mathématiques obligatoires au lycée une promesse de campagne, mise en pratique par l’annonce du 13 novembre.

« Cela fait perdre du temps à tout le monde »

Si cette mesure était vivement attendue par l’opinion publique, elle ne convainc pas les sénateurs. « C’est dans le pur style de la macronie, c’est la valse à 2 temps », raille le sénateur communiste des Hauts-de-Seine Pierre Ouzoulias. « Dans le premier temps, on a le rapport Villani qui donne un objectif, une perspective pour l’enseignement des mathématiques. Dans le deuxième temps, on a la réforme du lycée, où on fait l’inverse. Dans le 3ème temps, on revient au point de départ. Cela fait perdre du temps à tout le monde ».
Pour Max Brisson, rapporteur de la mission d’information sur les réformes de Jean-Michel Blanquer, « c’est une réponse à l’opinion publique, c’est une réponse à la polémique née au cours de ces derniers mois sur la chute des effectifs en spécialité mathématiques. Mais ce n’est pas une réponse au fond ».

Ce que regrette ce dernier, c’est que cet ajout d’une heure trente obligatoire « ne permettra pas de rétablir pour un grand nombre d’élèves un enseignement structurant en mathématiques ». « Il eut été plus judicieux d’établir une autre spécialité de mathématiques moins exigeante en termes d’abstraction que la spécialité actuelle, moins tournée vers la géométrie, davantage vers les probabilités et les statistiques et qui aurait pu être choisie par de futurs étudiants en sciences humaines ou en écoles de commerce », explique-t-il. D’autant que c’est « une heure trente en plus dans un emploi du temps déjà bien chargé », ajoute le sénateur.

Manque de professeurs : « La mesure est bien, mais si derrière on ne se donne pas les moyens, cela ne sert à rien »

Cette annonce survient après une rentrée 2022 marquée par la pénurie de professeurs. Le ministère de l’Education nationale chiffre lui-même ce besoin de 400 à 425 équivalents temps plein. « Je ne sais pas comment ils vont résoudre le problème », s’interroge Pierre Ouzoulias quand on l’interroge sur le manque de professeurs. « Le problème est beaucoup plus large, lié à l’attractivité des métiers de la connaissance, il nécessite un changement bien plus profond. La mesure est bien, mais si derrière on ne se donne pas les moyens, cela ne sert à rien ».

« Il convient de donner une culture mathématique à l’ensemble des lycéens, pour des raisons scientifiques et citoyennes »

Cette annonce arrive à un moment où l’enseignement des mathématiques concentre de nombreux enjeux. « Nous sommes aujourd’hui dans une civilisation où le numérique a pris une telle importance qu’il convient de donner une culture mathématique à l’ensemble des lycéens, pour des raisons scientifiques et citoyennes » explique Pierre Ouzoulias. « Aujourd’hui, des décisions sont prises par des algorithmes, et pour le citoyen, se prémunir des effets néfastes de ces réseaux sociaux, c’est comprendre ce qu’est un algorithme. Ce qu’il faut faire, c’est redonner un peu de liberté au citoyen ».

Le sénateur des Hauts-de-Seine, qui a été chargé de recherche au CNRS, ajoute : « On va mesurer la perte de formation mathématique dans la fréquentation des filières des classes préparatoires et de l’université. Il va y avoir un manque. La France est le seul pays de l’Europe occidentale à perdre des doctorants. Si on est incapables de former des scientifiques, on va jouer dans la deuxième division de la recherche et de la connaissance ».

Les sénateurs tirent à boulets rouges sur la réforme Blanquer

Au-delà de la question des mathématiques, c’est la réforme du lycée que les sénateurs dénoncent. « Cela montre ce que l’on avait dit au Sénat », tacle Pierre Ouzoulias, « la réforme du lycée est motivée par des raisons budgétaires : on manque de professeurs de mathématiques, donc on supprime les mathématiques ». Pour Max Brisson, « on touche à l’échec de la réforme Blanquer qui fait que le choix des spécialités ne construit pas un parcours lycée-licence, un continuum bac-3 bac + 3, qui était son essence même ». Il reste maintenant à voir si les autres mesures de la réforme Blanquer connaîtront la même fin que la suppression des mathématiques obligatoires.

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