« Spoutnik V » : peut-on croire au vaccin russe ?

« Spoutnik V » : peut-on croire au vaccin russe ?

L’annonce de Vladimir Poutine de l’enregistrement du premier vaccin contre le Covid-19 a surpris l’ensemble de la communauté scientifique. Face à lui, AstraZeneca et l'Université d'Oxford viennent de déclarer avoir signé un accord avec la Fondation Carlos Slim pour produire des vaccins destinés à toute l'Amérique latine... Explications.
Public Sénat

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Que dit l'annonce russe ?

Vladimir Poutine a annoncé, ce mardi 11 août, au cours d’une allocution en visioconférence diffusée à la télévision russe, que son pays s’apprêtait à devancer tous les États lancés dans la course au vaccin contre le Covid-19. « Ce matin, pour la première fois au monde, un vaccin contre le nouveau coronavirus a été enregistré. (…) Je sais qu’il est assez efficace, qu’il donne une immunité durable », a déclaré le chef d’État russe, depuis sa résidence de Novo-Ogarevo en banlieue de Moscou, où il est toujours confiné.

D’après Moscou, un milliard de doses auraient été précommandées par une vingtaine pays. Les livraisons pourraient débuter à partir de janvier 2021.  « Nous espérons vraiment qu’en septembre, ou même fin août-début septembre, le vaccin sera produit et la première catégorie à être vaccinée sera le personnel médical », a déclaré la vice-présidente russe en charge de la Santé.

Ce vaccin, le Spoutnik V, serait produit par Binnopharm à Zelenograd. La société, située à une trentaine de kilomètres de Moscou, assure être capable de produire 1,5 million de doses de vaccin chaque année.

Le Spoutnik V est-il efficace ?

« D’après nos résultats, le vaccin fait preuve d’une efficacité et d’une sécurité élevées. Tous les volontaires ont développé des niveaux élevés d’anticorps Covid-19 et, dans le même temps, aucun d’entre eux n’a présenté de complications graves », a assuré Mikhail Murashko, ministre de la Santé. Pour appuyer son propos, Vladimir Poutine a même affirmé qu’une de ses filles avait reçu une dose de ce nouveau vaccin.

Toutefois, le fait qu’aucun des participants à ce premier test n’ait présenté de sérieuses complications n’est pas un critère suffisant pour démontrer qu’il n’est pas néfaste pour la santé. D’ailleurs, d’autres essais cliniques sur l’être humain ont enregistré ces mêmes résultats. Par exemple, des chercheurs chinois ont eux aussi présenté un article « extrêmement encourageant », qui notait une « forte réponse immunitaire » chez les volontaires et l’absence d’effets secondaires graves.

En outre, de nombreux scientifiques considèrent l’annonce de Vladimir Poutine très prématurée car le vaccin russe n’en est qu’à la phase 1 de son développement, d’après les critères de l’OMS. Le « Spoutnik V » aurait été administré à seulement 76 individus (deux groupes de 38 personnes ayant reçu une ou deux doses du vaccin).

Or, pour être homologué, un vaccin doit pouvoir être testé sur des centaines voire des milliers d’individus afin que son efficacité soit démontrée. En phase 3, ces essais doivent permettre d’identifier les complications possibles – y compris les plus rares – et inclure un groupe à qui l’on injecte un placebo pour contrôler les résultats. Le vaccin russe est peut-être efficace, mais c’est encore prématuré pour l’affirmer.

Comment interpréter l’annonce de Vladimir Poutine ?

La réponse à cette question est sans doute à chercher dans le nom de ce fameux vaccin. Il a été baptisé « Spoutnik V » (V comme vaccin), en référence à la mise en orbite du satellite du même nom, un exploit considéré comme la plus grande victoire politico-scientifique russe sur son rival américain durant la Guerre froide.

L’annonce de Vladimir Poutine pourrait donc être un coup politique, destiné à redorer son image et montrer la détermination du gouvernement russe à lutter contre l’épidémie. Les chiffres de la mortalité en Russie laissent déjà songeurs nombre d’experts. Le pays affiche plus de 900 000 cas de coronavirus, tout en déclarant 15 000 décès. La France, en comparaison, compte plus de 30 000 morts pour environ 200 000 contaminations confirmées.

 

Quid d'AstraZeneca et de l'Université d'Oxford ?

Parmi les plus avancés dans la course au vaccin, l’Université de Oxford et le laboratoire anglo-suédois AstraZeneca ont annoncé avoir signé un accord avec la Fondation Carlos Slim « pour produire entre 150 et 250 millions de vaccins destinés à toute l'Amérique latine à l'exception du Brésil, qui seront disponibles pour le premier semestre 2021 ».

L’idée consiste à distribuer un vaccin au sous-continent américain à des « prix raisonnables », fixés entre 3 et 4 dollars la dose. Le laboratoire AstraZeneca et l’université d’Oxford conduisent pour l’heure des tests dans plusieurs pays, combinant la phase 2 et 3. En tout, 5000 volontaires ont été recrutés au Brésil. A cela s’ajoutent 4 000 Britanniques déjà enrôlés dans les essais cliniques conduit par la prestigieuse université.

Dans la même thématique

« Spoutnik V » : peut-on croire au vaccin russe ?
3min

Société

« Quand j’ai abordé les viols sur enfants, j’ai reçu beaucoup de courriers me traitant de rabat-joie », Mireille Dumas

Dans son émission « Bas les masques » ou encore « Vie privée, vie publique », Mireille Dumas a mis en lumière des parcours de vie peu écoutés, et pourtant loin d’être des cas isolés. Alors que les féminicides étaient qualifiés de « crimes passionnels », elle dénonçait déjà les violences perpétrées à l’encontre des femmes, des enfants et des minorités de genre. Quel regard porte-t-elle sur l’évolution de la société sur ces questions ? Comment explique-t-elle son intérêt pour les autres ? Cette semaine, Mireille Dumas est l’invitée de Rebecca Fitoussi dans « Un Monde un Regard ».

Le

« Spoutnik V » : peut-on croire au vaccin russe ?
6min

Société

Opérations « place nette XXL » contre la drogue : « Le but stratégique, c’est de couper les tentacules de la pieuvre », défend Darmanin

Devant la commission d’enquête du Sénat sur les narcotrafics, Gérald Darmanin a vanté le bilan des opérations antidrogues lancées ces derniers mois dans plusieurs villes de France. Le ministre de l’Intérieur assure qu’au-delà de « la guerre psychologique » menée contre les dealers, ce sont les réseaux dans leur ensemble qui sont impactés.

Le