Richard Werly : « Il y a le risque d’une Europe une nouvelle fois décevante »

Richard Werly : « Il y a le risque d’une Europe une nouvelle fois décevante »

Un jour, un regard sur la crise du Covid-19. Public Sénat vous propose le regard, l’analyse, la mise en perspective de grands experts sur une crise déjà entrée dans l’Histoire.Aujourd’hui, le regard de… Richard Werly, Correspondant à Paris du quotidien suisse Le Temps.
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Par Rebecca Fitoussi

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En pleine crise sanitaire, le journaliste a décidé de faire un mini tour d’Europe aux frontières françaises. Richard Werly est allé de Dunkerque à Mulhouse en passant par la Belgique, le Luxembourg, l’Allemagne et la Suisse. C’est donc avec un regard d’Européen averti qu’il analyse les différentes réponses à la crise.

 

Il y a quelque chose de frappant dans cette crise, c’est la différence avec laquelle les pays européens la gèrent et tentent d’en sortir. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’y a pas eu de réponse sanitaire coordonnée. Est-ce inquiétant pour l’unité ou l’avenir de l’Union européenne ?

Je crois d’abord qu’il y a eu tout simplement l’urgence. Cette crise n’est pas arrivée aux mêmes dates. Le gros impact épidémique est d’abord arrivé en Italie, dix jours avant la France, ensuite l’Allemagne, une semaine après. Donc par définition, lorsqu’une crise n’arrive pas au même moment pour tout le monde, il est logique et même incontournable que les pays aient des stratégies et des réponses nationales.

 

Sauf si l’on considère que l’Europe est une…

Non, car même si l’Europe est une dans un certain nombre de domaines, et cela n’a rien à voir avec les traités, puisque la santé n’est pas dans les traités, les gouvernements s’occupent des problèmes qu’ils ont devant eux à un moment donné. La grande différence entre la crise financière et la crise sanitaire, c’est que la crise de 2008/2010 est arrivée au même moment pour tout le monde. Les pays ont été plus ou moins touchés, mais l’impact était commun. Là, l’impact n’est pas commun, ni du point de vue du calendrier, ni avec la même force. On voit par exemple que des pays comme la Grèce et le Portugal sont proportionnellement beaucoup moins touchés que d’autres pays voisins.

 

Justement, rentrons un peu dans le détail. Même s’il faut rester très prudent parce que le déconfinement pourrait changer la donne, il semble que l’Allemagne et l’Autriche sortent clairement du lot. Comment l’expliquez- vous ? 

Lorsque j’étais à Sarrebruck en Allemagne, trois explications m’ont été apportées. La première, ce sont les facteurs socio-économiques allemands, par exemple la densité de population. La densité urbaine est nettement inférieure à celle de la France. L’Allemagne est potentiellement plus résistante face à la propagation d’une épidémie que la France ou l’Italie où vous avez de grandes métropoles avec de fortes densités de population. Ce ne sont pas des certitudes, ce sont des explications possibles qui m’ont été données en Allemagne.

La deuxième explication, c’est que l’Allemagne a eu des contaminations mais elle n’a pas eu de cluster, ce que moi j’appelle ces « bombes biologiques ». Il y a bien eu ces personnes qui revenaient d’une station de ski en Autriche, mais c’est tout. Il n’y a pas eu d’affaires semblables à celle de Bourtzwiller en France, il n’y a pas eu l’affaire du match de football en Italie, bref, il n’y a pas eu un moment où l’on s’est retrouvé avec plusieurs milliers de personnes porteuses du virus qui partent dans la nature. Cela s’appelle ni plus ni moins la chance ! L’Autriche a eu un foyer dans une station de montagne, mais les stations de ski sont plus faciles à maîtriser pour une raison simple, c’est que vous savez très vite qui y était et qui n’y était pas. Cela n’a rien à voir avec un rassemblement religieux où les gens partent dans la nature. D’ailleurs, en France, on a très vite maîtrisé le cas des Contamines Montjoies parce qu’on savait d’où partait le foyer et qui avait été en contact avec ces personnes.

Troisième raison qui m’a été apportée, c’est que si vous regardez le calendrier, en gros, l’Italie prend la vague, la France la prend dix jours après, et l’Allemagne sept jours plus tard. Et bien les Allemands ont beaucoup mieux mis à profit le délai qu’ils avaient. Ils ont très tôt tiré les bonnes leçons du cas italien. Quand, nous Français, avions du mal à croire que nous pouvions être dans la situation des Italiens, les Allemands, eux, y ont cru tout de suite et ils ont pris de l’avance. Voilà la différence ! Une des premières mesures prises par les Allemands, c’est l’interdiction des coiffeurs à domicile pour les personnes âgées. Et ils la mettent en place très tôt. En France, nous étions absorbés par les élections municipales. Toute la période 15 février / 15 mars qui aurait dû être une période d’observation sanitaire intense a été monopolisée par les municipales. On ne parlait que de cela, on ne pensait qu’à cela. Moralité, on n’avait pas le regard au bon endroit.

 

Le Portugal a aussi montré une belle résistance face au virus. En cela, il se démarque fortement de son voisin espagnol. Comment le comprenez-vous ? 

Sur la base des éléments que j’ai, je dirais là aussi, absence de cluster et différence de densité de population. On est quand même en train de s’apercevoir que tous les pays n’ont pas la même vulnérabilité sociale au virus. Les pays qui ont de très fortes inégalités sociales comme l’Italie et la France, sont beaucoup plus vulnérables.

 

Les Grecs ont aussi plutôt bien géré la situation…

D’abord, les statistiques grecques ont montré dans le passé qu’elles n’étaient pas toujours fiables. C’est quand même une réalité. Il n’est pas sûr que les statistiques grecques soient complètement fiables en matière de Covid. On peut légitimement avoir un doute parce qu’on sait les difficultés traditionnelles que l’État grec a à recenser un certain nombre de choses.

La Grèce semble quand même moins touchée, c’est vrai. Je me pose deux questions. La première : parce qu’on sait combien l’appareil de santé grec est délabré, est-ce qu’un certain nombre de gens ne sont pas allés à l’hôpital parce qu’ils avaient peur ou qu’ils ne le pouvaient pas ? Par conséquent, ils ne sont pas recensés. C’est possible. Quand vous connaissez la Grèce, vous savez que l’hôpital est un vrai problème, il ne faut pas s’en cacher. Ma deuxième question, beaucoup plus triviale et incertaine : est-ce que cela pourrait être lié au nombre de fumeurs en Grèce ? On sait que certaines études font un lien entre tabac et protection contre le Covid, or, la Grèce et tous les pays des Balkans sont plus ou moins épargnés alors que ce sont des pays de gros fumeurs. Je ne sais pas, c’est une simple hypothèse, une question que je pose, mais le constat est troublant.

 

Paradoxalement des pays comme le Portugal et la Grèce risquent d’être les premiers à terre économiquement parce que le tourisme va s’y effondrer, non ?

Je n’en suis pas si sûr, je demande à voir. La saison au Portugal comme en Grèce va en gros du 15 juin au 15 septembre. On peut peut-être espérer qu’à partir du 15 juin, les choses reviennent suffisamment à la normale. La saison touristique sera abimée mais pas complètement gâchée à mon avis. Par ailleurs, dans le cas de la Grèce, je mettrais des nuances. Il n’y a pas que les touristes qui viennent d’Europe, il y a aussi ceux qui viennent de Turquie et encore d’autres réservoirs de touristes. Je ne suis pas si inquiet que cela pour le tourisme en Grèce. Il y aura évidemment une baisse mais je ne sais pas si elle sera si douloureuse que cela.

 

Et la Suisse ? Comment s’en sort-elle ?

La Suisse s’en sort bien et mal. La Suisse est un bon exemple de pays où l’épidémie a pris de manière très forte, et notamment à cause du cluster de Mulhouse, puisqu’il est frontalier, Mulhouse-Bâle, c’est la même agglomération. Et puis il y a eu un autre foyer : à Verbier, en Valais, en montagne. D’ailleurs si vous regardez les chiffres, c’est relativement la même proportion qu’en France. La grande différence, c’est que le système hospitalier n’a jamais été saturé, il n’a jamais été sous tension. La meilleure preuve, c’est que des patients français ont été accueillis en Suisse.

La raison à cela est double. D’abord, le système de santé suisse est entièrement privé. Résultat, les gens ne vont pas à l’hôpital pour n’importe quoi. Et puis, on ne l’a pas beaucoup dit, mais en France, lorsque les malades du Covid sont arrivés à l’hôpital, les hôpitaux étaient déjà surchargés, comme ils le sont toujours dans l’hexagone. Les malades sont arrivés dans des services qui débordaient. Ce n’est pas le cas en Suisse et ce n’est pas le cas non plus en Allemagne. En Suisse, vous n’allez à l’hôpital que pour vous y faire opérer ou hospitaliser. Les urgences n’y sont pas engorgées comme elles le sont en France. De ce fait, l’hôpital a pu mieux s’adapter et mieux trier les patients.

 

La France justement… On a une impression générale de cafouillage, de désorganisation, d’impréparation face à la crise. Avec la distance qu’est la vôtre, comment percevez-vous les choses ?

Je vous le redis d’abord, la période 15 février / 15 mars a été gâchée par les municipales. Il faut employer le mot, c’est une faute ! Ne pas annuler les municipales a été une faute politique majeure que la France paye cher. C’est une faute politique collective !

Quand j’essaie de regarder les choses avec distance, il y a deux éléments qui m’ont frappé. Premièrement, et ça on n’en est pas sorti, c’est ce que j’appelle cette tendance à l’hystérie française, c’est-à-dire cette incapacité collective, aussi bien politique que médiatique, à se dire qu’une crise peut être surmontée. C’est le fameux « Wir schaffen das » d’Angela Merkel (« nous y arriverons », ndlr) à propos des migrants. La première déclaration d’Angela Merkel devant la crise des migrants, même si on a vu ensuite que c’était plus compliqué, a été de dire : on va y arriver ! En France, il y a trop de défaitisme, on se complaît dans l’examen de la hauteur de la falaise qu’on ne pourra pas surmonter. Et on est toujours là-dedans ! On n’arrête pas de commenter la hauteur de la falaise.

 

Est-ce qu’il y aurait aussi un complexe de supériorité ? Le sentiment d’être intouchable ?

J’allais justement y venir. Au début, incontestablement, les Français ont cru que les Italiens se démerdaient mal parce qu’ils étaient italiens ! Il y a eu un contentement général de la classe politique française, en disant ça ne se passera pas chez nous, parce que nous ce n’est pas l’Italie. C’était une erreur de jugement que les Allemands n’ont pas faite. Deux autres éléments me frappent, et là je pose plus de questions que je n’apporte de réponses. Il y a quand même un refrain en France qui est de dire « notre système de santé est formidable », un refrain qui existait bien avant le Covid, « le système français est le meilleur du monde ». À partir du moment où vous dites cela, et où vous l’installez dans les têtes de tout le monde, vous faites croire qu’il n’y aura pas de problème. On n’a pas voulu voir que le système français était vulnérable, en raison de l’affluence, de l’ampleur de la crise, en raison du manque de respirateurs, etc.

Le deuxième élément qui me frappe, c’est l’affaire des masques. C’est une histoire aberrante. Factuellement, il est avéré qu’il y a eu un bug qu’on peut situer à 2016/2017, au moment où les stocks stratégiques n’ont pas été renouvelés. Personne n’a voulu avouer le bug, encore aujourd’hui, le gouvernement ne l’avoue pas. On n’a pas voulu reconnaître le problème, donc on l’a camouflé en disant d’abord que les masques n’étaient pas utiles, et en disant maintenant que les masques sont très utiles. Donc maintenant, on se met dans le piège inverse et on crée une course infernale aux masques. Sur cette affaire, il y a eu un manque de reconnaissance factuelle qui aurait consisté à dire : « Il arrive que des gouvernements fassent des erreurs, des erreurs ont été faites », cette phrase-là n’a pas été prononcée.

 

Sur le plan économique, l’Europe n’arrive pas à se mettre d’accord sur un plan de relance. L’Autriche, les Pays-Bas, la Suède et l’Allemagne notamment refusent la mutualisation des dettes. Comment le comprendre ? Est-ce que les pays qui ont fait des années d’efforts budgétaires ne veulent pas payer pour ceux qui n’ont pas eu la même rigueur ? Les fourmis contre les cigales ? C’est ainsi qu’il faut le voir ?

Je ne crois pas. Ce n’est pas comme cela que je vois les choses. Je pense qu’il y a une inquiétude d’un certain nombre de pays, l’archétype ce sont les Pays-Bas, sur le fait que cette crise va leur coûter extrêmement cher et qu’en gros leur raisonnement c’est de dire : « mon épargne est faite pour moi ». À la fin, c’est un manque de solidarité, mais je ne suis pas sûr que ce soit le réflexe cigale/fourmi. Il y a une vraie inquiétude dans ces pays prétendument rigoureux de voir s’accumuler les dettes. Chez eux, accumuler les dettes, c’est plus pénible qu’en France.

 

Donc parler seulement d’un manque de solidarité et mal les juger, c’est un tort ?

C’est un manque de solidarité in fine, mais ce n’est pas la cigale et la fourmi. Certains pays ont plus peur que d’autres de s’endetter. C’est comme ça et cela les conduit à refuser une évidence qui est que tout le monde va devoir s’endetter et s’endetter beaucoup. C’est culturel et c’est financier, de ce point de vue, les Pays-Bas sont un cas caricatural.

Deux autres remarques. On voudrait que la communauté européenne accouche de chèques avec des tas de zéros alors qu’on n’est pas encore capable d’estimer justement l’impact économique. Et là, je peux comprendre la prudence d’une Angela Merkel. Je ne dis pas que je la défends, mais je peux comprendre sa prudence. Elle nous dit : « ayons d’abord une idée plus juste de la facture avant de s’entendre sur le montant. » Il y a un côté rigoureux que je peux comprendre. En revanche, deux choses sont incompréhensibles. La première, c’est que rien n’empêche, et pour le moment Angela Merkel ne l’a pas fait, de répéter ce qu’avait dit Mario Draghi, ancien président de la Banque Centrale Européenne, en 2012 pour sauver la zone euro : « Whatever it takes » (« tout ce qu’il faut », « quoiqu’il en coûte », ndlr). Ce qui manque aujourd’hui venant de l’Allemagne, c’est une déclaration forte disant : « on fera ce qu’il faudra ». Le « Whatever it takes » manque au niveau européen.

Deuxième chose, on est en train de jouer un jeu de dupes qui est plus inquiétant. On est en train de mettre en opposition d’un côté le budget européen, et de l’autre, un éventuel fonds de reconstruction. En gros l’Allemagne dit : moi je veux bien mettre de l’argent dans le budget européen, mais je ne veux pas en mettre dans un fonds de reconstruction. Ça, c’est un mensonge parce que le budget européen ne peut pas investir, il n’est pas là pour faire des investissements puisqu’il n’a pas de ressources propres, il ne peut emprunter que pour prêter aux États. Et là je trouve que c’est complètement stupide de démarrer une guerre institutionnelle. La réalité, c’est qu’à crise exceptionnelle, dispositif exceptionnel ! On a vu avec la crise financière que le mécanisme de stabilité basé à Luxembourg avait plutôt bien marché. Je ne comprends pas pourquoi les Allemands brandissent cette opposition avec le budget européen. La seule raison que j’y vois, c’est de faire de l’obstruction et d’ouvrir le parapluie parce qu’ils ont peur de leurs juges de Karlsruhe (siège de la cour constitutionnelle allemande, ndlr). L’Allemagne n’a donc peut-être pas tort dans son analyse économique et dans sa volonté d’attendre d’y voir un peu plus clair, mais elle a complètement tort politiquement en refusant de s’engager.

 

Le résultat, c’est qu’on a encore le sentiment que l’Europe, et en particulier l’Allemagne, joue au gendarme de la rigueur budgétaire. C’est déjà l’image qu’elle a dans une partie de l’opinion. On aurait pu se dire que cette crise changerait cette image, c’est raté ?  

Ce n’est pas encore raté mais il y a un vrai risque. Et il y a un autre risque, c’est que les pays qui ont les moyens, dont l’Allemagne, soient tentés de dire : on va protéger nos champions ou plutôt, on va faire de nos champions les champions européens. Et ça, c’est un enjeu essentiel. Tout le monde est d’accord pour dire qu’il faut des géants européens dans un certain nombre de domaines stratégiques (chimiques, pharmaceutiques…). Là où l’on n’est pas d’accord, c’est où sera basé le champion européen. Je soupçonne les Allemands, une fois de plus, de dire : nous allons les construire pour vous ces géants mais ce seront nos géants. Si c’est cela que l’Allemagne pense, c’est dramatique.

 

Quel est le risque de ces jeux de dupe, de ces doubles stratégies, de ce manque de solidarité ? La question qui revient sur toutes les lèvres, ne nous le cachons pas, c’est celle de voir monter dans les années à venir des colères nationales et des votes extrêmes…

C’est un vrai risque, c’est un vrai risque. Évidemment, pays par pays, les situations varient beaucoup, mais c’est un vrai risque parce que les gouvernements se sont engagés dans une course-poursuite très dangereuse consistant à dire aux populations : on va payer. Cela a créé une attente qui sera parfois insurmontable. Les mots « sacrifices » ou « ce sera dur » n’ont pas été assez utilisés dans certains pays. Il y a le risque d’une Europe une nouvelle fois décevante. Mais elle décevra à l’aune de promesses qu’on n’aurait peut-être pas dû faire.

Va s’ajouter un problème géopolitique qu’on n’aborde pas. Tout le monde est d’accord pour dire qu’on va ramener en Europe un certain nombre d’industries, mais cela veut dire qu’on va aller frapper à la porte des Chinois et qu’on va leur dire qu’on leur enlève les usines. Et qu’est-ce qui va se passer ? Est-ce qu’on croit vraiment que la Chine va accepter de se délester de toutes ces usines et continuer de nous acheter des sacs Vuitton et des Airbus ? On a là un vrai problème. On n’est pas capable aujourd’hui de prédire l’impact d’une diplomatie économique européenne beaucoup plus musclée. On ne sait pas quel sera l’impact sur le commerce mondial. Moi je suis assez effaré de voir notamment en France qu’on se réjouit de la fin de la mondialisation. La mondialisation a beaucoup de torts, mais il ne faut pas oublier que le commerce c’est la paix. Pas de commerce, c’est la guerre. À partir du moment où on coupe les flux commerciaux, on coupe l’interdépendance et on rajoute des raisons de se « foutre sur la gueule ». Imaginons qu’Apple décide de rapatrier des usines aux États-Unis comme le demande Monsieur Trump, est-ce qu’on croit vraiment que les Chinois vont gentiment accepter cela ? On ne se rend pas compte aujourd’hui de l’impact concret des promesses européennes qu’on est en train de faire.

 

Qu’est-ce que cette crise a dit de la gestion de nos frontières européennes, extérieures et intérieures ? Est-ce que cette crise peut faire varier les règles ? Vers la fin de l’espace Schengen ? Vers la fin d’une libre-circulation des biens et des personnes ?

Je me fonde sur ce que j’ai vu et entendu lors de mon voyage. Cela ne changera pas la libre-circulation, les gens veulent continuer de bouger, de circuler. Je ne pense pas que quiconque en Europe, sauf l’extrême droite, soit prêt à voir des postes-frontières où les voitures vont attendre trois heures. Non, je ne le crois pas. On nous a habitués à franchir ces frontières européennes tranquillement, sans problème, et je pense que personne ne veut voir revenir des postes-frontières postés partout qui demandent des papiers et prennent des bakchiches. Je ne suis pas très inquiet sur le maintien de la libre-circulation des personnes.

Je vois même une bonne nouvelle dans cette interruption des frontières ! Cela m’a été dit par la sénatrice du Haut-Rhin, Patricia Schillinger. L’élue m’a dit : « on a redécouvert qu’il y avait une frontière et on a redécouvert qu’à force de croire qu’on se connaissait, en fait, on ne se connaissait pas. » On ne fonctionne pas de la même manière et l’urgence maintenant, c’est de réapprendre à se connaître, c’est de refaire fonctionner les vieux comités transfrontaliers qui avaient disparu. Il faut que ces zones-frontières redeviennent des zones de coopération étroite. Elles n’étaient plus que des passoires. La frontière peut redevenir un lieu de coopération et plus seulement une passoire ! On avait peut-être trop oublié qu’une frontière c’est aussi une différence culturelle, des lois différentes, des systèmes de santé différents. Le fait de redécouvrir ces différences ne me semble pas une mauvaise chose.  

Interview réalisée par Rebecca Fitoussi @fitouss

 

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