Variole du singe : peu grave, mais l’apparition de plusieurs cas dans le monde interroge

Variole du singe : peu grave, mais l’apparition de plusieurs cas dans le monde interroge

Alors que cinq cas de variole du singe ont été détectés en France, le précédent de la Covid a de quoi nourrir les peurs. Les épidémiologistes veulent rassurer sur le potentiel épidémique du virus, même s’ils s’interrogent sur l’apparition concomitante de cas en Europe et en Amérique du nord. Surtout, ils appellent à maîtriser la communication autour des pandémies, où le moral de la population joue un rôle crucial.
Louis Mollier-Sabet

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La variole. « Le mot a une forte charge symbolique dans l’inconscient collectif », avertit d’emblée Laurent Toubiana, chercheur titulaire à l’Inserm, quand on l’interroge sur la résurgence de la variole du singe (« monkeypox » en anglais) en Occident, avec 5 cas détectés en France à ce jour. En effet, après deux ans de pandémie de covid, l’évocation de cas de varioles dans l’Hexagone interroge. « Le parallèle avec la variole est surdimensionné », prévient Laurent Toubiana. « 3 % de taux de mortalité [pour la variole du singe], ce n’est pas rien, mais le taux de mortalité de la variole est énorme. » Proche de la variole, la « monkeypox », souvent transmise par des rongeurs, reste en effet beaucoup moins grave et moins contagieuse que le fameux virus « obsessionnel dans nos sociétés occidentales », pour le chercheur à l’Inserm. Et contrairement à la covid, on connaît « depuis plusieurs décennies » la variole du singe, explique le Professeur Yves Buisson, membre de l’Académie nationale de médecine.

« La maladie est elle-même assez peu grave, on en guérit en maximum 3 semaines »

D’après lui « il faut bien se garder de faire des parallèles avec la covid, ça n’a rien à voir », notamment parce que les symptômes sont plus clairs et qu’ils permettent de mieux identifier les cas et de casser les chaînes de contamination : « L’avantage, c’est que les personnes infectées, on les voit, on les piste et comme il n’y a pas de porteur asymptomatique, c’est facile de repérer les contacts. » Michèle Legeas, professeure de l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (EHESP) abonde : « On a la chance que pour la variole du singe, la phase d’incubation soit rarement contaminante, or c’est ce qui fait qu’on n’arrive pas à se débarrasser de la covid. Là on a une irruption brutale des symptômes. » Et ils sont difficiles à manquer, avec des éruptions cutanées, souvent sur le visage, la paume des mains et la plante des pieds, qui se transforment en lésions, pustules et croûtes. Mais malgré des symptômes assez graphiques, « la maladie est elle-même assez peu grave, on en guérit en maximum 3 semaines », tempère Laurent Toubiana.

Hier, la Haute Autorité de Santé a rendu un avis préconisant une vaccination « réactive » après exposition à un cas confirmé, « pour les adultes contacts à risque élevé de variole du singe. » Le vaccin utilisé serait le vaccin de 3ème génération contre la variole, un vaccin vivant non réplicatif, ou inactivé, « qui n’est pas sans risque, avec des effets secondaires indésirables importants », rappelle Michèle Legeas. Laurent Toubiana aussi reste circonspect sur l’efficacité de l’utilisation prophylactique du vaccin contre la variole en population générale : « On présume qu’il y a une immunité croisée entre la variole et ce ‘monkeypox’. On peut imaginer ça, mais je me méfie beaucoup. » En revanche, en ce qui concerne la vaccination des personnels de santé en contact avec des malades, « pourquoi pas », répond l’épidémiologiste, même si « l’âge médian des médecins étant très élevé, la plupart sont déjà vaccinés contre la variole [l’obligation vaccinale a été supprimée en 1980, ndlr]. » Finalement, cette stratégie de vaccination « en anneau » est « une bonne formule » pour Yves Buisson : « On peut repérer les malades, les isoler, remonter leurs cas contacts, et les vacciner le cas échéant. La durée d’incubation étant de 7 jours, si on vaccine tôt une personne exposée, on peut prendre de vitesse le virus. »

« Prendre des mesures de précaution, c’est très bien, mais pas faire un grand ramdam »

Plus que la dangerosité d’un virus qui n’a jamais beaucoup circulé en Occident, c’est finalement son apparition concomitante en Europe et en Amérique du Nord qui questionne. « Ce qui est très étonnant, c’est l’apparition à peu près partout dans le monde de cas sporadiques », s’interroge Laurent Toubiana, qui évoque sobrement une « forme de perplexité. » Le virus a déjà brièvement circulé dans les pays riches, mais les scientifiques ont toujours réussi à retracer l’histoire de son importation. En 2003 par exemple, la variole du singe est détectée pour la première fois aux Etats-Unis, après que des rongeurs importés d’Afrique ont contaminé des chiens de prairie. Jusqu’à aujourd’hui, les scientifiques avaient tendance à considérer que la variole du singe était une zoonose, qui se transmettait donc assez peu entre êtres humains. « Cette maladie était rare hors d’Afrique et rapidement jugulée en Occident. Là, cela part un peu dans tous les sens dans plusieurs pays européens et américains, alors que l’on n’a pas vu de cas animal », analyse Yves Buisson. « Cela laisse supposer qu’il se passe quelque chose de nouveau sur le plan épidémiologique. Les enquêtes sont à faire. » Toutes les hypothèses restent donc ouvertes autour de ce qui a changé pour que la variole du singe apparaisse ainsi en Occident sans que l’on puisse détecter d’importation animale, mais en tout état de cause, « on a besoin de comprendre pourquoi », affirme le professeur Buisson.

Face à ce besoin scientifique de comprendre, Laurent Toubiana tient à alerter sur la prise en charge médiatique et la communication des pouvoirs publics des enquêtes sur la variole du singe : « Une épidémie se véhicule sur une population, et son état psychologique est donc un paramètre très fort. Il y a quelque chose qui ne va pas dans la communication autour des épidémies et de la santé : véhiculer à ce point des informations parfois décalées sur une maladie qui n’a pas du tout émergé me semble globalement dangereux. » En effet, d’après lui, « les épidémies sont pratiquement construites aujourd’hui », par des « outils qui permettent de voir ce qui n’est pas visible par les individus. » Laurent Toubiana dénonce une météorologie de la santé » contreproductive, puisque les politiques sanitaires ne doivent pas seulement empêcher les gens de tomber malade, mais aussi « les protéger d’un point de vue psychologique et de leur bien-être. » Bref, « les mesures de précaution » que prend la Direction Générale de la Santé (DGS), « c’est très bien », mais « faire un grand ramdam » témoigne pour l’épidémiologiste d’une « dérive » médiatique et communicationnelle « extrêmement grave », qui met les populations « dans un état de stress psychologique intense. » Il est certain qu’il y a 3 ans, l’apparition de cas humains de variole du singe n’aurait pas autant monopolisé l’attention médiatique. Là encore, la covid est passée par là.

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