Violences sexuelles sur mineurs : désaccord entre le Sénat et le gouvernement
Les propositions faites par la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, et la secrétaire d’État à l’égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, en matière de violences sexuelles sur mineurs n’ont pas satisfait les sénateurs, lundi 11 juin, lors de la présentation du projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes au Sénat.

Violences sexuelles sur mineurs : désaccord entre le Sénat et le gouvernement

Les propositions faites par la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, et la secrétaire d’État à l’égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, en matière de violences sexuelles sur mineurs n’ont pas satisfait les sénateurs, lundi 11 juin, lors de la présentation du projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes au Sénat.
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Par Juliette Bénézit

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Concernant la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes, « la légitimité des finalités est incontestable mais les moyens ne sont pas nécessairement les bons. » D’emblée, Philippe Bas, président de la commission des lois au Sénat, a donné le ton, lundi 11 juin, à l’occasion d’une audition réunissant la secrétaire d’État à l’égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, et la garde des Sceaux, Nicole Belloubet  : un accord entre le gouvernement et la chambre Haute sur le projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, qui doit faire son arrivée au Sénat dans les prochains jours, ne sera pas facile à trouver.

Interrogées dans le cadre des travaux préparatoires à l’examen du texte en séance, Marlène Schiappa et Nicole Belloubet, ont défendu point par point les différentes mesures de leur projet de loi devant la commission des lois du Sénat et la délégation à l’égalité entre les femmes et les hommes. Et un constat s’impose : ce texte ne manque pas de susciter auprès des sénateurs les mêmes interrogations que celles exprimées par les députés, le mois dernier, lors de l’examen du projet de loi en première lecture à l’Assemblée Nationale.

« Seulement 1% des violeurs seraient condamnés », Marlène Schiappa

"En France, 1% des violeurs sont condamnés" selon la secrétaire d'Etat Marlène Schiappa
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La secrétaire d’État à l’égalité entre les femmes et les hommes a cependant tenu à alerter sur la situation actuelle : « Seules 10% des victimes de violences sexuelles portent plainte, seules 10% des plaintes aboutissent à une condamnation. Seulement 1% des violeurs seraient donc condamnés ». Un constat qui oblige à agir, d’après Marlène Schiappa.

La nouvelle définition de l’atteinte sexuelle suscite des crispations

Mais sans surprise, c’est l’article 2 du texte qui a concentré l’essentiel des crispations. Jugé « déceptif » par la sénatrice socialiste Laurence Rossignol, l’article 2 ne créé pas – comme il avait initialement été annoncé par le gouvernement – de présomption de non-consentement pour tout mineur de moins de 15 ans qui aurait une relation sexuelle avec un majeur. Des faits qui auraient alors pu être automatiquement qualifiés de viol.

A la place, le gouvernement a décidé de modifier la définition du viol telle qu’elle est actuellement prévue par le Code pénal : alors que les critères de menace, violence, contrainte ou surprise seront toujours requis pour prouver le viol, il est précisé par le projet de loi que la contrainte morale pourra désormais être caractérisée « par l’abus de vulnérabilité de la victime ne disposant pas de la maturité ou du discernement nécessaire pour consentir à ces actes ».

Laurence Rossignol (PS) dénonce un risque de correctionnalisation des viols sur mineurs

"Nous nous donnons les moyens de combattre le crime de viol" affirme la ministre de la Justice Nicole Belloubet
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Dans le cas où le viol ne serait pas retenu, les peines assorties au délit d’atteinte sexuelle – avec circonstance aggravante en cas de pénétration – ont été augmentées par le projet de loi, passant ainsi de 5 ans à 10 ans. D’où le risque de « correctionnalisation » des viols sur mineurs que certains dénoncent, qui seraient plus facilement traduit devant un tribunal correctionnel que devant une cour d’assises. Les peines encourues étant alors sensiblement différentes.

« Nous avons fait un double choix : d’une part, combattre le crime de viol, en assouplissant considérablement la question de la preuve, en la rendant quasiment automatique pour les mineurs de 15 ans. D’autre part, nous aggravons l’atteinte sexuelle lorsqu’il y a pénétration », s’est défendue la garde des Sceaux, Nicole Belloubet.

Laurence Rossignol (PS), de son côté, continue de plaider pour la création d’une nouvelle infraction qui introduirait une présomption de non-consentement pour les mineurs de moins de 13 ans. Une disposition qui serait « inconstitutionnelle », pour Nicole Belloubet.

« C’est la mission des forces de l’ordre de protéger la population et donc les femmes », Marlène Schiappa

Les autres mesures prévues par le projet de loi n’ont néanmoins pas suscité les mêmes débats et certaines ont même recueilli un quasi consensus : c’est le cas de l’allongement de la prescription –  de 20 à 30 ans à compter de la majorité des victimes – pour les crimes sexuels commis sur mineurs. Seul le sénateur François Pillet (LR) a émis quelques réserves : « La preuve, 30 ans après les faits, quand les témoins ont voulu oublier, quand il n’y a plus aucune trace matérielle de l’agression, est-ce que c’est vraiment donner une arme supérieure aux victimes ? », s’est interrogé le sénateur.

Enfin, la volonté du gouvernement de créer un délit d’outrage sexiste visant à condamner notamment les faits de harcèlement de rue a suscité une adhésion sans passion, certains sénateurs pointant notamment la réticence qu’auraient les forces de l’ordre face à cette mesure. « Je crois que les forces de l’ordre sont tout à fait partantes. » « C’est la mission des forces de l’ordre de protéger la population et donc les femmes dans ce contexte », a rétorqué Marlène Schiappa.

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