Revoir le Dictateur en 2020, un chef-d’œuvre toujours d’actualité

Revoir le Dictateur en 2020, un chef-d’œuvre toujours d’actualité

Beaucoup d’entre nous ont des images du film Le Dictateur gravées en mémoire. Ces images de Charlie Chaplin, incarnant un dictateur éructant et agressif surplombant de fastueuses et inquiétantes parades militaires, se confondent parfois avec les archives montrant Hitler et le régime nazi. Revoir Le Dictateur, c’est faire face à des souvenirs d’enfance et à l’avertissement qu’un retour aux heures les plus tragiques de l’histoire est toujours possible…
Public Sénat

Par Nils Buchsbaum

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4 min

Publié le

Dès le début des années 1930, Charlie Chaplin est profondément inquiété par les tensions politiques et la montée des nationalismes en Europe. Il estime qu’il ne peut pas en faire abstraction dans ses productions et décide de préparer un film visant à mobiliser l’opinion publique nord-américaine en faveur des démocraties à une époque où rien ne semble résister à l’Allemagne nazie et où certains voient en Hitler un homme fort ayant réussi à rétablir la santé économique de son pays.

Le Dictateur : le barbier


L’histoire d’un petit barbier juif malmené par l’Histoire

L’histoire du Dictateur est celle d’un barbier juif emporté par les évènements historiques… D’abord blessé au combat dans une guerre de tranchées qui rappelle évidemment celle de 1914-1918, il reste plusieurs années en convalescence, amnésique et naïf quant à la nouvelle situation géopolitique de son pays, où dans le même temps, un homme nommé Hynkel est devenu dictateur. A l’aide de milices violentes et d’une puissante armée, il cherche à étendre son empire tout en ghettoïsant et maltraitant les Juifs. Malgré des pressions multiples pour ne pas produire ce film, Charlie Chaplin début son tournage en 1939, six jours seulement après le début de la guerre en Europe.

A l’époque, nombreux sont ceux qui font des rapprochements entre Charlie Chaplin et Adolf Hitler :
ils sont nés à quatre jours d’écart, ont tous deux accédé à une « notoriété mondiale » malgré leurs origines modestes, et le dictateur allemand porte la même petite moustache que Charlot. C’est une des particularités du cinéma du Charlie Chaplin, il se confond avec ses personnages, et ses films sont profondément ancrés dans l’époque.
Ainsi, en 1918 déjà, Chaplin à peine arrivé à Hollywood, milite pour que les Etats-Unis participent à l’effort de guerre en Europe, cette même année, il réalisera « Charlot soldat ».

Le Dictateur tenant un globe terrestre

La puissance de la parole pour prévenir du pire

Dans ce film, Charlie Chaplin joue deux personnages que tout oppose : Un barbier juif et un dictateur. Lors des premières séquences, le barbier ne parle pas, il gesticule, son corps est malmené sur le front de la guerre. Il est maladroit, incapable et subit les évènements. Alors qu’on lui demande de lancer une grenade, ses premiers mots sont « je ne sais pas comment faire, comment on fait ? ». Ici est-ce seulement le personnage du film qui parle ou bien est-ce Charlie Chaplin qui cherche à utiliser son film comme arme politique dans la situation qui est la sienne ? Ou encore est-ce Chaplin le cinéaste qui, pour son premier film parlant, a du mal à se saisir de la parole ?

Lors de la première apparition du dictateur Hynkel, ce dernier fait un discours ridicule et inaudible, un traducteur doit résumer son propos. Chaplin oppose donc au début du film, la brutalité du langage à la poésie des gestes.

On a souvent dit que ce film était visionnaire, mais il témoigne surtout de l’admirable acuité politique et historique de Charlie Chaplin qui anticipe la possibilité d’une nouvelle guerre en Europe, en même temps qu’il prévient de l’horreur du régime nazi en faisant allusion aux recherches technologiques, notamment autour d’un gaz exterminateur.
Avec le Dictateur, Charlie Chaplin réussit à faire un film tel qu’il conçoit le cinéma : Un film politique au sens où l’œuvre d’art cherche à créer du beau, du sensible en même temps qu’elle est ancrée dans son époque pour peut-être réussir à la transformer.

Dans le final où son personnage de barbier juif prend la place du dictateur, Chaplin prononce un discours de six minutes face à la caméra, dans lequel il expose ses opinions politiques personnelles en déclamant une ode à la fraternité.
Dorénavant, personne ne pourra séparer la dimension politique de son œuvre tandis que le cinéaste trouve la puissance de la parole.

Retrouvez le film
« Le Dictateur » sur Public Sénat vendredi 25 décembre à 16h30.

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