Suspension de la ligne Perpignan-Rungis: «L’exemple du laxisme français»

Suspension de la ligne Perpignan-Rungis: «L’exemple du laxisme français»

La ligne de fret du « train des primeurs » Perpignan-Rungis qui roulait à vide depuis le début de la semaine est finalement suspendue jusqu’au 1er novembre. « Une décision surréaliste », « l’exemple du laxisme français » pour des sénateurs qui ne décolèrent pas. 
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« Le train fantôme » est finalement stoppé. Une réunion du comité de pilotage ministériel à la préfecture des Pyrénées-Orientales a décidé de la suspension temporaire, jusqu’au 1er novembre, de la ligne ferroviaire de fret reliant la plateforme Saint-Charles international de Perpignan, premier centre de commercialisation, de transports et logistique de fruits et légumes en Europe, et le marché de Rungis. Le train qui traversait la France 6 jours par semaine, avec à son bord entre 800 et 1 200 tonnes de primeurs, roulait à vide depuis lundi. La faute à un manque d’anticipation ou un manque de volonté de la SNCF, dans le remplacement des wagons frigorifiques qui vont atteindre leur limite d’âge à la fin de l’année. Conséquence, les clients ont mis fin à leurs contrats, privilégiant au ferroviaire, les transporteurs routiers.

Élisabeth Borne assure n’avoir pas été « alertée sur l’état de ces wagons »

Mercredi, quelques heures avant l’annonce de la suspension de la ligne, la nouvelle ministre de la Transition écologique et solidaire, Élisabeth Borne avait dû faire face au feu nourri des sénateurs socialistes et communistes. Une « opération écologiquement irresponsable » et « économiquement absurde » avait tancé le sénateur communiste, Pascal Savoldelli, en plein examen du projet de loi Energie et Climat (voir notre article). « Je regrette d’avoir été mis devant le fait accompli. Parce que peut-être que tout le monde était au courant de l’état des wagons… Mais vous voyez, la ministre des Transports n’avait pas été alertée sur l’état de ces wagons. Je ne me résous pas à ce que les marchandises passent sur la route. Vous nous reprochez de faire rouler un train vide. Qu’est-ce que vous nous auriez dit si ce train s’était arrêté ? » avait répondu la ministre.

« Comment peut-on laisser faire une connerie pareille ? »

Et que disent-ils maintenant que le train est arrêté ? « L’exemple même du laxisme français. Ce gouvernement fait des lois comme celle sur l’Énergie et le Climat. Ce sont des faux-semblants pour se donner bonne conscience. En réalité, l’exécutif laisse faire le marché. Et dans ces cas-là, ce n’est jamais bon pour le train. On va se retrouver avec 25 000 camions supplémentaires sur nos routes et nos autoroutes. Comment peut-on laisser faire une connerie pareille ? » se désole le sénateur socialiste, Martial Bourquin qui rappelle que la pollution de l’air cause 48 000 décès par an.

« C’est une absence de volonté politique »

« C’est surréaliste. Quand la ministre nous dit qu’elle n’était pas au courant de l’état des wagons, elle se moque du monde. Au Parlement, ça fait deux mois qu’on interpelle le gouvernement sur ce sujet. Et à chaque fois, c’est un jeu d’esquive, de poker menteur » abonde le sénateur LR, Jean-François Husson avant d’ajouter : « Si le fret ferroviaire n’était pas compétitif, il fallait peut-être regarder pourquoi. C’est une absence de volonté politique ».

Cet après-midi, Élisabeth Borne a rejeté la responsabilité de cette situation sur les gouvernements précédents. « Il aurait fallu anticiper au cours des dernières décennies pour ne pas laisser notre réseau ferroviaire se dégrader ». Puis, revenant sur la réunion du comité de pilotage ministériel, la ministre assure « qu’a l’unanimité, tous les acteurs ont convenu qu’il faut relancer cette liaison de fret ferroviaire. Ça sera le cas à l’automne » a-t-elle assuré avant selon elle, la préparation « d’une solution pérenne ».

Suspension de la ligne Perpignan-Rungis:  Il aurait fallu anticiper au cours des dernières décennies »se défend Elisabeth Borne
01:24

« Le 1er novembre, on se retrouvera dans la même situation »

Mais l’optimisme affiché de la ministre de la Transition écologique peine à convaincre les principaux acteurs du dossier. « Ce n’est pas tenable politiquement. Le 1er novembre, on se retrouvera dans la même situation. Comment Élisabeth Borne incitera les chargeurs à revenir au fret ferroviaire alors qu’il n’y a plus de contrats ? » s’interroge Thomas Portes, Responsable national du PCF en charge du collectif des cheminots, et porte-parole de la CGT-cheminot. Pour lui, la responsabilité politique ne date pas d’hier mais de 2006, date de l’ouverture du fret intérieur ferroviaire à la concurrence. « L’État n’a jamais voulu investir dans de nouveaux wagons alors que pour être compétitif, le fret ferroviaire doit être subventionné. On nous parle toujours de rentabilité mais qu’en est-il de la rentabilité écologique ? ». Thomas Portes déplore également « un pourrissement de l’intérieur de fret SNCF », ou selon lui, il n’y aurait pratiquement plus de commerciaux pour démarcher les clients.

Un avis partagé par Martial Bourquin qui rappelle que la SNCF avait la charge de chercher des marchandises pour remplir le train de retour Rungis-Perpignan. « Comme la SNCF ne cherchait pas de marchandises, les prix augmentaient régulièrement. Et la SNCF a dit officiellement aux entreprises de l’agro-alimentaire : cherchez autre chose, des camions, parce qu’on va arrêter » rapporte-il au micro de Public Sénat

Suspension de la ligne Perpignan-Rungis: réaction de Michel Raison
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Hier, Jean-Luc Gibelin, vice-président de la Région Occitanie, en charge des Transports a indiqué la tenue « d’un nouveau comité de pilotage le 11 septembre ». « Il sera ouvert à la grande distribution et à la filière Bio ». Deux autres réunions devraient se tenir cet été sur les problématiques de la vétusté des wagons et de leur remplacement.

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