En laissant Laurent Wauquiez annoncer seul un demi-revirement sur l’effort demandé aux retraités, Michel Barnier ouvre la porte à de nouvelles crispations au sein de sa fragile majorité. « C’était tendu » au petit déjeuner de la majorité, selon plusieurs participants. Au groupe LR du Sénat, on salue un « bon compromis », mais les responsables du budget de la Sécu et du budget apprécient peu de ne pas avoir été « mis dans la boucle ».
Le rapport du sénateur LR Bruno Belin, en vue de l’examen de la mission sécurité du budget 2025, pointe l’impact financier des JO de Paris 2024 et de la crise en Nouvelle-Calédonie sur les finances de la gendarmerie et de la police. Conséquence : la police a renoncé à remplacer plus de 2.000 voitures et la gendarmerie n’a pas payé ses loyers à de nombreuses communes. Les budgets de la police et de la gendarmerie sont en revanche en hausse en 2025.
Alors que le gouvernement présente ce vendredi son plan contre le narcotrafic, le PS entend lui aussi montrer que « sur le plan répressif, il prendra toute sa part dans la lutte contre la criminalité », tient à rappeler le sénateur Jérôme Durain. Sa proposition de loi, cosignée avec le sénateur LR, Etienne Blanc, « sera le véhicule législatif retenu par le gouvernement pour traiter de cette question du narcotrafic ». Le socialiste sera présent à Marseille, aux côtés des ministres.
Alors que le budget est toujours à l’Assemblée, les sénateurs se préparent. Aujourd’hui soutien de Michel Barnier, le Sénat se retrouve en position de force et entend bien jouer la carte de la coconstruction avec le gouvernement. « Il faut être ambitieux et réaliste », résume le rapporteur LR du budget, Jean-François Husson. S’ils veulent renforcer les économies, les sénateurs devraient alléger l’effort demandé aux collectivités.
Débats budgétaires hors de contrôle, tensions entre alliés macronistes et LR, manque de cohésion au gouvernement : la vie du « socle commun » n’est pas un long fleuve tranquille. Les deux camps, qui « se foutaient sur la gueule » avant l’été, n’ont pourtant pas d’autres choix que de s’entendre, du moins aujourd’hui.
« Il n’y aura pas de nouvelle taxe, mais il faut réfléchir à une participation possible au fait de vivre dans la ville ou le village », avance la ministre Catherine Vautrin, qui ouvre la réflexion avec les élus. Au Sénat, le président de la délégation aux collectivités, Bernard Delcros, évoque une « réforme de la taxe foncière », quand le vice-président de l’AMF, Philippe Laurent, défend une contribution qui « tient compte très largement du revenu ». Le débat est loin d’être clos.
D’une intensité toujours plus forte, les inondations et catastrophes naturelles extrêmes se répètent. La France a su « forger une culture du risque et de la prévention », souligne la sénatrice LR Christine Lavarde, mais elle reste encore bien insuffisante et doit évoluer face au réchauffement climatique.
Si tous les projecteurs sont tournés vers le budget, le premier ministre n’oublie pas la question de la fin de vie. « Il n’y a pas une semaine où Michel Barnier ne fait pas un point sur le sujet », confie un ministre.
Alors que le premier ministre avait simplement évoqué la reprise du « dialogue » avec les élus corses, la ministre du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation va plus loin. Le processus qui doit mener à l’autonomie de la Corse dans la République va reprendre. « Au deuxième semestre 2025, il pourrait y avoir l’examen de ce texte » constitutionnel, affirme sur Public Sénat Catherine Vautrin.
Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, verrait d’un bon œil l’examen de deux textes sur l’immigration, l’un sur la transposition du pacte asile et immigration et l’autre qui serait la reprise de la proposition de loi Buffet-Retailleau. Mais rien n’est arrêté. « Pour le moment », seule la transposition de la directive européenne est prévue de façon certaine dans les cartons du gouvernement.
Face à une assemblée où « tout est possible » sur le budget, le Sénat entend jouer sa carte. Michel Barnier pourra s’appuyer sur une majorité sénatoriale détenue par les LR et les centristes, qui sont au gouvernement. Au point que « c’est le Sénat qui va faire la majeure partie du travail de construction et de coconstruction », avance une ministre. Mais les sénateurs entendent revoir en partie « la copie du docteur Barnier ». Leur idée : « Augmenter » les économies afin de pouvoir « limiter » les hausses d’impôts.
Sur l’immigration, le gouvernement devra nécessairement déposer un projet de loi pour transposer le pacte asile et immigration européen. Le ministre de l’Intérieur pourrait aussi s’appuyer sur une proposition de loi sénatoriale, dont il est lui-même l’auteur, pour reprendre les mesures censurées par le Conseil constitutionnel. Un saucissonnage qui permettrait d’aller plus vite, en comptant sur la majorité du Sénat, et d’éviter le rejet d’un texte unique fourre-tout par le RN, qui dénonce le pacte européen.