Vaccination obligatoire : « On doit se préoccuper de ce débat dans les mois à venir », selon Bernard Jomier

Vaccination obligatoire : « On doit se préoccuper de ce débat dans les mois à venir », selon Bernard Jomier

L’Académie de médecine jette un pavé dans la mare en se prononçant pour la vaccination obligatoire, dans un premier temps aux professions exposées. Pour le sénateur Bernard Jomier, tout dépend de « l’objectif » qu’on se fixe, circulation moyenne ou très faible du virus. Son collègue Alain Milon se dit « extrêmement favorable à une vaccination obligatoire ».
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Le nombre de vaccinés contre le covid-19 est chaque jour plus important. Mais cela sera-t-il suffisant ? Selon l’Académie de médecine, la réponse est non. C’est pourquoi elle préconise de rendre le vaccin obligatoire. Un sujet inflammable.

« Les mesures individuelles (gestes barrières) et collectives (couvre-feu, confinement) sont incapables de contrôler dans la durée » l’épidémie, met en garde l’Académie. C’est pourquoi une obligation vaccinale serait le seul moyen d’atteindre « une immunité collective suffisante pour contrôler l’épidémie », explique-t-elle, surtout avec les antivaccins ou ceux qui hésitent à se faire vacciner.

L’« obligation ne pourra être instaurée que de façon progressive », en imposant dans un premier temps le vaccin à certaines professions (enseignants, professions de santé, police, fonction publique, commerces, restauration, hôtellerie, établissements culturels et sportifs) ainsi qu’aux étudiants, en vue de la rentrée de septembre. Quand le protocole sera homologué, les adolescents et les enfants pourraient aussi être vaccinés.

« L’intervention de l’Académie de médecine a l’intérêt de poser ce débat »

Alors que les antivaccins sont toujours présents et que l’idée de rendre la vaccination obligatoire pour les soignants était déjà mal passée, début mars, faut-il aller plus loin ? Pour le sénateur (apparenté PS) Bernard Jomier, « l’intervention de l’Académie de médecine a l’intérêt de poser ce débat, dont on doit se préoccuper dans les mois à venir ». Selon le président de la mission d’information du Sénat sur les effets du confinement, tout dépend de l’objectif poursuivi. « Si on veut que les services de réanimation ne soient plus saturés, dans ce cas il est probable qu’on atteigne cet objectif avec les volontaires – on devrait avoir 30 ou 35 millions de vaccinés – et l’immunité acquise ». En revanche, « si on a un autre objectif qui est de réduire encore plus fortement la circulation du virus, peut-être qu’il faudra un niveau de vaccination plus élevé ».

Mais pour y voir plus clair, ce médecin généraliste de profession compte sur « les modélisations » que la mission d’information du Sénat a commandées pour savoir quel niveau de vaccination est nécessaire, peut-être « 70 ou 75 % » de la population. Se posera aussi la question « de la vaccination des moins de 18 ans. Et si on le fait, ce serait intelligent de le faire avant la rentrée », souligne Bernard Jomier.

« Je rappelle que pour les enfants, 11 vaccins sont maintenant obligatoires »

Pour le sénateur LR Alain Milon, ancien président de la commission d’enquête du Sénat sur le covid-19, ça ne fait pas l’ombre d’un doute : il faut rendre la vaccination obligatoire. Il défend cette position depuis longtemps. « Je suis extrêmement favorable à une vaccination obligatoire car il s’agit d’une protection globale de la population contre une maladie qui est mortelle. Et quand on voit le résultat des vaccins dans la lutte contre la diphtérie, la poliomyélite et la rougeole, où la vaccination est obligatoire, il n’y a aucune raison de ne pas le faire ». Il ajoute :

Si personne n’est vacciné, vous aurez encore 100.000 ou 150.000 morts du covid-19 l’année prochaine.

Il ne faut en effet pas oublier que le principe de l’obligation vaccinale existe déjà. « Je rappelle que pour les enfants, 11 vaccins sont maintenant obligatoires. On peut dire que si on vaccine assez de Français par les seuls actes volontaires, c’est très bien et c’est mieux. Mais si c’est nécessaire, ça doit pouvoir être édicté », selon Bernard Jomier, qui n’écarte donc pas la nécessité d’une vaccination imposée.

« Olivier Véran a esquivé »

Petit problème : le gouvernement avait affirmé que le vaccin ne serait pas rendu obligatoire… Le ministre de la Santé Olivier Véran l’affirmait en décembre dernier, expliquant que le vaccin ne serait pas nécessaire pour se rendre dans un restaurant. « La vaccination contre le coronavirus ne sera pas obligatoire. Le Président s’y est engagé, le premier ministre également », soutenait Olivier Véran.

Si l’exécutif changeait d’avis, ce ne serait pas la première volte-face. Mais sur ce sujet sensible, elle serait risquée et nécessiterait des talents d’équilibriste. « C’est une faute de dire « fontaine, je ne boirai jamais de ton eau » », réagit Bernard Jomier. « Olivier Véran a esquivé, disant qu’il préfère convaincre que contraindre. Mais si on n’arrive pas à convaincre assez de monde, c’est une vraie question », souligne le sénateur de Paris, qui pense que « le gouvernement a tort de ne pas mener les batailles qu’il faut mener. On se rappelle qu’en décembre, il n’osait pas défendre la vaccination et survalorisait les effets secondaires. Et ça, c’est une faute. Ce ne sont pas les plus obscurantistes qui doivent mener les thèmes du débat ».

Pour compliquer l’équation, la question vaccinale ne se limite pas seulement à la France. « Si on veut arriver à un niveau de protection globale, il faut que toute la population qui n’arrive pas à se faire vacciner dans les autres pays puisse accéder au vaccin. Il faut des dons et participer au Covax », souligne Alain Milon, pour qui « il sera nécessaire d’évoluer vers une vaccination globale dans le monde entier. Sinon, on est parti pour une vaccination tous les ans ». Hypothèse tout à fait plausible.

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